Les ministres du G7 promettent d’avoir la Russie à l’oeil
TORONTO — Le Canada et le Royaume-Uni se disent enthousiastes face à l’effort concerté du G7 afin de rappeler à l’ordre la Russie pour son «comportement malveillant», mais les États-Unis adoptent un ton plus prudent.
Les ministres du Groupe des sept pays les plus industrialisés (G7) sont réunis depuis dimanche, et jusqu’à mardi, à Toronto. Le secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, Boris Johnson, a offert le premier un aperçu, lundi, de la décision de ses collègues du G7 de créer un groupe de travail pour se défendre contre les menaces russes à la démocratie. Son homologue canadienne et hôte de la rencontre à Toronto, Chrystia Freeland, a rapidement acquiescé quant à l’importance de la mesure.
Toutefois, le représentant des États-Unis à cette rencontre — le secrétaire d’État adjoint, John Sullivan — n’a pas jugé bon de faire mention de la création du groupe de travail sur la Russie dans ses déclarations finales. M. Sullivan s’est plutôt attardé à la crise nucléaire nord-coréenne, à la suite de la révélation d’une visite du directeur de la CIA, Mike Pompeo, à Pyongyang, il y a deux semaines, pour ouvrir la voie à une rencontre entre le président Donald Trump et le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un.
Mme Freeland a placé la Russie au sommet d’un ordre du jour très chargé qui inclut la Corée du Nord, l’Iran, la crise en Syrie, le Venezuela et la situation des Rohingyas musulmans. Elle a obtenu des participants un accord pour établir un groupe de travail afin que les leaders des gouvernements des pays du G7 puissent agir sur le «comportement malveillant» de la Russie au sommet de juin dans Charlevoix.
La Russie est, bien évidemment, un enjeu délicat pour M. Trump, avec l’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur les allégations d’une possible collusion entre la Russie et l’équipe de campagne ayant mené M. Trump à la présidence en 2016.
Les ministres du G7 s’étaient déjà entendus dimanche pour discuter le lendemain de l’influence déstabilisante du président russe, Vladimir Poutine, a indiqué lundi Boris Johnson. Il a fait valoir que le groupe s’attardera au comportement malveillant de la Russie «dans toutes ses manifestations — que ce soit la cyberguerre, la désinformation ou les tentatives d’assassinat —, et tentera de les mettre au jour».
Selon M. Johnson, Moscou «est incroyablement habile à semer le doute et la confusion, à propager de fausses nouvelles et à essayer de brouiller les cartes». Le ministre britannique croit que le G7 peut jouer un rôle pour rétablir les faits.
Ingérence dans les démocraties
Mme Freeland avait peu de détails à donner sur ce qu’accomplirait le groupe de travail du G7, mais a affirmé qu’il y avait unanimité au sein des ministres pour un effort concerté afin de s’attaquer à la désinformation russe et à l’ingérence dans les démocraties à travers le monde.
La ministre canadienne a affirmé que ses homologues et elle avaient discuté des attaques contre la démocratie, et «en particulier des efforts russes pour déstabiliser certaines démocraties et de la désinformation russe».
Mme Freeland a dit se réjouir que M. Johnson ait parlé du groupe de travail car elle estime qu’il s’agit «de l’un des résultats les plus importants et intéressants de nos discussions».
M. Sullivan, lui, a tout de même appelé la Russie à être un «partenaire constructif» en Syrie, où Moscou continue de soutenir le régime de Bachar al-Assad. Il a fustigé Moscou pour l’attaque au gaz innervant contre un espion russe et sa fille à Salisbury, en Angleterre. Le secrétaire d’État adjoint a aussi appelé le Kremlin à remettre la Crimée à l’Ukraine et à sortir de la région de l’est.
Les ministres du G7 se pencheront par ailleurs sur les façons de composer avec leurs ressortissants qui sont allés faire le djihad au Moyen-Orient et qui doivent maintenant se disperser. Le ministre canadien de la Sécurité publique, Ralph Goodale, rappelait lundi que la défaite de Daech (groupe armé État islamique) l’an dernier en Syrie a sonné la dispersion de ces combattants étrangers physiquement, mais aussi virtuellement, sur internet, où ils font planer des menaces nouvelles, potentiellement plus insidieuses.
Selon M. Goodale, ces discussions avaient déjà été amorcées l’an dernier à la suite de la défaite de Daech à Raqqa, dans le centre de la Syrie. «Où vont ces combattants lorsqu’ils sont défaits ? Migrent-ils vers le nord de l’Afrique ? Tentent-ils d’entrer en Europe ? Essaieront-ils de rentrer chez eux ?», demande le ministre canadien. «Ils sont aussi beaucoup plus présents sur internet et dans les médias sociaux.»