Soutenez

Le Manoir Richelieu s’apprête à accueillir le G7

Ryan Remiorz / La Presse Canadienne Photo: Ryan Remiorz
Giuseppe Valiante, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

Le directeur du Fairmont Le Manoir Richelieu, Jean-Jacques Etcheberrigaray, visitait sa famille dans sa région basque natale, dans le sud de la France, il y a environ un an, lorsqu’il a reçu un coup de fil du gouvernement canadien.

Il n’en savait rien à ce moment, mais des employés du gouvernement fédéral avaient effectué trois visites secrètes dans son établissement pour l’inspecter et déterminer s’il était en mesure d’accueillir les dirigeants des sept plus grandes puissances économiques du monde.

«La personne au bout du fil voulait me parler — elle n’a jamais dit qu’elle était du G7, raconte M. Etcheberrigaray. La nouvelle est venue environ un mois et demi plus tard.»

«Évidemment, ils m’ont dit pourquoi ils ont choisi le Manoir: parce qu’il est si beau», ajoute M. Etcheberrigaray, debout au milieu du vaste terrain de l’hôtel pendant qu’autour de lui, des ouvriers s’affairaient au jardin de la falaise de Pointe-au-Pic qui surplombe le fleuve Saint-Laurent.

Vieux de 120 ans, l’hôtel de 405 chambres accueillera le 44e sommet annuel du G7 les 8 et 9 juin, lorsque les leaders des sept pays, leurs conjoints et leur entourage se rendront dans Charlevoix, à environ 150 kilomètres au nord-est de Québec.

Avec la fonte récente des derniers monticules de neige, la propriété ressemble de plus en plus à une forteresse prête à héberger un nombre élevé de gens très importants.

Une clôture métallique a été érigée tout autour de l’hôtel, traversant la forêt qui l’encercle, jusqu’aux rives du Saint-Laurent. Un épais câble noir y a été attaché pour alimenter en électricité les caméras de sécurité installées le long de la structure. Affaires mondiales Canada a loué la totalité de l’hôtel du 27 mai au 12 juin.

La porte-parole Alexandra Young n’a pas voulu dévoiler combien d’invités sont attendus au sommet, mais elle a dit qu’il y aurait «plusieurs milliers» de journalistes, de membres du personnel de sécurité et de délégués.

Zone rouge, zone verte, zone blanche
L’hôtel se trouve au coeur de la «zone rouge», un secteur clôturé dont l’accès sera strictement contrôlé par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), qui a pris la tête des opérations de sécurité entourant l’événement.

Comme les pelures d’un oignon, une autre «zone verte» clôturée et dotée de neuf points d’accès sera installée autour de la zone rouge. Elle sera accessible aux résidants et commerçants dûment accrédités.

La circulation se fera librement autour de la zone verte, indique Camille Habel, une sergente de la GRC qui agit comme porte-parole pour toute l’équipe de sécurité composée de membres de la GRC, des Forces armées canadiennes, de la Sûreté du Québec et des forces municipales de Québec et de Saguenay.

On s’attend à ce que les manifestants convergent principalement vers Québec, mais la police a prévu une controversée «zone de libre-expression» dans ce qu’on appelle la «zone blanche» de La Malbaie.

Les groupes de défense des libertés civiles déplorent que la GRC ait installé un périmètre de sécurité aussi vaste et qu’elle interdise aux manifestants de s’approcher de l’hôtel, ce qui augmente, selon eux, les risques d’arrestations de masse. Mme Habel explique que les manifestants pourront sortir de cette zone de libre-expression, mais qu’ils devront garder la paix.

«Tant que les gens respectent les règles, ils peuvent se promener ailleurs avec une pancarte, a-t-elle dit. Donc si les gens (sortent de la zone de libre-expression) ce sera traité au cas par cas.»

Amnistie internationale et d’autres organisations de défense des libertés civiles s’inquiètent aussi du traitement qui sera réservé aux manifestants dans un centre de détention installé provisoirement au nord de La Malbaie.

Un porte-parole de la GRC, Erique Gasse, a expliqué qu’il y aura «un centre opérationnel pour le traitement des contrevenants» adjacent à l’aréna de Clermont. Il n’a pas fourni plus de détails, notamment en ce qui concerne la taille de ce centre.

Quand le Canada a accueilli un événement du genre pour la dernière fois, lors du sommet du G20 à Toronto en 2010, la police a arrêté des centaines de personnes, entre autres parce que le gouvernement ontarien avait temporairement accordé aux policiers le droit d’arrêter des gens autour du périmètre de sécurité.

Le ministère québécois de la Sécurité publique a confirmé n’avoir reçu aucune demande en ce sens. Mme Habel a dit ne disposer d’aucune information du genre.

Une longue histoire
Au Manoir Richelieu, M. Etcheberrigaray assure que son équipe est prête à «exécuter le G7».

«Nous devons être impeccables en ce qui concerne le produit lui-même, explique-t-il. Le tapis, les chambres, la peinture (sur les murs). L’exécution de mon équipe concernera surtout la nourriture et les boissons — tous les repas. Il y aura plusieurs invités de marque et (Ottawa) veut que tout se passe comme sur des roulettes.»

Le Manoir Richelieu est bien connu pour des raisons aussi bien positives que négatives: son histoire est tout aussi légendaire que controversée.

Son terrain de golf a été inauguré par l’ancien président américain William Taft en 1925 et le Manoir a accueilli des générations de Canadiens qui apprécient les paysages spectaculaires et la quiétude qu’il offre.

Le Manoir est aussi connu pour un conflit de travail acrimonieux qui s’est soldé par la mort d’un manifestant étouffé par un policier au milieu des années 1980.

L’homme d’affaires Raymond Malenfant avait acheté l’établissement au gouvernement du Québec pour 555 555,55$ en 1985. Il avait refusé de reconnaître le syndicat qui représentait ses 350 employés.

Pendant le conflit, des employés sont entrés dans l’hôtel et l’ont saccagé. Au bout du compte, le syndicat a été démantelé et tous les employés ont été limogés. M. Malenfant, dont la fortune était estimée à plusieurs centaines de millions de dollars dans les années 1980, a fait faillite au début des années 1990.

Si le Manoir est déjà bien connu au Québec, M. Etcheberrigaray a dit espérer que le G7 rehausse sa visibilité internationale.

«Cet hôtel a quelque chose de spécial, affirme-t-il. C’est très spirituel.»

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.