La Presse: PKP dénonce la décision des Desmarais
QUÉBEC — Power Corporation présente un subterfuge aux parlementaires pour se débarrasser à peu de frais de La Presse et faire essuyer ses pertes par les contribuables.
C’est l’accusation lancée mercredi par le grand patron de Québecor, Pierre Karl Péladeau, à la commission parlementaire sur la transformation éventuelle de La Presse en organisme à but non lucratif (OBNL).
Power Corporation veut se départir de La Presse pour en faire un OBNL, afin qu’elle obtienne ultimement des crédits d’impôt du fédéral sur la masse salariale, mais pour ce faire, il faut abroger une vieille loi privée du Québec datant des années 1960.
«Subterfuge»
«Ce qui vous est présenté est un subterfuge que les représentants de Power Corporation souhaitent utiliser pour se débarrasser à peu de frais de La Presse», a plaidé M. Péladeau.
Il accuse son concurrent de ne pas faire face aux obligations de la loi actuelle et de faire des pressions indues pour un changement législatif rapide, avant la fin de la session, au détriment d’un examen exhaustif par les parlementaires. Il réclame un processus parlementaire élargi et dans des délais plus longs pour réfléchir aux grands enjeux du secteur.
Power Corporation accorde 50 millions $ pour assurer la transition vers l’OBNL, mais l’actionnaire de contrôle de Québecor fait valoir que le montant ne représente que 89 000 $ par employé, alors que l’entreprise aurait accordé jusqu’à 5 ans de salaires à d’anciens employés autrefois en indemnités de départ. Donc, le conglomérat financier aurait pu verser bien plus, soit 275 millions $, a-t-il poursuivi.
«Échec patent»
Pierre Karl Péladeau soutient que le modèle de l’OBNL est loin d’assurer la pérennité de La Presse, tandis que lui a su faire faire le virage numérique à Québecor sans revendiquer d’avantage indu.
«La Presse est un échec patent et c’est une illustration de l’incompétence de sa direction, ils ont mal dirigé, ils n’ont pas pris les décisions appropriées pour leur média, ils ont essayé de vendre leur plateforme sur la planète, et aujourd’hui, on demande aux contribuables de prendre la place des actionnaires pour financer les pertes d’exploitation de ce média, c’est ça la réalité, il n’y en a pas d’autres.»
Qui plus est, si l’OBNL doit compter sur la philanthropie de la grande entreprise, elle s’expose donc à une forme d’influence, a-t-il laissé entendre.
Et par ailleurs, l’OBNL est la «meilleure façon de camoufler les dépenses mal avisées», a dit M. Péladeau, en évoquant le cas de la Formule E à Montréal et l’OBNL «Montréal c’est électrique».
Le magnat de Québecor a reconnu lui-même que le nouvel univers numérique a entraîné de «fortes perturbations» dans le marché publicitaire des médias, que s’accaparent maintenant Facebook et Google.
Il a précisé que la constitution d’un OBNL n’était «clairement pas un objectif» de son entreprise, mais il a ajouté qu’il ne sait pas ce qui pourrait advenir dans cinq ou dix ans.
Urgence d’agir
Plus tôt en journée, autant Power Corporation, que la direction de La Presse, ont plaidé l’urgence d’agir. Ils ont rappelé que Google et Facebook accaparaient la moitié des revenus publicitaires au Canada il y a quelques années, alors que la proportion est maintenant de 80 pour cent.
«On ne peut pas attendre une année de plus», a affirmé le président de La Presse, Pierre Elliott Levasseur.
Le Parti québécois a demandé des garanties sur l’indépendance éditoriale de La Presse, mais la direction a laissé entendre qu’elle voulait conserver sa position éditoriale fédéraliste, tandis que le grand patron de Power Corporation, André Desmarais, a souhaité de même.
«Un journal qui consacre sa ligne éditoriale à combattre une formation politique fondée par René Lévesque, je trouve cela inacceptable, a fait savoir le leader parlementaire péquiste Pascal Bérubé. (…) Pour un député d’une formation légitime élue démocratiquement, qui n’est pas déshonorante, je trouve cela blessant.»
Des syndicats et la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) ont pour leur part demandé à l’Assemblée nationale de ne pas s’ingérer dans les politiques rédactionnelles du média.
Unanimité nécessaire
La ministre de la Culture, Marie Montpetit, a clairement signifié la position du gouvernement, favorable à l’abrogation de la loi datant des années 1960. Elle a soutenu qu’il ne revenait pas aux élus de s’immiscer dans la direction, la structure ou la ligne éditoriale d’un média.
L’éditeur de La Presse, Guy Crevier, a pour sa part dit que le PQ lui avait donné l’assurance qu’il ne ferait pas obstacle à la démarche législative.
Cependant, il faut l’accord de tous les élus pour procéder avec cette procédure de dernière minute et la députée indépendante Martine Ouellet pourrait en quelque sorte poser un veto.
Rappelons que la société mère de La Presse détient une participation dans La Presse canadienne dans le cadre d’une entente conjointe avec une filiale du quotidien The Globe and Mail et l’éditeur Torstar.