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Gestion de l’offre: ce qu’il faut savoir

Sean Kilpatrick / La Presse Canadienne Photo: Sean Kilpatrick / La Presse Canadienne
Lee Berthiaume - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le président des États-Unis Donald Trump a haussé la mise en ce qui concerne la gestion de l’offre du système laitier canadien, prévenant à maintes reprises que le Canada subira des répercussions si ce système n’est pas démantelé.

Voici ce que vous devez savoir sur la gestion de l’offre, y compris pourquoi M. Trump veut s’en débarrasser — et pourquoi les gouvernements fédéraux de toutes allégeances ont dit non.

La base
La gestion de l’offre sous sa forme actuelle existe depuis les années 1970 et s’applique à trois principaux segments de l’industrie agricole: les produits laitiers, les œufs et la volaille.

Le système limite essentiellement la production en ne permettant que la production d’une certaine quantité de chacun. L’idée est d’éviter que le marché ne soit saturé, ce qui vise à maintenir la stabilité des prix et à assurer des revenus stables aux agriculteurs.

Le système limite également les importations en imposant des tarifs douaniers sur les importations au-delà d’un certain niveau. Pour les produits laitiers, ces droits peuvent être élevés: près de 300 pour cent pour le beurre et la crème et 240 pour cent pour le fromage, le lait entier et le yogourt.

Il y a environ 12 000 producteurs laitiers au Canada, dont environ 80 pour cent en Ontario et au Québec. En ce qui concerne le commerce transfrontalier, les États-Unis ont vendu pour 631 millions $ de produits laitiers au Canada en 2016, tandis que le Canada en a vendu pour 112 millions $ aux États-Unis.

Les avantages et les inconvénients
M. Trump est loin d’être le premier à attaquer la gestion de l’offre au Canada, en particulier lorsqu’il s’agit de produits laitiers; la Nouvelle-Zélande et l’Australie ont menacé de maintenir le Canada à l’écart du Partenariat transpacifique (PTP) s’il ne changeait pas son comportement.

Les détracteurs du système, qui comprend de nombreuses personnes à l’intérieur du Canada, disent que cela représente un obstacle à l’atteinte d’ambitieux accords de libre-échange avec d’autres pays, puisqu’il contraint le gouvernement à abandonner d’autres secteurs pour protéger l’industrie laitière pendant les négociations.

Le système fait également augmenter le coût des produits laitiers, des œufs et du poulet pour les consommateurs, ce qui, selon les opposants au système, a un impact disproportionné sur les familles à faible revenu.

La Fondation Canada West, un groupe de réflexion basé à Calgary qui préconise la fin de la gestion de l’offre, a estimé l’an dernier que le ménage canadien moyen payait 600 $ de plus pour le lait et le poulet qu’aux États-Unis.

Les partisans, cependant, affirment que le système protège les agriculteurs canadiens contre les fluctuations de prix qui ont ravagé d’autres segments de l’industrie agricole et élimine le besoin des bouées de sauvetage gouvernementales.

Ils soutiennent également que le système protège mieux la salubrité des aliments et génère des produits de meilleure qualité, et rappellent que les États-Unis et d’autres pays ont leurs propres protections sous la forme de subventions directes et indirectes aux agriculteurs.

Une étude réalisée par des consultants commerciaux chez Gray, Clark, Shih and Associates et commandée par les Producteurs laitiers du Canada au début de cette année a estimé que le gouvernement américain a fourni 22 milliards $ de subventions au secteur laitier en 2015.

Sylvanus Kwaku Afesorgbor, un expert en économie agricole de l’Université de Guelph, a déclaré que le maintien de la gestion de l’offre au Canada dépendait en fin de compte de l’équilibre entre avantages et inconvénients.

«Quels sont les coûts et les avantages pour le Canada?, a demandé M. Afesorgbor. Voilà comment nous devrions analyser si le Canada devrait continuer à mettre en œuvre certaines de ces politiques de gestion de l’offre.»

La politique
Mais il est difficile de séparer la gestion de l’offre de la politique.

M. Trump s’est d’abord attaqué à la gestion canadienne de l’offre de l’industrie laitière au cours d’une visite au Wisconsin l’an dernier, où des agriculteurs locaux se seraient plaints de ne pas pouvoir vendre leurs produits au Canada.

La question a depuis pris une vie propre, le président présentant à maintes reprises la gestion de l’offre comme un exemple de ce qu’il prétend être les pratiques commerciales injustes du Canada envers les États-Unis.

Exactement pourquoi M. Trump s’est arrimé si solidement à cette question reste discutable: certains suggèrent qu’il l’utilise comme une excuse pour imposer des tarifs à l’acier canadien, tandis que d’autres disent que ses attaques résonnent avec les électeurs dans des parties clés des États-Unis.

Les conservateurs de Stephen Harper ont envisagé en 2015 d’éliminer la gestion de l’offre des produits laitiers dans le cadre d’un accord PTP qui a stimulé l’appétit de l’industrie américaine, a déclaré Christopher Sands, directeur du Centre d’études canadiennes de l’Université Johns Hopkins.

Mais les libéraux ont suivi les traces de la plupart des autres gouvernements fédéraux et refusé de bouger, M. Trudeau déclarant jeudi aux journalistes: «Nous défendrons toujours notre système de gestion de l’offre parce que cela fonctionne».

Ce que le premier ministre n’a pas mentionné, c’est que toute tentative de démantèlement du système laitier créerait un tollé politique, particulièrement dans les régions libérales de l’Ontario et du Québec, où se trouvent la plupart des producteurs.

«De toute évidence, Stephen Harper pouvait se permettre d’abandonner la gestion de l’offre de produits laitiers parce qu’il avait très peu de sièges au Québec et un surplus budgétaire et que c’était dans le contexte d’un accord multilatéral avec le Partenariat transpacifique, a dit M. Sands. Pour Justin Trudeau (…) il y a moins de choses qu’il peut obtenir en échange, il n’y a pas d’argent à dépenser pour que les agriculteurs aient un quota à abandonner et c’est une question importante au Québec, qui contribue beaucoup de sièges au gouvernement Trudeau.»

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