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Le Canada devrait épouser le «faible carbone»

OTTAWA – Les biens et services à «faible empreinte carbone» constituent la voie de l’avenir, et le Canada risque de perdre son avantage concurrentiel s’il n’accepte pas cette réalité, prévient la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, dans une recommandation que le ministre fédéral de l’Environnement a immédiatement rejetée.

L’organisme consultatif fédéral a perdu son financement annuel de 5,2 millions $ lors du dépôt du dernier budget Flaherty, et il utilise ses dernières ressources pour établir un cadre environnemental et énergétique qui permettrait au Canada de devenir un joueur mondial de premier plan dans l’économie «faible carbone» émergente.

«L’avenir est à l’abaissement des émissions de carbone. Aux quatre coins de la planète, des économies amorcent la transition», indique le rapport final de la Table ronde.

Une économie «sobre en carbone» met l’accent sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

«Le Canada a tout à gagner en agissant ainsi. Mais ce n’est qu’un aspect de la problématique: le Canada devra inévitablement réduire les émissions de carbone produites par les secteurs traditionnels de l’économie», ajoute le document.

À Ottawa, toutefois, pas question d’emprunter cette voie, a déclaré jeudi le porte-parole du ministre Peter Kent. «La première condition de leur plan consiste à fixer un prix au carbone», a écrit Adam Sweet dans un courriel. «Contrairement au NPD [Nouveau Parti démocratique] de [Thomas] Mulcair, nous ne voulons pas imposer une taxe sur le carbone qui va causer des pertes d’emplois et augmenter le prix de l’essence, des aliments et de l’électricité.»

Les mots de M. Sweet sont ceux que répètent quotidiennement de nombreux députés conservateurs depuis le mois de septembre, même si le NPD rappelle que leur proposition n’est pas une taxe, mais un système de plafond d’émissions et d’échanges de crédits — un système que les conservateurs avaient eux-mêmes soumis en 2006.

Dans son courriel, M. Sweet ajoute que le gouvernement fédéral a déjà mis en place plusieurs mesures pour rendre l’économie canadienne plus verte.

Le ministre Kent soutient que le budget de la Table ronde a été annulé parce que l’information qu’elle proposait était déjà disponible ailleurs. Le ministre des Affaires étrangères, John Baird, a cependant déjà indiqué que l’organisme avait perdu son financement en raison de son appui à une «taxe sur le carbone».

En fait, la Table ronde n’a jamais recommandé une taxe sur le carbone, mais elle a défendu l’idée de mettre un certain prix sur le carbone.

«Les gouvernements devraient d’abord fixer un prix au carbone, pour fournir aux entreprises la stabilité dont elles ont besoin afin d’investir sans crainte dans le développement durable», a expliqué le président intérimaire de la Table ronde, Robert Slater.

Plusieurs sociétés et gens d’affaires sont d’accord, tandis que certaines provinces — comme le Québec ou la Colombie-Britannique — veulent aller de l’avant sans attendre Ottawa. Elles peinent cependant à s’entendre sur une politique commune, et les pourparlers devant accoucher d’une stratégie énergétique pancanadienne sont suspendues indéfiniment.

Après avoir consulté 150 experts et analysé les données disponibles, la Table ronde prévient que l’inertie pourrait coûter cher au Canada. Les entreprises et les gouvernements pourraient devoir débourser 87 milliards $ au cours des 30 prochaines années, essentiellement parce que le secteur industriel devra réparer les dégâts causés par des émissions trop élevées de gaz à effet de serre.

Les politiques environnementales du Canada et les émissions générées par l’exploitation des sables bitumineux ont déjà fragilisé sa réputation en tant qu’exportateur, et la situation ne ferait que s’aggraver, selon la Table ronde nationale. «Les risques économiques découlant de l’inaction sont trop importants pour qu’on puisse en faire fi», prévient-on.

En revanche, les avantages associés à une action concertée pour lutter contre les émissions de carbone seraient importants, selon le rapport. Le Canada pourrait récupérer une part de marché pouvant valoir 149 milliards $ par année si le gouvernement et les entreprises modifiaient leurs pratiques.

«L’aspect politique d’une économie sobre en carbone est complexe, et l’analyse de rentabilité est peu convaincante si les gouvernements ne développent pas de stratégie solide et fiable pour le climat, l’énergie et l’innovation», a dit M. Slater.

«De leur côté, les institutions financières devront mettre au point de nouveaux instruments de placements qui ouvriraient la porte à une participation élargie au financement des projets sobres en carbone», a-t-il ajouté.

«Le Canada doit agir dès maintenant. Il peut certes continuer de tirer profit de l’extraction et de la vente de pétrole brut non conventionnel et d’autres ressources à forte intensité de carbone, mais les Canadiens ne doivent rien tenir pour acquis à cet égard. À long terme, il faut se doter d’un plan de transition, d’un plan de croissance à faible intensité de carbone», lit-on dans le rapport.

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