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Miville-Dechêne travaillera pour les femmes

Photo: Archives Métro
Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Une fois qu’elle aura revêtu ses nouveaux habits de sénatrice, Julie Miville-Dechêne compte faire de la défense des droits des femmes sa cause «chouchou». Elle verrait ainsi d’un mauvais oeil le projet de loi sur les mères porteuses déposé au printemps s’il finissait par arriver sur le plancher du Sénat.

Celle qui fut notamment la première femme ombudsman à Radio-Canada et présidente du Conseil du statut de la femme (CSF) fera son entrée à la chambre haute cette semaine. Son assermentation aura lieu mardi prochain.

Elle n’avait toutefois pas attendu la rentrée automnale avant de se mettre au travail: quelques jours à peine après avoir été nommée par Justin Trudeau, elle mettait le cap sur la colline — où elle a été journaliste dans une autre vie — pour se familiariser avec les rouages du Sénat.

Mais déjà, ses priorités comme sénatrices étaient claires. «Il y a deux dossiers qui me tiennent à coeur, parce que j’ai travaillé longuement sur ces dossiers-là quand j’étais au Conseil du statut de la femme: la prostitution et la question des mères porteuses», a-t-elle exposé en entrevue, fin juin.

L’enjeu des mères porteuses, justement, s’est invité dans le débat politique à Ottawa en mai, avec le dépôt d’une mesure législative du député d’arrière-ban Anthony Housefather qui décriminaliserait les grossesses payées — une idée qui a été plutôt bien accueillie par les députés à Ottawa.

Qu’en pense Julie Miville-Dechêne? «C’est clair que sur cette question-là, l’idée pour moi d’une libéralisation de la pratique commerciale est extrêmement dangereuse», a-t-elle signalé, rappelant qu’elle a produit en février 2016 un avis à ce sujet, à titre de présidente du CSF.

«Nous, ce qu’on disait, c’est qu’en général, la pratique commerciale — c’est-à-dire payée — devrait continuer à être interdite, et que les seules exceptions seraient pour la gestation pour autrui, qu’on appelle altruiste», a-t-elle résumé.

«Altruiste, cela veut donc dire qu’on ne rémunère pas de façon commerciale; il n’y a pas de ventre à louer; c’est-à-dire que ce sont des arrangements qui se prennent en général entre des personnes», a-t-elle spécifié.

Elle arrive «avec une très forte dose de prudence sur ces questions-là», mais souhaite tout de même étudier le projet de loi C-404 avant de le commenter davantage. La mesure législative, de toute manière, n’a pas encore été débattue en Chambre et est donc encore loin d’atterrir au Sénat.

Zone paritaire

Lorsque Julie Miville-Dechêne y atterrira, elle y retrouvera une chambre où les femmes détiennent de plus en plus de sièges. Un Sénat qui, avec 45 pour cent de représentativité féminine, se trouvera en «zone paritaire» — un concept qu’elle avait défendu alors qu’elle était à la barre du CSF.

Pour atteindre cette zone, Justin Trudeau a donné un véritable coup d’accélérateur: parmi les 38 sénateurs qu’il a nommés depuis qu’il est premier ministre, 22 sont des femmes. Près des deux tiers de ses nominations (58 pour cent) sont donc des femmes, d’après les chiffres de juillet.

Sa plus récente recrue du Québec s’en réjouit: «Jusqu’en 1929, les femmes ne pouvaient pas se présenter au Sénat parce qu’elles n’étaient pas considérées aptes à se présenter (…) Un Sénat qui est dans la zone paritaire aujourd’hui, c’est tout un renversement».

Lopin de terre

Certaines choses ne changent pas, cependant: pour avoir le droit de siéger à la chambre haute, la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit que tout sénateur doit posséder une propriété d’au moins 4000 $ dans sa division sénatoriale.

La veille de sa nomination, Julie Miville-Dechêne était donc chez un notaire. «Je l’ai acheté 24 heures avant d’être nommée (le 20 juin dernier). J’ai mon lopin de terre dans mon comté d’Inkerman. C’est un terrain qui vaut 7000 $ qui est situé à Grenville-sur-la-Rouge», a-t-elle raconté.

Selon elle, cette obligation de se porter acquéreur d’une propriété est «un archaïsme», mais il fait partie de la Constitution, «et pour changer ça, ça prend l’accord des provinces, et on n’est pas rendu à des changements constitutionnels autour du Sénat».

Sénat et bras de fer

La sénatrice désignée compte joindre les rangs du Groupe des sénateurs indépendants (GSI), la faction majoritaire à la chambre haute. Pendant l’entrevue, elle n’a pas voulu dire si elle avait une couleur politique, sauf pour dire qu’elle était «plutôt fédéraliste».

Elle a aussi confié que «comme plein de journalistes», elle a été approchée pour se porter candidate sur la scène provinciale. Par quel parti? Quand? «Je n’irai pas plus loin», a lancé en riant celle que le gouvernement de Philippe Couillard a notamment désignée représentante du Québec à l’UNESCO.

Le coup de fil du bureau du premier ministre a réglé la question, de toute façon. «Je pense que c’était le bon moment. C’était le bon moment, c’était la bonne formule», a tranché celle qui juge fort intéressant le nouveau paradigme au Sénat, que Justin Trudeau a voulu moins partisan.

Cette plus grande indépendance sénatoriale a donné lieu à des batailles politiques entre les deux chambres. Les sénateurs ont défié les élus lors du processus d’adoption de projets de loi C-14 (aide médicale à mourir), C-44 (mise en oeuvre du budget) ou encore C-45 (la légalisation du cannabis).

Mais dans ces trois cas spécifiques, parce qu’il s’agissait de mesures législatives cruciales, le Sénat a fini par s’incliner face à la volonté des députés élus à la Chambre des communes par la population canadienne.

Et c’est bien ainsi, croit Julie Miville-Dechêne.

«Le Sénat, c’est un rempart contre les excès, la tyrannie de la majorité, mais il me semble que pour s’opposer plus longuement que ça et en faire une bataille rangée pendant des mois, il faudrait être certain d’avoir une cause qui le justifie», a-t-elle argué.

La future parlementaire défendra les siennes dès lors qu’elle aura été assermentée.

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