Santé: Legault défend le privé devant Ottawa
QUÉBEC — Les patients québécois prêts à payer pour des examens médicaux vont pouvoir continuer à le faire, que cela plaise ou non au gouvernement fédéral, car la santé est de compétence québécoise.
C’est ce qu’a soutenu, en substance, le premier ministre François Legault mercredi, adoptant une posture annonçant un nouveau bras de fer Québec-Ottawa.
Le Québec va donc gérer comme bon lui semble son système de santé, quitte à faire une brèche au principe de gratuité inscrit dans la Loi canadienne sur la santé.
La menace, proférée la veille, par la ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, de couper les vivres au Québec, en sabrant dans ses paiements de transfert s’il ne se ravisait pas, n’a pas semblé émouvoir M. Legault.
«Des gens préfèrent passer par le secteur privé pour certains examens. Ça va rester comme ça», a décidé le premier ministre, lors d’une mêlée de presse mercredi.
«En santé, on a la compétence, on va gérer notre réseau de la santé comme on le pense. C’est pas le fédéral qui va commencer à nous dire comment gérer le réseau de la santé», a poursuivi M. Legault, persuadé que le Québec a toute «l’autorité» requise en la matière.
Sauf que le gouvernement Trudeau n’a pas l’intention de laisser le Québec défier ouvertement la Loi canadienne sur la santé, qui fait de l’universalité et de la gratuité des soins des principes fondamentaux, à appliquer partout au pays.
Le gouvernement fédéral menace donc d’amputer une partie des paiements de transfert en santé — soit 6,2 milliards$ en 2018-2019 — devant être versés au Québec, s’il s’entête à laisser le champ libre à une médecine à deux vitesses.
La mise en garde d’Ottawa, rendue publique la veille, avait été formulée dans une lettre écrite par Mme Petitpas Taylor et adressée à l’ex-ministre québécois de la Santé, Gaétan Barrette, en août dernier, soit quelques semaines avant le début de la campagne électorale.
La ministre fédérale y stipulait qu’elle n’avait pas l’intention de tolérer plus longtemps de voir le Québec accepter que des patients se tournent vers le privé et payent de leur poche pour obtenir des examens médicaux.
Elle qualifiait cette situation d’«injuste» et contraire à la Loi canadienne sur la santé. La ministre rappelait aussi que l’accès aux soins, au Canada, devait être «fondé sur le besoin de santé et non sur la capacité ou la volonté de payer».
Elle ajoutait qu’il était possible pour un gouvernement de recourir au secteur privé, tant que les soins et examens sont assumés par le régime public d’assurance-maladie.
Autrement dit, en vertu du système canadien, la carte de crédit ne doit jamais remplacer la carte d’assurance-maladie.
Mais étant donné que le réseau québécois ne peut pas, actuellement, répondre à la demande dans les délais requis, il n’est pas question de renoncer au coup de pouce du secteur privé, a observé de son côté la ministre québécoise de la Santé, Danielle McCann.
«Il n’est pas question de fermer des portes d’accès (aux services de santé) pour le moment», a tranché Mme McCann, lors d’un point de presse mercredi, citant en exemple les tests de résonance magnétique (IRM).
À l’heure actuelle, en raison des délais observés dans le réseau public, 20 pour cent des patients se tournent vers le privé pour obtenir plus rapidement des tests IRM.
Sur le fond de la question, Ottawa a raison, a dit pour sa part le porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois. «Ce n’est pas acceptable qu’on puisse s’acheter un accès plus rapide au système de santé», selon lui.
La nouvelle politique fédérale entrera en vigueur le 1er avril 2020.