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Des Canadiens trans mégenrés après leur mort

Le drapeau du Canada aux couleurs de la communauté LGBTQ+. Photo: Mark Blinch / La Presse Canadienne

Bien que bon nombre de provinces offrent maintenant des certificats de naissance sans désignation du sexe, plusieurs membres des communautés trans et de la diversité de genre du Canada se disent préoccupées par le fait que leur identité vécue ne soit pas toujours reflétée dans les documents officiels après leur décès.

«C’est l’ultime insulte, explique Callum Tate, un Torontois transgenre dans la trentaine. Ça les efface sans que leur voix soit là pour dire: « Vous avez fait une erreur. »»

Entre 2012 et 2017, l’ensemble des provinces et territoires ont modifié leur loi sur l’état civil et levé l’obligation de recourir à une intervention chirurgicale pour changer sa mention de genre dans divers documents. Cinq provinces et deux territoires offrent également une option neutre, telle que la mention «X».

Mais les actes de décès, eux, accusent un grave retard.

«La manière dont l’identité d’un individu est reflétée dans les certificats d’état civil est une discussion importante qui a lieu dans toutes les juridictions du pays», affirme Maria MacInnis, du Bureau de l’état civil et du Service de médecin légiste de la Nouvelle-Écosse.

Au moment du décès, dit-elle, le médecin légiste ou le dernier médecin traitant remplit le certificat médical de décès, qui indique le sexe selon les caractéristiques physiques observées à l’autopsie. Bien que chaque province soit dotée de sa propre politique, ces pratiques sont similaires à travers le Canada.

Étant donné que seul un faible pourcentage de personnes trans choisit de subir une chirurgie de réassignation sexuelle, l’anatomie des défunts ne reflète pas toujours leur identité de genre.

«Au Canada, établir l’identité d’une personne décédée demeure un processus très médicalisé et pathologisant quiconçoit la personne décédée comme un corps catégorisé selon son assignation sexuelle», dénonce Kate Hazell, coordonnatrice à The 519 — une organisation de défense de la communauté LGBTQ à Toronto.

«Il n’existe présentement aucun mécanisme significatif permettant de déterminer le genre auquel s’identifiait la personne décédée», souligne-t-elle.

Une forme de violence

Mme Hazell connaît des cas de Canadiens qui ont été mégenrés dans des documents officiels après leur mort — ce qui constitue «une forme de violence», dit-elle.

«Ça fait également du tort à la communauté, aux amis, aux partenaires et à la famille qui souhaitent s’assurer que leur être cher soit représenté de manière authentique et respectueuse.»

L’avocate Susanne Litke, qui dirige par intérim le Nova Scotia Rainbow Action Project, souligne que ce type d’erreur peut également avoir une incidence sur les archives généalogiques et les réclamations d’assurance, en plus d’occasionner des retards dans le règlement de la succession.

Pour les Canadiens qui s’identifient comme transgenres, ces inquiétudes surgissent tragiquement tôt.

Selon le rapport 2015 de TransPulse, pas moins de 20 pour cent des personnes trans établies en Ontario ont déjà été agressées physiquement ou sexuellement en raison de leur transitude et 67 pour cent d’entre elles craignent de mourir jeune. L’Enquête canadienne sur la santé des jeunes trans de 2017 révèle qu’entre 19 et 25 ans, les personnes trans sont 16 fois plus à risque de s’enlever la vie par rapport aux personnes cisgenres.

Selon Me Litke, le seul document juridique par lequel les personnes trans peuvent faire valoir leur volonté après leur mort est le testament.

«Les gens peuvent mettre le respect de leur nom et de leur genre dans leur testament et demander à leur exécuteur de suivre ces demandes», précise-t-elle.

Callum Tate, dont le père est atteint de démence, s’inquiète de ce qui adviendra s’il développe lui aussi la maladie et devient incapable de se défendre par lui-même.

«Les formulaires d’identification du gouvernement devraient inclure cette question: « En cas de décès, je souhaite être désigné comme suit: Nom, Sexe »», plaide-t-il.

Selon Maria MacInnis, il faudrait dorénavant tenir compte à la fois du sexe observé à l’autopsie et de l’identité de genre.

«Conserver les informations sur le sexe anatomique d’une personne est important, car des problèmes de santé liés à la cause du décès peuvent se présenter différemment (en fonction du sexe biologique), fait-elle valoir. Cela étant dit, il est également important de collecter des données statistiques sur la communauté 2SLGBTQIA+ au fil du temps pour améliorer l’offre de soins de santé, les services et les résultats obtenus.»

*Marie-Claude Grégoire est médecin spécialisée en gestion de la douleur et en soins palliatifs et boursière en journalisme international à l’École Munk des affaires internationales de l’Université de Toronto.

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