Soutenez

Une visite au musée ou du tricotage sur ordonnance

Tammy McEvoy poses for a portrait at Quinte West Community Health Centre, in Trenton, Ont., Thursday, Dec., 27, 2018. McEvoy is one of 15 "health champions" at the Belleville and Quinte West Community Health Centre taking part in an innovative Ontario pilot project in which doctors or other practitioners write out a "social prescription" for patients experiencing depression, anxiety or loneliness that affects their sense of well-being. THE CANADIAN PRESS/Lars Hagberg Photo: Lars Hagberg/La Presse canadienne

TORONTO — En partageant son temps et ses talents en artisanat avec d’autres patients du centre de santé de sa communauté, Tammy McEvoy a obtenu en retour probablement plus que ce qu’elle avait donné.

Tammy McEvoy est l’une des 15 bénévoles du Centre de santé communautaire de Belleville et de Quinte West, en Ontario, qui participe à un projet pilote novateur dans le cadre duquel des professionnels de la santé remettent une «ordonnance sociale» aux patients souffrant de dépression, d’anxiété ou de solitude.

Le concept — prescrire une activité telle qu’un cours de yoga ou une visite dans une galerie d’art — a déjà fait ses preuves au Royaume-Uni, où des recherches ont montré que les patients constataient non seulement une amélioration de leur santé mentale, mais finissaient aussi par réduire leurs doses de médicaments et leur nombre de visites chez le médecin.

Depuis le début du projet pilote au mois d’octobre, Mme McEvoy a donné des cours de fabrication de couronnes et a préparé un souper pour un groupe de personnes toxicomanes.

Les cours de fabrication de couronne ont attiré une quinzaine de participants.

«Au premier que j’ai fait, j’ai vu de la magie se produire parce qu’ils ont tous commencé à s’entraider», raconte la femme de 52 ans, qui se retrouve souvent seule lorsque son mari travaille de longues heures.

«J’ai passé les six dernières années à ne pas travailler et à ne pas sortir pour des raisons de santé, explique Mme McEvoy, qui souffre d’un problème cardiaque. Mais maintenant je peux aller là-bas, je suis à l’aise là-bas.»

«Ça m’aide autant que ça les aide.»

Pour briser l’isolement
Meghan Shanahan Thain, travailleuse sociale au centre de santé de Trenton, explique que le programme s’inspire du modèle britannique «Altogether Better».

«Les gens arrivent avec leurs propres idées selon leurs talents et leurs aptitudes, mais ils apportent également une perspective que nous n’avons pas en termes de besoins de la communauté et de nos clients», explique-t-elle à propos des bénévoles.

Elle cite en exemple une activité de chants qui a donné lieu à une belle rencontre entre personnes devenues veuves.

«La musique rassemble vraiment les gens, mais elle touche également les personnes isolées socialement, soulève-t-elle. Le simple fait d’avoir une connexion sociale a de nombreux avantages pour la santé. Être isolé socialement peut nous rendre malades de différentes manières.»

Le projet pilote d’une durée 18 mois est financé par une subvention de 600 000 $ du ministère ontarien de la Santé. Il est mené dans un total de dix centres, explique Kate Mulligan, directrice des communications de l’Alliance pour des communautés en santé.

«Un exemple de Thunder Bay qui est vraiment touchant est celui d’un camionneur qui éprouvait de l’isolement social et qui a mis sur pied un groupe de tricot au centre de santé communautaire», relate Mme Mulligan.

En contribuant ainsi à la vie communautaire, les participants en viennent selon elle à «reconnaître leur propre valeur».

«On n’est plus simplement vu comme un patient avec des déficits et des problèmes, mais comme une personne qui a quelque chose à offrir», expose-t-elle.

Le centre de santé communautaire Rexdale à Toronto participe lui aussi au projet pilote. Une grande proportion de ses patients sont de nouveaux arrivants à risque d’isolement social, ce qui peut conduire à la dépression et à l’anxiété, explique la médecin Sonali Srivastava.

«La recherche nous montre vraiment que l’intégration sociale est une partie importante du niveau de bonheur et de santé des gens, rapporte-t-elle. S’il manque une composante sociale, il faut s’en occuper.»

Cela pourrait rimer avec une ordonnance pour un cours de tai-chi, par exemple, ou encore pour une visite au musée.

Un changement de paradigme
Le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) et le Musée royal de l’Ontario (ROM) ont adopté l’idée.

Une récente étude menée par le MBAM, l’Université McGill et l’Hôpital général juif a révélé que les aînés qui participaient à des ateliers de dessin et de peinture faisaient état d’un sentiment accru de bien-être, de santé et de qualité de vie.

Le ROM fournira à compter de ce mois-ci des milliers de laissez-passer gratuits à des patients dotés d’ordonnances sociales pour visiter des expositions en compagnie de trois amis.

L’environnement muséal est réparateur, souligne Jennifer Czajkowski, directrice adjointe de l’engagement social au ROM.

«(Les visiteurs) sont avec d’autres gens. Ils sont également en mesure de voir des objets qui pourraient venir de leur propre patrimoine, des choses qui les aident à se connecter à leur propre culture ou à la culture des autres, à d’autres époques et dans d’autres endroits», soutient-elle.

Selon la docteure Srivastava, du centre Rexdale, l’ordonnance sociale reflète un changement dans la manière dont la communauté médicale perçoit la santé et le bien-être, de même que son propre rôle à ce chapitre.

«Si je dis simplement à quelqu’un: « Je veux que tu marches 30 minutes, trois fois par semaine », il sera moins susceptible de le faire que si je l’écrivais sur une ordonnance», fait-elle valoir.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.