Votre gadget pollue la planète
L’omniprésence de la technologie est telle qu’elle représente un danger pour la préservation de la planète en raison de la quantité croissante d’appareils en circulation.
De nouvelles études indiquent que parmi tous les appareils technologiques développés dans les dernières années, les téléphones intelligents sont ceux qui contribueront le plus à l’empreinte écologique d’ici 2040.
«En valeur absolue, les émissions causées par les téléphones intelligents à eux seuls vont bondir de 17 à 125 mégatonnes d’équivalent CO2 par année durant cette période, soit une croissance de 730%», a expliqué le professeur de l’université McMaster Lotfi Belkhir, auteur d’une étude sur l’impact des technologies de l’information et de la communication (TIC) sur l’empreinte carbone globale.
Cela s’explique notamment par la demande grandissante et les matériaux requis pour fabriquer ces appareils. «Les cellulaires ont une quantité relativement élevée d’or et de métaux rares, qui sont extrêmement polluants à extraire», a expliqué le professeur Belkhir à Métro.
C’est sans compter l’énergie nécessaire pour alimenter ces appareils, de même que l’internet. Des infrastructures comme les centres de données, qui sont équipés d’un grand nombre de serveurs branchés en permanence, ont un impact réel sur l’environnement.
Pour M. Belkhir, les résultats de ses recherches vont à l’encontre de la croyance populaire voulant que la technologie permette de remplacer des activités polluantes par des substituts «propres». «Au contraire, on observe que les TIC ont mené à l’émergence d’une multitude d’activités en ligne qui accroissent leur contribution à l’empreinte carbone globale», a-t-il souligné.
Que faire? Il faudrait encourager un recyclage plus complet des appareils électroniques en plus d’exiger qu’ils soient plus durables, selon Lotfi Belkhir. «À l’échelle individuelle, il faut conserver aussi longtemps que possible son téléphone», a-t-il indiqué.
«Un monstre à deux faces»
Entrevue avec Koen Arts, expert sur les dimensions sociales et politiques de la préservation de l’environnement.
La technologie va-t-elle sauver ou détruire notre planète?
Les deux. La technologie est un monstre à deux faces. Elle entrave et permet, sauve et détruit, inclut et exclut, souvent en même temps. Mais au final, c’est l’humain qui détruit la planète, pas la technologie.
Quels sont les principaux effets négatifs que la technologie peut avoir sur la planète?
La technologie fait la promotion des méthodes de pensée néolibérales. Elle permet de brasser des affaires plus vite, de façon plus efficace et ciblée, d’agrandir des bases de données et des réseaux de vente. L’économie de libre marché tire des profits pendant que le monde naturel souffre.
Par ailleurs, on dit souvent que l’internet et les autres technologies de l’information et de la communication (TIC) ont le potentiel de permettre plus d’inclusion sociale dans les décisions politiques, un meilleur accès à l’information, etc. Si c’est vrai dans certains cas, le plus souvent, la technologie renforce le pouvoir des structures et les inégalités sociales existantes. La technologie est un amplificateur: les riches gagnent plus, les pauvres perdent plus.
Comment freiner les impacts négatifs?
Le problème n’est pas la technologie elle-même, mais plutôt les modes de pensée et d’action dominants – le consumérisme, le néolibéralisme, etc. – déployés à l’aide de celle-ci.
Au point de vue pratique, les consommateurs sont, à juste titre, de plus en plus intéressés par des produits dotées d’une étiquette écologique. Mais nous avons aussi besoin de certifications de production: à quoi bon avoir des panneaux solaires «intelligents» sur votre toit si les matériaux extraits pour les construire laissent des cicatrices profondes dans nos écosystèmes? S’ils ont forcé la délocalisation de communautés? S’ils ont été fabriqués dans une usine où règnent des conditions de travail effarantes, parfois par des enfants? S’ils ont été transportés jusqu’à vous par des porte-conteneurs extrêmement polluants?
L’impact social et environnemental de tout produit, que ce soit une banane ou un ordinateur portable, devrait systématiquement être coté et rendu public. La technologie peut jouer un rôle positif pour ça!
La technologie pourrait-elle devenir 100% écoresponsable?
Oui, mais nous sommes aussi loin de cela que des chasseurs-cueilleurs de l’âge de pierre équipés de roches pour chasser le cerf.