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Huawei: les États-Unis persistent et signent

DARRYL DYCK / La Presse Canadienne Photo: DARRYL DYCK

PÉKIN, Chine — Le département américain de la Justice demandera officiellement au Canada d’extrader Meng Wanzhou, directrice financière de la société technologique Huawei.

Le porte-parole du département, Marc Raimondi, en a fait l’annonce, mardi, disant que «toutes les échéances fixées par le traité sur l’extradition entre les États-Unis et le Canada seraient respectées».

M. Raimondi a indiqué que Washington est «grandement reconnaissant du soutien persistant du Canada dans les efforts mutuels visant à faire respecter la règle de droit».

Plus tôt mardi, Pékin avait tourné ses revendications vers Washington dans l’affaire Huawei, en souhaitant que les États-Unis renoncent à une demande d’extradition visant la directrice financière de Huawei, arrêtée au Canada le mois dernier.

En vertu de la loi canadienne sur l’extradition, les États-Unis disposaient de 60 jours, à compter de la date de l’arrestation de Mme Meng, pour déposer une demande officielle d’extradition.

Le Canada dispose à son tour de 30 jours, après réception des documents officiels des États-Unis, pour prendre une décision concernant l’extradition de la tête dirigeante de Huawei — à moins que des appels ou des contestations ne retardent les choses. Meng Wanzhou fait face à des allégations américaines selon lesquelles sa société aurait violé les sanctions de ce pays contre l’Iran, et plus particulièrement, qu’elle aurait elle-même commis une fraude en mentant aux banques américaines à ce sujet.

Des répercussions majeures

Cette confirmation de la demande d’extradition par les États-Unis garantit un conflit prolongé qui devrait avoir des répercussions durables et dangereuses pour les trois pays, selon un ancien diplomate américain.

Peu importe ce qui se passera ensuite, le mal est déjà fait, a dit croire Brett Bruen, ayant agi comme directeur des relations internationales à la Maison-Blanche sous l’administration de Barack Obama.

Bien que de remettre Mme Meng aux autorités américaines relâcherait un peu la tension directe sur le Canada, la politique étrangère du gouvernement Trump «d’intimidation et de fanfaronnade» ne fera qu’éroder les relations sur le long terme, a affirmé M. Bruen, aujourd’hui président de Global Situation Room, une firme de conseils en matière de sécurité établie à Washington.

Ces répercussions, qui semblent jusqu’à présent inclure la détention en Chine de deux Canadiens et la condamnation à mort d’un troisième pour trafic de drogue, ne feront que se poursuivre, a-t-il ajouté.

«Il y a un effet boomerang — il y a des responsables américains, des dirigeants d’entreprises américains et, à l’évidence, des Canadiens qui deviennent les dommages collatéraux, les conséquences de cette politique», a fait valoir M. Bruen.

Une simple «question de justice criminelle», selon Freeland

À Davos, en Suisse, pour le Forum économique mondial, la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a laissé entendre qu’il s’agissait uniquement d’une «question de justice criminelle» et a écarté l’idée que la liberté de Mme Meng puisse être utilisée comme monnaie d’échange.

«Nous nous opposerions très fortement à l’idée que cela est politisé ou utilisé de quelque manière que ce soit comme levier politique», a déclaré Mme Freeland dans un entretien avec Bloomberg.

«Je tiens à rappeler aux gens qu’elle est actuellement en liberté sous caution, qu’elle possède de belles maisons à Vancouver et qu’elle y est. Elle a eu et continuera d’avoir pleinement accès au système judiciaire canadien, qui est impartial et objectif», a-t-elle ajouté.

David MacNaughton, ambassadeur du Canada aux États-Unis, n’accordait pas d’entrevue mardi. Mais dans un article paru dans le «Globe and Mail», M. MacNaughton a dit avoir informé l’administration Trump que le Canada se sentait pris entre deux feux et craignait que le président utilise Mme Meng comme levier du différend commercial entre son pays et la Chine.

Par ailleurs, quelque 140 experts internationaux de la Chine — y compris cinq anciens ambassadeurs canadiens — ont exhorté le président Xi Jinping à libérer les deux Canadiens détenus en Chine depuis l’arrestation de Mme Meng. Ces ex-diplomates et ces universitaires qualifient l’ex-diplomate Michael Kovrig et l’entrepreneur Michael Spavor de «bâtisseurs de ponts» entre la Chine et le reste du monde, et soutiennent que leur détention rend plus périlleux les voyages en Chine.

«Les détentions de MM. Kovrig et de Spavor envoient le message que ce type de travail constructif est importun et même risqué en Chine», indique la lettre. «Cela conduira à moins de dialogue et à une plus grande méfiance, et à saper les efforts déployés pour gérer les différends et trouver un terrain d’entente. La Chine et le reste du monde en pâtiront.»

Mme Meng est la directrice financière de Huawei et la fille de son fondateur, Ren Zhengfei. Huawei entretient des liens étroits avec l’armée chinoise et est considérée comme l’une des entreprises internationales les plus prospères du pays. Elle mène ses activités dans le secteur de la haute technologie, où la Chine espère établir sa domination.

Ces détentions et la détérioration des relations diplomatiques entre Ottawa et Pékin ont quelque peu miné les efforts de Huawei pour participer à la construction des réseaux sans fil de la prochaine génération au Canada, le «5G».

L’ambassadeur de Chine au Canada a prévenu la semaine dernière de «répercussions» si le gouvernement fédéral interdisait à Huawei de participer à ce vaste déploiement. Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a rappelé lundi qu’il existait d’autres fournisseurs que Huawei capables de mettre en place les réseaux 5G au Canada.

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