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Québec assouplit la loi sur le registre des armes

Jacques Boissinot / La Presse Canadienne Photo: Jacques Boissinot
Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

Québec confirme l’assouplissement des conditions entourant l’enregistrement des armes à feu, mais l’enregistrement demeure obligatoire d’ici le 29 janvier et continuera de se faire avec les conditions actuelles, les modifications devant d’abord être adoptées par l’Assemblée nationale avant d’entrer en vigueur.

En procédant à cette annonce, mercredi à Québec, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a toutefois averti que son gouvernement n’était pas en train de reculer sur la nécessité d’établir le registre.

«Le registre est là pour rester et il n’est aucunement question de l’abolir», a répété à quelques reprises la ministre.

Depuis Davos, où il participe au Forum économique mondial, le premier ministre François Legault a fait écho aux propos de sa ministre. «Il n’est pas question de mettre de côté ce registre», a-t-il affirmé avec force. Les «ajustements» apportés à la loi, «ça ne change pas l’objectif, qui est d’enregistrer les armes d’épaule pour le bénéfice des policiers, pour améliorer la sécurité», a déclaré le premier ministre.

Mme Guilbault a précisé que trois irritants seraient retirés des obligations entourant l’enregistrement.

Ainsi, seul le numéro de série de l’arme sera requis pour enregistrer celle-ci et il ne sera plus nécessaire d’obtenir un deuxième numéro d’immatriculation; les propriétaires n’auront plus à mesurer la longueur du canon de l’arme qu’ils enregistrent; et, surtout, l’obligation de rapporter tout déplacement au-delà de 15 jours sera modifiée.

La limite de 15 jours

La ministre n’a pas voulu préciser pour l’instant la nature des modifications, mais il est clair que ce délai de 15 jours représentait un défi majeur, selon le député péquiste de Bonaventure, Sylvain Roy, qui a été au coeur des demandes de révision de la loi.

«Un chasseur d’orignal qui vient en Gaspésie passe souvent plus de 15 jours. Ça peut être un mois pour préparer le terrain et, par la suite, s’ils ont une prise, pour aller prendre la viande, etc.», a-t-il expliqué en réaction à l’annonce, qu’il a accueillie avec enthousiasme.

Sylvain Roy estime que ces modifications étaient «essentielles pour rendre le registre acceptable socialement auprès des chasseurs, parce qu’il y avait des choses là-dedans qui ne tenaient absolument pas compte de la réalité de l’expérience de chasse».

Même la coordonnatrice de PolySeSouvient, Heidi Rathjen, a rappelé alors qu’elle participait au point de presse de la ministre que son organisme avait aussi recommandé de porter cette obligation à 30 jours, conscient des difficultés que cela pouvait poser pour des chasseurs se retrouvant en nature pour des séjours prolongés.

Tous sauf le PLQ

Geneviève Guilbault n’a d’ailleurs pas manqué de saluer le travail du député de Bonaventure, qui a rencontré des chasseurs un peu partout en province afin d’obtenir leur avis.

La ministre de la Sécurité publique a aussi tenu à souligner la contribution de la députée de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, Émilise Lessard-Therrien. La députée de Québec solidaire, qui pratique la chasse, a réalisé une vidéo encourageant les chasseurs à s’enregistrer.

Mme Guilbault, qui a également eu des bons mots pour le travail de l’ancien député caquiste de Beauce-Nord André Spénard dans ce dossier, a en fait lancé des fleurs dans toutes les directions, sauf au Parti libéral du Québec.

Chasseurs: pas de désobéissance civile

Le directeur général de la Fédération des chasseurs et pêcheurs du Québec, Alain Cossette, s’est réjoui de ces assouplissements, mais n’a pas hésité à réitérer l’opposition de la Fédération au registre et à réclamer à nouveau son abolition éventuelle.

Cependant, M. Cossette a clairement invité tous les opposants à respecter la loi.

«Malgré notre désaccord avec cette mesure de contrôle des armes, nous n’encourageons aucunement les chasseurs à la désobéissance civile», a-t-il dit à plus d’une reprise.

Pour ce qui est de la suite, il a promis de suivre le processus démocratique, rappelant que celui-ci avait été concluant dans le passé.

«On va continuer à travailler pour l’abolition du registre. On l’a fait au fédéral et on l’a eu ce gain», a-t-il affirmé.

Interrogé sur sa présence aux côtés de la ministre malgré le maintien du registre, M. Cossette a été très candide: «C’est une belle plateforme ici aujourd’hui pour maintenir notre position», a-t-il répondu.

À ses côtés, Heidi Rathjen, survivante de la tuerie de Polytechnique et l’une des plus farouches défenderesses du contrôle des armes à feu depuis ce temps, a reconnu avoir été inquiète des appels au boycott du registre, mais a dit croire qu’«après plus de huit ans de débats politiques, de procédures juridiques et de processus législatif et réglementaire, nous osons espérer qu’il est temps de clore le débat».

Amnistie discrète

Bien que les propriétaires d’armes à feu se trouveront dans l’illégalité après le 29 janvier s’ils n’ont pas enregistré celles-ci, la ministre de la Sécurité publique a précisé que le registre continuera d’accueillir les inscriptions après cette date sans pénalité.

«Il faut être logique. (…) On veut que les gens s’inscrivent et on ne veut pas qu’ils soient rebutés à partir du 30. Le mandat du Service d’immatriculation des armes à feu n’est pas de détecter les infractions, mais de procéder à l’immatriculation.»

Le directeur de la Sûreté du Québec, Martin Prud’homme, également présent, a réitéré la position traditionnelle de l’ensemble des corps policiers au pays en faveur du registre.

«Sur une base plus opérationnelle et tactique, la consultation du fichier d’immatriculation pourra dans certaines situations nous guider dans certaines prises de décision lorsqu’on parle, par exemple, de prise de périmètres de sécurité ou d’évacuation de résidences», a-t-il précisé, soulignant aussi l’utilité de cet outil pour retracer la provenance d’armes ou exécuter des ordonnances de Cour impliquant la possession d’armes.

Mais surtout, a-t-il rappelé, «si son existence permet de sauver une vie, il aura prouvé toute son importance aux citoyens du Québec».

Le vétéran policier a également voulu se faire rassurant quant à d’éventuelles situations d’illégalité après le 29 janvier, précisant qu’il n’était pas question pour les policiers de commencer à faire des vérifications de porte-à-porte pour tenter d’épingler des propriétaires récalcitrants.

Les amendes en cas de contravention varient de 500 $ à 5000 $.

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