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Prise de parole: des conséquences pour les femmes musulmanes

Prendre la parole pour défendre ses droits dans les médias, en politique ou à travers le système de justice, vient avec un lot de conséquences pour certaines femmes, surtout si elles sont musulmanes. Métro a voulu savoir comment s’est déroulé cette prise de parole pour trois d’entre elles.

Incitation à la haine

Nour Farhat est avocate depuis maintenant deux ans. Elle souhaite être procureure et a fait une maîtrise en droit criminel pour pouvoir accéder à la profession. L’injustice lui tient à cœur, dit-elle.

Me Farhat estime qu’il y a un manque de diversité dans la fonction publique et elle veut y apporter sa voix.

Aujourd’hui, depuis la loi 21, Me Farhat travaille dans le domaine privé. Lors de ses prises de paroles dans les médias, l’avocate de 28 ans reçoit des menaces, des insultes sur son apparence et des insultes misogynes.

Rencontrée à son bureau du centre-ville elle nous en lit quelques-unes.

«J’pourrais peut-être te casser les dents. Avec ton hijab tu serais encore plus laide.»

«Les coquerelles comme elle n’ont pas le droit de vivre.»

«Prends garde, tu pourrais te retrouver avec bien de bleus».

Me Farhat a dû apprivoiser cette violence lors de ses prises de paroles. Elle n’a plus à s’y préparer mentalement, dit-elle. Malgré les conséquences, la jeune avocate se prononce pour que sa voix soit entendue.

«Être une femme voilée au Québec, c’est être une femme soumise à tellement de préjugés…» Nour Farhat.

Si pour certains les prises de parole dans les médias sont des moments de fiertés, pour Nour Farhat, ils constituent un moment de lutte. Une lutte qu’elle a dû apprivoiser au fil du temps. «J’ai une voix et je veux utiliser la voix que j’ai, comme avocate et minorité visible, comme personne directement affectée par cette loi-là.»

«Notre parole à un coût»

Amel Zaazaa travaille dans le milieu communautaire depuis plusieurs années. Elle a souvent pris la parole pour dénoncer le racisme systémique et la haine envers les femmes musulmanes. Lors de ses prises de parole, elle a reçu plusieurs messages haineux sur les réseaux sociaux et son courriel professionnel.

«Ce n’était pas des réponses à mes propos, mais pour m’attaquer personnellement, sur ce que je suis. C’est toujours un discours pour remettre notre légitimité en question et nous dire “vous n’êtes pas légitimes à prendre la parole en ce moment, vous êtes des immigrants, vous venez ici pour travailler, éventuellement pour faire des enfants, mais vous n’êtes pas légitimes à critiquer le système qui vous accueille”».

Amel Zaazaa dit avoir aussi vécu des conséquences plus insidieuses que les messages haineux.

«Il y a des formes de backlash insidieuses qui nous rappellent que notre parole à un coût. […] Plus je devenais visible dans l’espace public, plus ça devenait difficile pour moi de garder un emploi ou d’en trouver un. […] Si j’avais été une militante écologiste ou contre la pauvreté, ça aurait mieux passé. Être une militante antiraciste, être une militante qui parle d’islamophobie ce n’est pas très populaire», relate-t-elle.

Lors d’un entretien d’embauche, elle a déjà passé 45 minutes à justifier ses prises de parole et démontrer qu’elle n’était pas dangereuse. Coauteure du livre «11 brefs essais contre le racisme», elle se dit épuisée de toujours devoir déconstruire des préjugés.

«Je me sens en danger partout»

Nouhaila a 19 ans. Elle dit avoir été victime d’un crime haineux dans le cadre de son travail de caissière dans un Walmart de l’est de Montréal. Lorsqu’elle a décidé d’appeler la police, ces derniers l’auraient découragée de porter plainte, dit-elle.

Depuis lors, ses frères ne se sentent plus à leur place au Québec. Son père songe à quitter le Québec, car il ne sent pas que sa famille vit en sécurité. «Après le comportement des policiers, je sens que je ne suis pas traitée de la même manière que les autres et que pour eux, je n’ai pas ma place ici», dit-elle.

Elle se sent comme une citoyenne de seconde zone, exclue de la société. «Quand les femmes musulmanes essaient de s’exprimer sur ce qu’elles vivent, on fait tout pour montrer que ce n’est pas si grave ce qu’elles ont vécues, on leur fait comprendre que le problème vient d’elles.»

Des cours d’autodéfense

Pour pallier à cette violence et leur redonner confiance, l’organisme Justice Femmes a créé un cours d’autodéfense destiné aux femmes musulmanes. «Cet atelier est destiné à des femmes qui peuvent vivre de la xénophobie, de l’islamophobie, ou toute autre forme de racisme particulièrement celles qui sont touchées de près ou de loin par le climat instauré par différents gouvernements qui ont légiféré sur le port de signes religieux», indique l’organisme géré par Hanadi Saad.

Des professeures, des informaticiennes, des mères de jeunes enfants, elles étaient six à être venus à l’atelier donné par un professeur de taekwondo un samedi après-midi. Samira El Ouargi y était avec son bébé. «Je suis là aujourd’hui parce que je suis une femme qui porte le voile, j’ai été victime plusieurs violences verbales et je veux être outillée pour face à des situations de violences futures».

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