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Crimes de guerre en Bosnie: Cedo Kljajic face à la justice canadienne

Cedo Kljajic lors de son témoignage au tribunal de La Haye lors du procès de Radovan Karadzic en 2013. Photo: Capture d'écran du témoignage de Cedo Kljajic à La Haye

Les procédures entreprises contre Cedo Kljajic, ex-responsable serbe pendant la guerre en Bosnie, ont commencé à Ottawa lundi. Visé par le gouvernement fédéral pour son rôle présumé dans les crimes commis pendant cette guerre, il pourrait perdre sa citoyenneté canadienne.

Pendant 25 ans, ce Serbe de Bosnie a vécu dans une coopérative d’habitation à Gatineau avec sa femme et ses trois enfants. Avant de prendre sa retraite, il occupait la fonction de chauffeur d’autobus, nous indique la famille Kljajic, rencontrée en septembre 2017 chez elle.

Avant cela, M. Kljajic avait été policier à Sarajevo pendant 17 ans. Et durant la guerre en Bosnie, il avait été sous-secrétaire de la sécurité publique au ministère de l’Intérieur de république serbe de Bosnie (MUP RS). Depuis Ottawa, l’homme a notamment été témoin au procès de Radovan Karadzic au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie en 2013. Il n’était toutefois pas personnellement visé par des accusations devant le tribunal.

Quel rôle dans les crimes de guerre?

Au début des années 1990, le MUP RS a participé à des évictions forcées, à du nettoyage ethnique et des massacres de civils non serbes. M. Kljajic était alors le numéro 3 dans la hiérarchie du groupe, selon les procureurs fédéraux, qui affirment qu’il doit être tenu responsable des attaques systématiques perpétrées contre les civils non serbes durant la guerre.

De ce fait, les ministres de l’Immigration et de la Sécurité publique du Canada estiment qu’il ne serait plus admissible à la citoyenneté canadienne ni à la résidence permanente puisqu’il les aurait obtenues grâce à de fausses déclarations.

Sur sa demande de résidence permanente déposée en 1995, obtenue par Métro, M. Kljajic indiquait qu’il était avocat à Sarajevo et à Belgrade de 1980 à 1993. À la question 27 F du formulaire, M. Kljajic devait indiquer s’il avait été impliqué dans des crimes contre l’humanité durant des conflits. Il avait répondu par la négative.

Si le gouvernement fédéral gagne sa cause, l’homme de 63 ans pourrait être déporté en Bosnie.

«Nous contrôlons Sarajevo»

Malgré sa fonction, Cedo Kljajic a notamment indiqué dans sa défense déposée à la Cour fédérale du Canada qu’il n’était pas au courant des opérations militaires du MUP RS et qu’il était à l’extérieur de Sarajevo lors de son mandat comme sous-secrétaire.

De nombreux enregistrements entre responsables serbes ont été déposés au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie lors des divers procès pour crimes contre l’humanité. Dans un de ces enregistrement datant de mai 1992 et obtenu par Métro, on entend deux hommes discuter de la situation de la guerre. L’un d’eux, se présentant comme Cedo Kljajic, discute avec le commandant Stojan Zupljanin, inculpé pour génocide et crimes de guerre. M. Kljajic y parle de contrôle militaire de Sarajevo, de privation d’eau aux Sarajéviens par le RS MUP.

Extrait de l’enregistrement obtenu par Métro:

Erna Mackic, ancienne rédactrice en chef du réseau de journalisme d’investigation des Balkans en Bosnie (BIRN BiH), a longuement couvert les procès de criminels de guerre de l’ex-Yougoslavie. À la lumière de cet enregistrement, elle estime qu’il est impossible que M. Kljajic n’était pas au courant des opérations militaires.

«Il y nomme plusieurs hauts gradés du MUP RS, il discute des gens qu’il placerait à la première ligne de front au cimetière juif de Sarajevo, d’opérations militaires, de la situation dans plusieurs villes où il y avait des atrocités. On peut facilement en déduire qu’il avait une position de cadre, qu’il était connu des hauts gradés de la République serbe de Bosnie et qu’il était au courant de toutes les actions militaires du MUP RS et de l’armée serbe», estime l’ancienne journaliste depuis Sarajevo.

Le cimetière juif de Sarajevo était le champ de bataille de l’armée serbe durant le siège de Sarajevo, qui a coûté la vie à au moins 5000 civils et plusieurs milliers de combattants.

Sans commentaire

Contactée par Métro, l’avocate de Cedo Kljajic, Me Déborah Énokou, n’avait pas de commentaires à émettre face à ses révélations. «Vous aurez les réponses à vos questions lors du procès», a-t-elle indiqué par courriel.

À sa demeure, Cedo Kljajic avait refusé de nous parler en 2017. Le fils aîné et la conjointe de M. Kljajic avaient accepté de s’entretenir avec nous. Ils soutenaient qu’il n’était pas au courant des opérations militaires du MUP RS mais que sa fonction lui aurait permis d’envoyer sa femme et ses enfants à Belgrade par hélicoptère.

«Mon père travaillait pour le MUP RS sur papier, mais il n’a pas participé à des crimes de guerre. […] Mon père devait penser à nous, il a accepté ce poste pour nous sauver», soutenait alors Danijel Kljajic. D’après lui, son père a menti sur son formulaire parce qu’il avait peur de représailles. C’est aussi ce que l’accusé indique dans sa défense déposée à la Cour fédérale. Métro a recontacté Danijel Kljajic pour lui donner l’occasion de mettre à jour ses affirmations. Il n’a pas souhaité commenter, vues les procédures judiciaires.

Les audiences devant la Cour fédérale dureront huit jours. Cedo Kljajic témoignera jeudi et vendredi à Ottawa.

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