Québec allonge 30 M$ pour réformer le système de collecte sélective
Le gouvernement Legault allonge 30,5 M$ pour entamer une «profonde réforme» du système de collecte sélective dès 2022. Pour s’attaquer à la crise du recyclage, Québec donnera plus de responsabilités aux entreprises et aux détaillants, qui prendront en charge le tri, le conditionnement et le recyclage de leurs produits.
C’est ce qu’a confirmé mardi le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, au nouveau centre de tri de Lachine de la Ville de Montréal. Les changements nécessiteront plusieurs «modifications législatives» et réglementaires.
«Je peux comprendre la frustration des entreprises. Elles finançaient largement le système, mais n’avaient aucune emprise sur la suite de la chaîne. Dorénavant, elles pourront exiger une qualité minimale des produits. Et pourront les concevoir du début à la fin du cycle de vie», explique l’élu.
Chaque entreprise devra toutefois atteindre «des cibles» de rendement sous peine de sanctions financières, a prévenu M. Charette, ajoutant que ces objectifs n’étaient pas encore établis. Chose certaine: une réforme était selon lui «plus que nécessaire» pour développer plus de débouchés locaux. Ainsi que pour sortir de la dépendance grandissante aux marchés internationaux.
«On sera beaucoup plus flexible, et les taux de récupération et de recyclage seront beaucoup plus élevés. Payer pour une matière qui finit à l’enfouissement, ce n’est plus acceptable.» -Benoit Charette, ministre de l’Environnement
Québec estime que son nouveau système sera «pleinement opérationnel» au courant de l’été 2025. Les fonds investis permettront surtout de «soutenir l’industrie dans la transition».
«Plus simple», dit Montréal
Appelé à réagir, le responsable des dossiers d’environnement à la Ville de Montréal, Jean-François Parenteau, parle d’une très bonne nouvelle pour la métropole.
«Le fait que les producteurs soient impliqués dans la conception-réalisation va nous permettre de s’assurer qu’un produit soit recyclable. Déjà, au niveau des centres de tri, ça veut dire beaucoup moins de pertes à l’enfouissement», explique-t-il à Métro.
Si l’industrie «fait son bout de chemin», selon lui, les municipalités devront aussi «garantir un niveau de qualité de traitement des matières», en vue d’en faire de nouveaux produits. «Ça va augmenter le rendement de nos centres de tri. Si on diminue la diversité des produits ou des types de plastique, la gestion sera plus facile», ajoute M. Parenteau.
Il avance que la question de la réduction à la source devra être adressée dans le cadre de ce nouveau système. «Le meilleur des produits, c’est celui qu’on ne fabrique pas. Et cette réforme va faire en sorte qu’on va diminuer le suremballage et le tonnage de plastique», dit celui qui est aussi maire de Verdun.
Plante en appelle à la responsabilisation
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, abonde dans le même sens. «C’est ce que je demandais. Les producteurs-émetteurs ne peuvent plus juste donner un chèque. Il faut qu’on travaille ensemble dès le départ», indique-t-elle.
«On doit cesser d’être dans un modèle où on repousse à plus tard, où on envoie ailleurs. Il faut qu’on se responsabilise.» -Valérie Plante, mairesse de Montréal
Son administration appelle toutefois Québec à être à l’écoute des besoins des municipalités à travers le processus de réforme. «Ce qui m’intéresse, surtout, c’est de voir comment tout ça va se concrétiser, ajoute Mme Plante. C’est dans les municipalités qu’on trouve les usines, c’est ici que ça se passe. Et pour être des partenaires, il faut qu’on se parle.»
Chez Équiterre, la nouvelle a été accueillie avec prudence.
«La crise du recyclage est une crise de consommation. Tant et aussi longtemps qu’on ne révise pas nos modes de production et nos habitudes de consommation, nous paierons le prix fort pour traiter les matières résiduelles. La réduction à la source est l’enjeu auquel le gouvernement devrait s’attaquer en priorité», illustre sa directrice générale, Colleen Thorpe.
Une transformation en profondeur
Pour la présidente de RECYC-Québec, Sonia Gagné, l’objectif de ces transformations est aussi de redonner «pleinement confiance» aux citoyens en l’industrie. «Le système de collecte a fait face à plusieurs enjeux, mais c’est aussi important de maintenir ses acquis, a-t-elle dit. On pose ici les jalons d’une nouvelle ère pour le Québec, dans la gestion responsable de ses matières.»
Son groupe continuera de jouer un rôle de «fédérateur» dans la transition selon elle, en mettant notamment sur pied cinq programmes d’aide financière pour les entreprises.
Chez Éco Entreprises Québec (EEQ), la directrice Maryse Vermette s’est aussi réjouie de la nouvelle.
«Il faut que le recyclage soit la norme. On a convenu qu’on n’allait pas jeter le bébé avec l’eau du bain, mais d’abord miser sur nos forces et être en mode solution, pour que le bébé se relève», illustre-t-elle.
Même son de cloche pour la porte-parole de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), Suzanne Roy. «On est rendus ailleurs. Ces changements permettront aux municipalités d’écarter l’incertitude financière liée aux fluctuations des prix du marché, pour se concentrer sur les services de proximité», conclut-elle.