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Relance économique: appel à la nationalisation de banques privées

Banques
Photo: Archives Métro

La nationalisation d’institutions bancaires privées serait bénéfique pour limiter les conséquences économiques au Québec après la pandémie, plaide une nouvelle étude parue jeudi. La gestion collective des entreprises et la mise sur pied d’un revenu minimum garanti devront aussi être examinés, selon les chercheurs.

«Les crises sont toujours un moment où il y a une lutte pour définir le retour à la normale. C’est un débat qui est tout à fait sain. Il le serait d’autant plus si tout le monde avait une voix», explique la chercheure à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), Audrey Laurin Lamothe, en entrevue avec Métro.

L’IRIS  suggère une nationalisation complète des banques privées «pour en faire un second réseau parallèle» qui serait divisé en plusieurs établissements publics. Chaque succursale aurait un siège dans un conseil d’administration central, et deviendrait à terme une caisse populaire. «Le système capitaliste n’arrive pas à fournir les besoins de base dans la population et montre, plus que jamais, ses limites», affirme Mme Larin-Lamothe.

Au-delà des banques privées, la chercheure propose de rendre le mouvement Desjardins plus accessible au grand public, par une «transformation institutionnelle» qui en ferait «une structure financière démocratique, décentralisée et coordonnée au niveau national».

«Dans les dernières années, Desjardins s’est bancarisée. Il faut ramener l’entreprise à sa mission première. Celle d’offrir la possibilité aux communautés d’atteindre une autonomie, en décidant elles-mêmes de ce qui est nécessaire pour leur développement économique.» -Audrey Larin Lamothe, chercheure à l’IRIS

Entreprises collectives et revenu minimum

Plutôt que d’essayer de «sauver chaque entreprise», le rapport suggère par ailleurs de réorienter les objectifs de croissance. Objectif: arriver à un développement économique «socialement juste et durable», qui aurait priorité sur la maximisation des profits.

«Il n’est pas question d’éliminer l’entrepreneuriat. On veut plutôt encadrer dès maintenant les pratiques des entreprises par la communauté.» -Mathieu Dufour, économiste et professeur à l’Université du Québec en Outaouais (UQO), qui co-signe l’étude.

Mme Larin Lamothe, elle, ajoute que plusieurs grandes entreprises dans l’industrie pharmaceutique et l’aéronautique pourraient devenir publiques. Le reste seraient «transformées en organismes ou en coopératives à but non lucratif». «Ça permettrait que chaque entreprise soit soumise à un audit citoyen. Il évaluerait l’utilité sociale et la pérennité environnementale. Ainsi, on n’aurait pas fermé la division ferroviaire de Bombardier, parce qu’on sait qu’elle fait partie intégrante du développement du transport collectif.»

L’Institut réitère par ailleurs la nécessité d’implanter un revenu minimum garanti après la crise, une idée que 50 sénateurs avaient avancée à la fin avril, en proposant d’élargir la PCU. «C’est maintenant que les personnes démunies ont besoin d’aide, avaient-ils plaidé. Chaque nouvelle initiative prend du temps à élaborer, laissant les personnes les plus vulnérables dans une situation de détresse chronique.»

Pas réaliste, répond un expert

Les idées de l’IRIS font sourciller l’expert en sciences économiques à l’École des sciences de gestion de l’UQAM, Germain Belzile. Il affirme que ces propositions sont trop peu réalistes. «On propose une replanification complète de l’économie et des banques. La réalité, c’est que l’État ne peut pas planifier quelque chose d’aussi complexe. On n’est même pas capables de gérer notre réseau de la santé. Prenez l’organigramme du ministère de la Santé, multipliez-le par 500. Imaginez ce que vous aurez pour l’économie du Québec», lâche-t-il.

«L’histoire nous démontre qu’on a déjà essayé ce genre d’idées ailleurs. Et ça n’a jamais vraiment fonctionné.» -Germain Belzile, de l’École des sciences de gestion de l’UQAM

Selon M. Belzile, il y a une raison pour laquelle des entreprises comme Desjardins ont changé leur mission dans les dernières années.

«Premièrement, les coopératives ne sont pas un modèle très efficace, surtout pour les banques. Et puis, le système financier a un rôle à jouer. Il doit faire parvenir l’argent des épargnants à ceux qui veulent investir. On serait plus pauvres à long terme sans cette structure», conclut-il.

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