Coronavirus: le résultat clinique de plusieurs cas toujours inconnu
Une chercheuse du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), à l’Université de Montréal, appelle le gouvernement Legault à fournir plus de données sur les cas confirmés de la COVID-19 au Québec, afin de tirer des conclusions plus fouillées sur le taux de mortalité de la maladie par tranches d’âge, notamment. Elle déplore que, dans le tiers des cas de coronavirus, la guérison ou le décès demeure inconnu.
«Dans 30% des cas, les données individuelles auxquelles on accède ne fournissent peu ou pas d’informations sur ce qui s’est vraiment passé. On connaît l’âge, le sexe, le moment du dépistage, mais après, il n’y a plus rien», déplore la professeure au Département de démographie de l’UdeM, Simona Bignami.
Fin avril, l’experte avait signé une lettre ouverte dénonçant un «manque criant de données sur la pandémie», en demandant des actions concrètes au gouvernement. Or, depuis, rien n’a vraiment changé, selon elle.
Définir la trajectoire COVID-19 par les données
L’historique clinique du patient demeure trop souvent flou actuellement, selon Mme Bignami, pour qui plusieurs études «essentielles à l’étude de la propagation et des surplus de mortalité» sont ainsi compromises. Ce genre d’étude permet notamment de savoir s’il y a plus ou moins de décès que d’habitude à cause du coronavirus, un chiffre qui demeure à ce jour inconnu. C’est d’ailleurs pour cette raison que peu de chercheurs ont fait paraître des rapports démographiques sur l’évolution de la pandémie, accuse-t-elle.
«On doit savoir si ces individus sont guéris ou décédés, en allant au-delà des gros chiffres et en fermant chaque dossier rapidement. Ça changerait peut-être le portrait à bien des égards.» -Simona Bignami, de l’UdeM
Le rapport du CIRANO affirme que pour effectuer une «surveillance efficace» de la COVID-19 au Canada, il faudra éventuellement un cadre national.
«Certes, les systèmes de santé publique ont été remaniés après la crise du SRAS en 2003, mais il n’existe toujours pas de système numérique pancanadien pour suivre les tests de dépistage, les infections et le traitement», y lit-on.
Et la crise à gérer
Mme Bignami-Van Assche n’est pas la première à dénoncer l’accès inadéquat aux données de santé publique au Canada. Au début mai, l’expert en politique et éthique de la santé de l’Université d’Ottawa, Michael Wolfson, émettait le même son de cloche.
«Les autorités doivent prendre des décisions difficiles sans avoir de réponses claires. Il y aurait beaucoup moins d’incertitude si on avait plus de données.» -Michael Wolfson, sur les ondes de Radio-Canada.
En effet, plusieurs éléments d’analyse manquent. Un exemple: le lien de causalité qui existe entre la crise dans les CHSLD et la transmission du personnel de la santé.
Selon Simona Bignami, les autorités québécoises ont mis beaucoup de temps à interdire les transferts de personnel, alors que d’autres provinces comme la Colombie-Britannique ont été très «proactives». «C’est cette circulation qui a propagé l’infection. On peut penser que c’est entre autres dû au manque de personnel», lâche-t-elle.
Cap des 5000 décès atteint
Malgré une tendance qui allait à la baisse dans la dernière semaine, le nombre de morts liés au coronavirus a officiellement dépassé les 5000, mardi. Après avoir rapporté huit, puis six nouveaux décès dans les jours précédents, les autorités sanitaires en ont confirmé 45 jeudi.
«C’est beaucoup de monde. 90% d’entre eux vivaient dans des résidences.» -François Legault, premier ministre du Québec, au sujet des 5029 décès rapportés
Le gouvernement assure qu’il «sera plus autonome» en septembre, si une deuxième vague de la COVID-19 devait survenir. «On va s’assurer d’avoir tous les équipements nécessaires: masques N-95, gants, blouses, et d’avoir tous les inventaires», illustre M. Legault. Québec affirme que plus de 1000 personnes en résidences pour aînés combattent toujours une infection au coronavirus.
À Montréal, le gouvernement enverra prochainement une sous-ministre pour veiller à ce que la situation dans les CHSLD et les résidences «s’améliore», après les vacances estivales.