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Matériel médical: spéculation et «flambée des prix» dans les hôpitaux

Une infirmière effectue un test pour la COVID-19.
Le coronavirus ne montre « aucun signe de ralentissement » sur le continent américain a déclaré mardi la directrice de l'Organisation panaméricaine de la santé. Photo: Francois Nel/Getty Images

Des gants vendus «trois, quatre fois le prix» et même plus dans les hôpitaux montréalais: si le gouvernement du Québec a dépensé plus de 2 G$ pour se procurer du matériel médical, ce n’est pas un hasard. Métro a constaté une importante «flambée des coûts» de l’équipement de protection individuel (EPI), un phénomène auquel participent indirectement des entreprises d’ici.

Thomas* oeuvre comme employé à l’approvisionnement dans le réseau de la santé montréalais. À mesure que la première vague de la pandémie se résorbait, il a constaté qu’une part du matériel se vendait à des prix faramineux.

«À un moment donné, j’ai vu la facture. Comment ça se fait que des gants en nitrile, qu’on paie 7$ pour une boîte de 250 d’habitude, se vendent à 120$ ?», demande celui qui a préféré taire son nom par crainte de représailles.

Rien d’étonnant selon Gabriel Cyr, propriétaire d’une entreprise qui s’est réorientée durant la pandémie et vend du matériel médical dans quatre des cinq Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Grand Montréal. Auparavant, Logistique Info Cyr oeuvrait dans la vente d’équipement informatique.

«Il y a eu une augmentation facile d’au minimum le double, le triple, le quadruple du prix habituel [des gants] en Chine», observe celui qui s’approvisionne en Asie avant de vendre à profit de l’équipement dans les hôpitaux de Montréal.

Une flambée des prix due «à la demande mondiale et toutes ces entreprises qui vont faire 50 fois, 100 fois leur chiffre d’affaires», croit Carl Morin, directeur des ventes d’un autre intermédiaire québécois, PIXI Integral.

«Les centres hospitaliers sont au courant de cette augmentation. Évidemment, il faut suivre les prix du marché. À la fin de la journée, c’est à eux d’accepter ou de refuser.» -Gabriel Cyr, propriétaire de l’entreprise Logistique Info Cyr

Sur le marché mondial, c’est au plus fort la poche

L’Europe, qui a été frappée avant le Québec par la pandémie, «a rapidement pris le matériel disponible sur le marché mondial», constate Carl Morin. Quelques semaines plus tard, le Québec a dû s’accommoder, ajoute-t-il.

Les deux compagnies contactées par Métro affirment vouloir «aider» les Québécois en achetant et en revendant de l’équipement de l’étranger. «On avait des relations avec plusieurs fournisseurs en Chine. On a décidé d’aider le Québec», souligne Gabriel Cyr.

L’entreprise de M. Morin, PIXI Integral, soutient par ailleurs qu’elle compte garder une branche d’approvisionnement en EPI, même quand la crise se sera résorbée.

Encore des appels d’offres?

Le gouvernement du Québec maintient qu’il se «prépare pour une deuxième vague potentielle de la pandémie». D’où l’achat en vrac de matériel dans les établissements montréalais.

Cas d’exemple: ce contrat de 2,4 M$ conclu fin mai entre l’entreprise montréalaise Opale International Inc. et le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal pour l’acquisition de «blouses d’isolation jetables niveaux 1 et 2» et de «masques de procédure COVID-19».

Opale n’a pas répondu à nos appels.

Malgré la crise sanitaire, le gouvernement du Québec continue de faire des appels d’offres, confirme le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). L’organisme affilié en charge de l’approvisionnement montréalais, SigmaSanté, soutient d’ailleurs que son travail s’est poursuivi et intensifié durant la pandémie de COVID-19.

«SigmaSanté a pu développer une expertise à l’international dans l’approvisionnement d’EPI. […] D’ailleurs, SigmaSanté a entre autres été désigné comme négociateur pour faire la recherche d’EPI pour les réserves provinciales», écrit dans un échange de courriels la porte-parole l’organisme à but non lucratif, Caroline Geoffroy.

La Loi sur les mesures d’urgence permet aux établissements de soins de procéder sans appel d’offre dans un contexte de crise.

«Si nécessaire, effectivement, le décret d’urgence sanitaire permet au MSSS et aux établissements (CISSS/CIUSSS) de conclure des contrats sans appel d’offres, sans délai et sans formalité. Cela inclut notamment l’acquisition de fournitures, d’équipements et de médicaments pour traiter les patients atteints de la COVID», convient l’attachée de presse du MSSS Marie-Claude Lacasse.

Les achats du gouvernement en chiffres

2,3 G$: C’est le montant inscrit pour l’achat de matériel dans le cadre de l’exercice financier 2020-21. Pour l’exercice précédent, on parle d’un montant de 15 M$.

– Ces sommes sont inscrites au dernier énoncé économique du ministre des Finances, Eric Girard

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