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Loi 21: y a-t-il une «hiérarchie des religions» au Québec?

Des opposants à la Loi 21 tiennent un sit-in à l'entrée du Palais de justice de Montréal. Photo: Josie Desmarais/Métro

Les Québécois sont plus hostiles aux religions que le reste du Canada et cette hostilité est plus forte envers les Musulmans, analyse un expert. Interrogé au deuxième jour du procès contre la loi 21 sur la laïcité de l’État, il va même jusqu’à dire qu’il existe une «hiérarchie des religions» au Québec.

Plusieurs groupes tentent de faire annuler, en tout ou en partie, cette loi qui interdit entre autres aux enseignants et aux directeurs d’école de porter un signe religieux.

Mardi, un sociologue spécialisé dans les questions relatives à la discrimination, à l’identité et à l’intégration, Paul Eid, a souligné que les Québécois ont une attitude plus méfiante qu’ailleurs envers les religions, et que la minorité musulmane est systématiquement plus discriminée que d’autres groupes minoritaires au Québec.

«L’hostilité à l’endroit des religions varie en fonction du groupe religieux, comme s’il y avait une hiérarchie des groupes religieux», a affirmé Paul Eid devant le juge qui entend la cause de la Loi 21.

Le professeur se base sur différentes études, passées en revue devant la Cour supérieure, pour tirer cette conclusion.

Le hidjab s’attire les foudres

Il cite en exemple une étude publiée en 2016 ayant pour but de mesurer l’acceptation des Québécois face au port des signes religieux dans l’espace public.

Celle-ci révèle que, en comparaison aux autres signes religieux, le hidjab – un voile qui couvre les cheveux et peut descendre aux épaules, mais ne couvre pas le visage – dérange davantage les Québécois interrogés.

En effet, 49% des répondants trouvent ce symbole très ou plutôt dérangeant contre 25% pour la kippa, cette petite calotte que les hommes juifs pratiquants portent sur la tête. Ce chiffre baisse à 5% pour la croix chrétienne. 

Par ailleurs, une enquête qui sondait un groupe de Québécois sur la construction d’un lieu de culte dans leur quartier démontre un degré d’opposition inégal vis à vis les différentes options.

Si 60% des répondants s’opposent à la construction d’une mosquée dans leur quartier, seulement 35% d’entre eux ont la même opinion quant à la construction d’une église catholique.

Crimes haineux

Le sociologue ajoute que, parmi les Musulmans, les Arabes, les Asiatiques du Sud-Est et les Juifs, ce sont les Musulmans qui sont les plus victimes de crimes haineux au Québec. Ceux-ci sont suivis des Arabes. 

Toutefois, il s’agit d’une «particularité québécoise», puisque le résultat est différent pour tout le Canada. En effet, au pays, les Musulmans se retrouvent au troisième rang. 

Lors de son contre-interrogatoire, Paul Eid a nuancé en disant qu’un crime haineux pouvait être multifactoriel. «Les policiers placent le crime dans la catégorie la plus pondérante à la lumière des preuves recueillies», a-t-il précisé.

Hostilité ou malaise?

La défense a également contre-interrogé M. Eid sur l’utilisation du terme «hostilité». Le sociologue a reconnu que le mot ne se trouvait pas dans les données scientifiques existantes. «On parle plutôt de sentiments négatifs».

Un avocat représentant la Procureure générale du Québec lui a demandé si on parlait plutôt d’un «malaise envers la religion» dans les questions posées aux répondants. 

«Peut-être que l’hostilité est un terme très fort, mais je n’arrive pas à en trouver d’autres, a répondu Paul Eid. Quelque soit le terme, il y a toujours une gradation. Pour moi l’hostilité reflète bien la manière dont les question ont été posées aux répondants.»

Le procès s’est ouvert hier avec les témoignages de trois enseignantes. Il se poursuit cet après-midi et devrait durer cinq à six semaines.

Jolin-Barrette reste ferme

De son côté le principal porteur de la loi, Simon Jolin-Barrette, continue de la défendre.

«Le gouvernement du Québec va défendre la loi jusque dans toutes les instances judiciaires parce que cette loi-là a été votée par l’Assemblée nationale, a été validement adoptée par l’Assemblée nationale. Et il appartient aux élus de la nation québécoise de choisir de quelle façon les rapports entre l’État et les religions s’appliquent», a-t-il indiqué mardi après-midi.

Rappelons que le gouvernement Legault a eu recours à la clause dérogatoire pour protéger la Loi 21 des contestations constitutionnelles.

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