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Annuler Keystone XL aura très peu d’impact sur l’environnement, dit un expert

Photo: Andrew Burton/Archives Getty Images

Le rejet de Keystone XL par le président Joe Biden est avant tout une décision symbolique, selon un spécialiste des questions énergétiques en entrevue à Métro, afin de bien marquer le début de sa présidence. Au Canada, cette décision pourrait donner des munitions à ceux qui s’opposent aux pipelines.

Selon le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau, l’annulation du controversé projet d’agrandissement de pipeline est une décision qui aura, en réalité, très peu impact sur l’environnement.

«Il y a des dommages locaux qui vont être évités, mais il y a beaucoup de pipelines qui sont construits aux États-Unis et ce n’est pas un de moins qui va changer la donne», dit-il.

Les Américains achèteront simplement leur pétrole ailleurs, dans des pays où la production peut être aussi dommageable pour la planète.

«On va déplacer le problème. On a tendance à oublier que ces pétroles sont aussi problématiques à plusieurs égards. Il y a moins de projecteurs sur eux.» – Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal

Proposé pour la première fois en 2008, le projet Keystone XL devait agrandir un pipeline existant pour faciliter le transport de barils de sables bitumineux de l’Alberta au Texas. Joe Biden a officiellement annulé hier le permis présidentiel de l’infrastructure dans l’un des premiers décrets qu’il a signés.

Détérioration du débat

Pierre-Olivier Pineau estime que les conséquences de l’annulation de Keystone XL sur le débat des pipelines au Canada seront importantes.

Selon lui, cela pourrait notamment galvaniser les opposants au projet Trans Mountain.

«Ça va nous amener vers une autre série de confrontations sur les pipelines qui, à mon avis, vont être tout à fait négatives et très peu constructives, ni pour les changements climatiques, ni pour l’industrie pétrolière.»

Car M. Pineau insiste: ce n’est pas en ciblant les pipelines que l’on fera avancer la cause des changements climatiques.

«S’opposer aux pipelines, c’est essentiellement s’opposer à un petit maillon de la chaîne de production du pétrole, mais qui ne change rien à nos systèmes mondiaux de transport, explique-t-il. Les politiques environnementales qui vont vraiment nous faire progresser, ce sont celles qui vont changer la structure des systèmes énergétiques.»

«Au Québec, on est très bon pour dire non aux pipelines, penser qu’on est très propres et s’acheter des gros VUS, dont les ventes continuent d’augmenter», ironise M. Pineau.

Impacts politiques au Canada

Pour la chercheuse en résidence à la Chaire Raoul-Dandurand Julie-Pier Nadeau, le nouveau président américain a pris cette décision par souci de «cohérence» avec sa stratégie en matière d’environnement. «Il veut lancer sa présidence sur la lutte contre les changements climatiques. C’est une décision qui, dans ce cadre-là, semble évidente. On ne veut pas, du jour au lendemain, arrêter toutes les énergies fossiles, mais il y a une volonté d’aller vers des énergies plus durables.»

Plutôt cette semaine, le premier ministre Justin Trudeau s’est porté à la défense de Keystone XL en réaction aux intentions de Joe Biden. Pressé par les conservateurs «d’empêcher» l’annulation du projet, M. Trudeau s’est toutefois fait critiquer par le NPD, le Bloc québécois et le Parti vert pour avoir réitéré sa position favorable au pipeline.

Selon le professeur au Département de science politique de l’Université de Montréal, Erick Lachapelle, la position de Trudeau à l’égard des pipelines relève encore aujourd’hui d’un calcul politique.

«Il y a certainement une apparence d’incohérence d’une perspective environnementale, mais d’une perspective politique, c’est bien calculé. D’un côté, il plait aux écologistes avec des mesures assez importantes pour les changements climatiques et de l’autre, c’est de satisfaire l’Ouest canadien.»

Même si le nouveau président semble avoir une position plus écologique que M. Trudeau dans ce dossier, M. Lachapelle ne croit pas à court terme que l’administration Biden fera compétition à celle du premier ministre canadien en matière d’environnement.

«L’électeur moyen ne connaît pas bien Joe Biden et Trump a tellement terni la réputation américaine sur le plan environnemental que c’est encore le Canada qui paraît plus vert, explique-t-il. À moyen et long termes, lorsque Biden va sortir des gros programmes sur les changements climatiques, là ça pourrait changer», nuance-t-il.


Chronologie de Keystone XL

  • 2008: Proposition du projet par TransCanada et ConocoPhillips
  • 2010: Approbation du projet par la Régie de l’énergie du Canada
  • 2010: Aux États-Unis, malgré un rapport du département d’État affirmant que l’effet environnemental du projet serait limité, des groupes, des élus et des scientifiques s’opposent au projet et l’Environmental Protection Agency en conteste la nécessité.
  • 2015: Après des négociations et des contestations devant les tribunaux sur la trajectoire du pipeline en raison du passage sur des terres du Nebraska, le président Barack Obama s’oppose de plus en plus au projet. Il impose son veto sur une loi adoptée par le Sénat visant à construire Keystone XL. Justin Trudeau se dit «déçu» de la décision du président américain.
  • 2017: Donald Trump relance Keystone XL. Justin Trudeau se «dit fortement favorable» à cette décision.
  • 2021: Sitôt en poste, Joe Biden révoque le permis présidentiel de Keystone XL

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