Psychologie: Québec ne connaît pas l’état de la main-d’oeuvre au public
Alors que la santé mentale des Québécois encaisse les effets de la pandémie, Québec ne peut pas dresser de portrait précis de sa main-d’oeuvre en psychologie. En fait, le comité chargé de le faire ne s’est pas rencontré depuis mai 2019.
C’est ce que confirment une demande d’accès à l’information effectuée par Métro et plusieurs échanges avec le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).
Au ministère, à chaque année, une dizaine de comités se réunissent afin de dresser un état des lieux du recrutement de la main-d’oeuvre dans le réseau public.
L’un d’eux, le Comité de main d’œuvre psychosociale évalue les départs et les arrivées dans six corps de métier, dont les psychologues. Il effectue également des prévisions sur le roulement de personnel attendu.
Or, Métro a constaté que ce comité n’a pas tenu de réunion depuis le mois de mai 2019, moment auquel il a présenté son dernier portrait du personnel.
«Le comité est toujours un comité d’actualité mais qui a été suspendu temporairement dans le contexte de la COVID», confirme par courriel le directeur des communications du MSSS, Robert Maranda.
C’est la pandémie qui a empêché la tenue de ce rendez-vous annuel, soutient-on. «Le comité devait se réunir à nouveau au printemps 2020, mais [le rendez-vous] a été annulé étant donné l’état d’urgence sanitaire», confirme M. Maranda.
«Inquiétant»
L’automne dernier, à l’aide de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, nous demandions au ministère de nous fournir tous les portraits de la main-d’oeuvre psychosociale effectués depuis l’arrivée au pouvoir de la Coalition avenir Québec.
L’unique document obtenu date de 2018. Il prévoit une «situation future difficile» dans le recrutement de psychologues.
Au moment où les listes d’attentes du réseau public s’allongent, la Coalition des psychologues du réseau public québécois ne s’étonne pas de voir que le gouvernement ne détient pas de portait à jour sur son personnel en services psychologiques.
«Ce n’est pas surprenant, mais c’est inquiétant. Ça démontre le manque de volonté du gouvernement. Ça fait plus de dix ans que les psychologues sonnent l’alarme», indique une porte-parole de l’organisme, Béatrice Filion.
«L’exode, il est réel. Il y a plein d’exemple de milieux où les psychologues démissionnent. Des postes vacants, il y en a énormément.» – Béatrice Filion, porte-parole de la Coalition des psychologues du réseau public québécois
D’ailleurs, le gouvernement reconnaît lui-même le manque de main-d’oeuvre, constate la présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, Andrée Poirier. Son syndicat négocie depuis plus d’un an pour améliorer les salaires des psychologues, notamment. À maintes reprises, Québec a convenu qu’il fallait régler cet exode, soutient-elle.
«Mais ce gouvernement-là a des façons différentes de reconnaître le phénomène de pénurie de main-d’oeuvre selon le type d’emploi», souligne-t-elle.
«Avec les préposés aux bénéficiaires, on sort toute la cavalerie, on fait de grandes campagnes de promotion, on offre des bourses. Mais on n’applique pas ce cadre-là partout.» – Andrée Poirier, présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux
Le privé d’abord?
Au mois de novembre, Québec devançait 100 M$ pour venir en aide aux ressources en santé mentale dans la province. Une partie de ces sommes servirait à embaucher des psychologues en cabinet privé pour prêter main forte au public et réduire les listes d’attente.
Il s’avère que les psychologues du privé qui décident de répondre à l’appel du gouvernement du Québec auront droit à 100 dollars de l’heure, soit le double du salaire final d’un psychologue au public.
«Ça semble indiquer la direction que ce gouvernement-là veut prendre», indique Béatrice Filion, qui craint de voir Québec sous-traiter au privé sur le long terme.
Depuis le début de la pandémie, les études sur la santé mentale fragile des Québécois se multiplient. Une récente publication de l’Université de Sherbrooke concluait qu’un jeune sur deux éprouve des symptômes d’anxiété ou de dépression depuis le début de la crise sanitaire.
Aux dernières nouvelles, les listes d’attentes continuaient de s’allonger au Québec. En décembre, le ministre responsable, Lionel Carmant, confirmait que 18 000 personnes patientaient pour des services psychologiques.