La liberté académique ou la dignité des étudiants?
On a beaucoup parlé de la liberté académique des professeurs mais des étudiants revendiquent aussi la leur, car certains estiment que leur milieu universitaire n’est pas assez sécuritaire pour aborder des sujets plus sensibles.
La question est revenue d’actualité cette semaine alors que le premier ministre François Legault a fait une sortie en règle contre les mouvements visant à limiter l’utilisation de certains mots dans les universités.
Dans une publication diffusée sur les réseaux sociaux samedi dernier, le chef de la Coalition Avenir Québec (CAQ) estime que le débat sur la liberté d’expression et académique est en train de «déraper» au point où des gens se sentent forcés de s’autocensurer, de peur de se faire insulter et dénoncer sur la place publique.
Il a déploré qu’une poignée de militants radicaux essayaient de censurer certains mots et certaines œuvres, citant notamment le débat entourant l’utilisation du mot en «N» en exemple.
Rapidement, la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) a salué la déclaration du premier ministre. Une pétition a même été lancée sur le site de l’Assemblée nationale pour demander au gouvernement de déposer un projet de loi qui garantirait la liberté académique.
L’université, lieu sécuritaire pour tous?
Secrétaire générale de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal (FAÉCUM), Sandrine Desforges indique que beaucoup d’étudiants vivent des micro-agressions dans leurs cours de la part de professeurs, mais aussi d’autres étudiants.
Christle Gourdet est «choquée» par ce qu’elle a vécu dans le cadre d’un de ces cours l’automne dernier. «Plusieurs personnes blanches ont utilisé le mot en N en toute impunité, dans le sens où ni la professeure ni personne d’autre soit intervenu», raconte cette étudiante de deuxième année au baccalauréat en animation et recherche culturelle à l’UQAM.
Dans ce contexte, la jeune femme noire pense que son université n’est «pas du tout sécuritaire» pour les personnes issues de sa communauté.
«Je ne suis pas supposée vivre ce genre de situations. Ça a été occasionné dans le contexte de l’UQAM parce que je me suis inscrite à ce cours-là dans cette école-là. Si je n’avais pas été là, je n’aurais pas vécu cette situation-là», pense Christle Gourdet.
Pour Christle Gourdet et Sandrine Desforges, il faut s’assurer que les enseignements et les pratiques pédagogiques qui ont lieu dans le cadre des campus universitaires soient faits dans le respect de la dignité des étudiants.
L’étudiante a fait une sortie sur la place publique pour dénoncer ce qui lui était arrivé. Elle a aussi entamé des procédures pour dénoncer la situation auprès de sa faculté et de l’UQAM, mais n’en est pas satisfaite.
«À chaque fois, on m’a dit que c’était un cas isolé», déplore celle qui est persuadée du contraire puisqu’elle a reçu une centaine de témoignages d’étudiants qui sont passés par le même processus, infructueux, de dénonciation.
Rééquilibrer la parole
Christle Gourdet pense que le débat est «déséquilibré» parce qu’elle ne se sent pas écoutée. «Comment on peut mettre des choses en place pour nous encadrer et s’assurer que ça se passe bien si on ne nous écoute pas et on ne prend pas le temps vraiment de comprendre ce qui se passe?» demande-t-elle
Sandrine Desforges pense aussi qu’il faut rééquilibrer la parole des étudiants qui, plus souvent qu’autrement, se sentent impuissants face à la structure universitaire.
«Quand ils viennent pour mentionner leur point de vue, soit ils ont l’impression qu’ils ne seront pas entendus donc ils ne vont simplement pas le dire, ou ils vont passer par les canaux qui sont offerts à eux mais ne vont pas avoir l’impression que ça va faire bouger les choses. Cela fait qu’il y a un certain découragement à cet égard-là», explique la porte-parole de la FAÉCUM.
Plusieurs sont d’avis qu’il faut instaurer des formations sur les enjeux liés à l’équité d’inclusion, notamment comment aborder des sujets plus sensibles dans les salles de classe.