Comment la pandémie de COVID-19 a-t-elle affecté les droits des femmes?
À l’approche de la Journée internationale des femmes, soulignée le 8 mars, Métro examine l’état de des droits des femmes à travers la planète en cette ère de COVID-19. Et nous tentons d’évaluer comment l’égalité des sexes pourrait être améliorée pendant la «Grande Réinitialisation».
La COVID-19 a mis en évidence la fragilité des droits des femmes, selon des experts. Susan Broomhall, directrice du Centre de recherche sur l’histoire du genre et des femmes à l’Université catholique d’Australie, explique à Métro que la pandémie a montré la vulnérabilité de nombreuses femmes qui sont sur le marché du travail et qui se trouvent dans des conditions d’emploi précaire, occasionnel ou temporaire, souvent dans le domaine des services et de l’hospitalité. Ces deux secteurs ont été particulièrement affectés par cette pandémie à cause de la façon dont se propage le virus.
«Les conséquences financières des pertes de revenus les suivront toute leur vie», dit la professeure Broomhall. «Dans de nombreux pays, le filet social, lorsqu’il existait, était très mal adapté pour venir en aide aux secteurs traditionnellement féminins et pour répondre aux besoins et aux réalités spécifiques de la main-d’oeuvre féminine.»
«Une des façons d’adresser les besoins des femmes à travers le monde est de les écouter directement et d’utiliser ces données pour informer les politiques publiques, les programmes et les levées de fonds. Les données, c’est du pouvoir dans notre monde contemporain, et pourtant les données souhaitées par les femmes et par la diversité des genres sont bien rares.» – Betsy Scolnik, présidente de la Marche mondiale des femmes
C’est pour cela que, cette année, le thème de la Journée internationale des femmes est «Leadership féminin: pour un avenir égalitaire dans le monde de la COVID-19». L’Organisation des Nations unies affirme qu’elle «célèbre les efforts énormes des femmes et des filles à travers le monde pour créer un monde plus égalitaire et une meilleure reprise» après la pandémie.
«Les femmes ont subi l’essentiel des pressions dues au travail non rémunéré, comme prendre soin des enfants et de la famille. Dans de nombreux pays, cela comprend l’école à la maison. En dépit du fait que les hommes autant que les femmes font du télétravail, les études montrent que les femmes non seulement effectuent toujours plus de tâches domestiques que les hommes, mais qu’elles en font encore plus qu’avant», explique Broomhall.
«De plus, le confinement a augmenté la vulnérabilité des femmes à l’égard de certaines formes de violences liées à la famille et au foyer», ajoute-t-elle.
«Une situation particulièrement alarmante est celle des femmes et des filles réfugiées, migrantes ou autrement déplacées. Leurs besoins sont invisibilisés même en temps plus “normaux”. Pour eux, les risques à la santé causés par la COVID-19 sont énormes. Il y a aussi des preuves de déportations arbitraires. Tout ceci crée des situations de pauvreté prolongée, de déplacement et de stigmatisation pour des femmes et des filles qui sont déjà très vulnérables.» – Pia Riggirozzi, professeure de politique mondiale à l’Université de Southampton, au Royaume-Uni
Alors que ces reculs ont reçu une certaine attention, d’autres défis vécus par les femmes sont passés sous le radar.
«Ceci comprend l’accès à l’équipement de protection individuelle créé spécifiquement pour convenir aux visages, aux mains et aux corps des femmes, même dans les secteurs de la santé et des services sociaux où les femmes forment depuis toujours une partie importante de la main-d’oeuvre», conclut Mme Broomhall.
Pour en apprendre plus, Métro s’est entretenu avec Betsy Scolnik, présidente de la Marche mondiale des femmes.
Q: Quels sont les principaux reculs causés par la COVID-19 en ce qui concerne les droits des femmes?
– La Marche mondiale des femmes craint que les voix des femmes ne seront pas priorisées dans la «Grande Réinitialisation» post-COVID-19. Lorsqu’on reconstruit, les inégalités entre les genres seront renforcées si les femmes ne sont pas à la table de discussion. Et à travers la planète, en général, les voix des femmes ne sont pas entendues et des présuppositions mènent à des mauvais choix de priorités.
Il est crucial d’utiliser ce moment historique comme une occasion pour remplacer les vieux systèmes, pour amener les voix des femmes au centre des discussions au moment où l’on reconstruit nos institutions et nos systèmes. C’est pour cela que nous avons lancé le «Décompte global», un sondage mondial sur l’égalité des sexes. Les résultats habiliteront les mouvements de femmes pour qu’elles puissent formuler leurs demandes auprès des gouvernements, des bailleurs de fonds et du secteur du développement international dans son ensemble.
Q: Parlez-nous des défis auxquels les femmes font face.
– Les impacts de la pandémie sont ressentis par tout le monde, mais l’on voit des impacts spécifiques sur les femmes et les filles à travers le monde. Les données de l’organisme ONU Femmes montrent déjà que la violence basée sur le sexe s’est intensifiée au niveau planétaire, et de nombreux fournisseurs de lignes d’aide téléphonique montrent une augmentation de l’activité de ces lignes depuis l’apparition de la COVID-19. Nous anticipons qu’à la fin du «Décompte global», nos données relféteront ces tendances troublantes.
Les pertes d’emplois affectent tout le monde à tous les niveaux de la société, mais nous voyons aussi un nombre plus faible de femmes qui retournent au travail, et cela pourrait être dû à une combinaison de facteurs comme les responsabilités familiales et la vulnérabilité des secteurs de travail à prédominance féminine. Par exemple, dans plusieurs régions du monde où les revenus des femmes proviennent de la vente de rue, ce type d’occasion de travail a disparu. Les familles affectées ont faim, ce qui crée un cercle vicieux de pauvreté qui peut être difficile à briser.
Q: A-t-on vu des améliorations?
– On a vu certains pays individuels s’attaquer au problème de l’inégalité des sexes à travers l’adoption de politiques fortes et l’adoption de lois clés, et c’est souvent grâce au travail de fond d’activistes qui ont mené des campagnes sur ces sujets, souvent depuis des années. C’est changements ne sont pas le résultat de la pandémie, mais bien une preuve supplémentaire que la mobilisation des femmes est nécessaire pour réaliser des changements. Et, souvent, ce sont des changements qui se font avec peu ou pas d’investissements monétaires.
Parmi les exemples marquants en 2020, on note l’Écosse, qui a rendu gratuite les produits d’hygiène féminine pour les étudiants et pour tous ceux qui en auraient besoin. Le Soudan a interdit l’excision, avec des peines atteignant trois ans de prison pour ceux qui la pratiquent. Finalement, l’Argentine a légalisé l’avortement pour les grossesses inférieures à 14 semaines.
Des pays bien gérés par des leaders féminins
Sept des pays qui ont eu le plus de succès dans le combat contre la COVID-19 sont menés par des femmes:
- Le Danemark
- L’Éthiopie
- La Finlande
- L’Allemagne
- L’Icelande
- La Nouvelle-Zélande
- La Slovaquie
Faits en raffale
- 20 pays ont des femmes comme chef d’État ou de gouvernement.
- À la fin de 2020, environ 13% des femmes et des filles du monde vivaient dans la pauvreté extrême.
- 60% des femmes et 54% des hommes affirment avoir augmenté la quantité de temps passé à effectué des tâches domestiques non rémunérées depuis le début de la pandémie.
- Depuis l’apparition de la COVID-19, 28% des femmes et 16% des hommes disent que l’intensité des tâches domestiques a augmenté.
- Depuis le début de la pandémie, la moyenne de temps passée à élever des enfants est passé de 26 heures à 31 heures pour les femmes de 16 pays.
- En moyenne, les femmes ont ainsi ajouté 5,2 heures de plus par semaine à leurs tâches familiales.
- Dans la plupart des pays, les femmes passent plus de 30 heures par semaine à élever des enfants – soit presque l’équivalent d’un travail rémunéré à temps plein.
Source: ONU Femmes