La moitié des Québécois appuient le passeport de vaccination
Au Québec, environ la moitié des citoyens seraient en faveur d’un «passeport de vaccination», selon un sondage publié ce matin par l’Association des études canadiennes (AÉC) et Metropolis Canada.
En Israël, où presque 40 % de la population a déjà reçu la deuxième dose d’un vaccin contre la COVID-19, la vie d’avant commence à reprendre son cours. Des sorties au théâtre ou au restaurant sont de nouveau possibles, à condition d’avoir une «passe verte», nom donné en Israël au passeport de vaccination. On donne cette passe aux personnes qui ont reçu leur deuxième dose depuis au moins une semaine, ou qui se sont remises du virus.
Selon le sondage de l’AÉC, 52% des Canadiens seraient favorables à la mise en place d’un passeport de vaccination national, 35% s’y opposeraient et 16% sont indécis. Au Québec, 52% sont en faveur et 38% s’y opposent, avec 10% d’indécis.
Les données indiquent qu’à l’échelle nationale, l’idée passe moins bien chez les femmes (49% en faveur) que chez les hommes (55%) et moins bien chez les 18-34 ans (47%) que chez les personnes de 55 ans et plus (57%). L’appui au concept est plus fort en Ontario (56%) et au Québec (52%) et plus faible dans les Prairies (43%, avec 41% des personnes opposées).
Au Québec, 57.5 % des hommes et 47.5 % des femmes appuient la mesure.
Une forte majorité d’électeurs libéraux (64%) sont en faveur de la mesure alors qu’à peine 50% des conservateurs le sont; une faible majorité de bloquistes (53%) et de néodémocrates (51%) sont en faveur.
Des inquiétudes pour la vie privée
Le niveau d’acceptabilité sociale ne surprend pas Karine Gentelet, titulaire de la Chaire Abeona-ENS-OBVIA Intelligence artificielle et justice sociale à l’Université du Québec en Outaouais, qui s’intéresse aux implications du numérique et de l’intelligence artificielle sur la vie privée.
«Tout le monde est tannée de la pandémie, et les gens sont à la recherche des solutions, mais je ne sais pas si tous les gens qui ont répondu au sondage comprennent ce que ça pourrait impliquer. Nous ne savons pas ce qui arriverait aux données qui sont recueillies, et nous ne savons pas encore la durée de l’immunité conférée par le vaccin… C’est très prématuré de poser cette question.»
Elle indique qu’un preuve papier de l’immunité, comme la «carte jaune» de l’Organisation mondiale de la santé: «Je ne sais pas ce qui serait le plus-value d’une solution numérique.»
Elle ajoute que l’importance de la vie privée numérique doit être prise en compte en amont. «Au lieu de déployer un outil et de réparer les brèches après les faits, il faut y penser avant le déploiement.»
Monique Lanoix est professeure agrégée dans la faculté de philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa, et spécialiste en bioéthique. Comme Karine Gentelet, elle voit une distinction entre le «passeport vaccinal» analogue de l’OMS et une «passe verte» à l’israélienne nécessaire pour aller au restaurant ou au théâtre.
Elle considère que le déploiement d’un passeport vaccinal numérique ouvre théoriquement la porte à la discrimination basée sur le statut de santé, qui serait illégale. Elle s’inquiète aussi que les personnes non vaccinées soient obligées de divulguer leur statut à un tiers, et que les restaurants et autres lieux publics soient obligés de «jouer à la police vaccinale.»
«Les données sur ma santé m’appartiennent; elles n’appartiennent pas au gouvernement ni à une compagnie privée, résume-t-elle. C’est une pente glissante.»
En janvier, le premier ministre Justin Trudeau avait déclaré qu’il ne prévoyait pas mettre en place un tel système au Canada, qualifiant le concept d’«intéressant, mais plein de défis.» Du côté du Ministère de la santé et des services sociaux du Québec, on considère que le passeport vaccinal numérique est «une innovation intéressante que nous devons explorer», selon la porte-parole Marie-Hélène Émond.