Lutte aux féminicides: le dossier de l’heure pour le gouvernement Legault
Pour lutter contre les féminicides, François Legault a mis sur pied un comité qui se penchera dans les prochains mois sur le problème de l’heure pour son gouvernement. Si les premiers pas son encourageants, la tâche est immense, souligne la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF).
«Je vais prendre le dossier en main, moi-même.» – François Legault, premier ministre du Québec
En 2020, le gouvernement Legault avait déposé un budget prépandémique doté d’une enveloppe de 120 M$ pour le financement des maisons d’hébergement pour femmes. Déjà, la FMHF affirmait que cette somme ne répondait qu’au quart de ses besoins.
À la fin mars, le ministre québécois des Finances, Eric Girard, déposait son troisième cahier financier. Le budget 2021-22 compte 22,5 M$ de plus que l’année précédente pour les services de soutien aux femmes victimes de violence.
L’enveloppe est encore bien mince, estime la directrice générale de la FMHF, Manon Monastesse. Surtout que les sommes prévues l’an dernier viennent tout juste d’arriver dans les organismes.
Mais l’espoir point à l’horizon, affirme Mme Monastesse. À une première rencontre organisée la semaine dernière avec le comité gouvernemental sur les violences faites aux femmes, elle a ressenti une «volonté d’accélérer le processus».
Un autre groupe des sept
Dimanche dernier, François Legault a mandaté la vice-première ministre Geneviève Guilbault de chapeauter un groupe de sept élus – dont cinq ministres – qui doit rapidement mettre en place les actions nécessaires pour protéger la santé et la vie des femmes au Québec.
Québec avait procédé de la même manière l’été dernier, lorsque pressé sur les questions de racisme systémique. Son Groupe d’action contre le racisme avait déposé un rapport quelques mois plus tard, lequel doit être appliqué dans les prochaines années par le ministre désormais responsable du dossier, Benoit Charrette.
Or, dans le cas des féminicides, le premier ministre lui-même s’est dit engagé à «prendre le dossier en main», confiait-il sur les ondes du réseau Noovo, la semaine dernière.
Si l’enjeu des féminicides est vaste, l’argent est le nerf de la guerre, convient Manon Monastesse. Sur ce plan-là, les discussions avancent.
«On parle d’un rehaussement beaucoup plus significatif que ce qui a été annoncé», lance-t-elle.
Les sommes serviraient à ajouter des places, oui, mais aussi à attirer les équipes dans les maisons.
«On voit dans le milieu de la santé qu’il y a des étages qui ne sont pas utilisés par manque de personnel. On est dans la même situation, on manque d’effectif.» – Manon Monastesse, directrice générale de la FMHF
Huit en huit
«Pas une de plus.» C’est le message qui a résonné vendredi dernier dans les rues du Québec, alors que des manifestations se sont déroulées aux quatre coins de la province afin d’attirer l’attention des gouvernements sur la multiplication des meurtres conjugaux.
En huit semaines au Québec, huit femmes ont perdu la vie aux mains de conjoints ou d’ex-conjoints violents. Il s’agit de Kataluk Paningayak, Rebekah Harry, Myriam Dallaire, Sylvie Bisson, Nadège Jolicœur, Elisapee Angma, Nancy Roy et Marly Édouard.
Ces huit féminicides dépassent déjà le nombre affiché en 2020. Mais au-delà des meurtres, l’an dernier, 7000 dossiers en violence conjugale ont été ouverts seulement à la Sûreté du Québec.
«On est dans une société qui se dit égalitaire. Comment ça se fait qu’il y ait encore des situations inacceptables comme ça», affirme Mme Monastesse.
Des centaines d’appels à l’action
«Ça doit cesser», martelait la ministre Geneviève Guilbault à la fin du mois de mars. Si elle assure que son gouvernement travaille à éliminer le phénomène, les appels à l’action sont encore nombreux.
En décembre dernier, un comité d’expert chapeauté par les quatre partis représentés à l’Assemblée nationale déposait 190 recommandations sur le bureau du premier ministre.
«Ce rapport-là va nous survivre», avait signifié la ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest.
Parmi les propositions du comité indépendant: la création d’un tribunal spécialisé pour les victimes de violences conjugales et sexuelles, la mise sur pied d’un Bureau de l’Ombudsman québécois des victimes d’actes criminels et l’élaboration d’un processus d’accompagnement psychosocial pour les personnes touchées.
Le document somme par ailleurs le gouvernement de mettre sur pied un poste de ministre responsable de mener à terme ces recommandations. Pourtant, François Legault semble s’être éloigné de cette proposition, optant plutôt pour la création d’un comité gouvernemental.
Le rapport d’expert n’est pas le seul et unique cahier de tâche confié au gouvernement de François Legault. Toujours en décembre dernier, le Bureau du coroner émettait son propre document, dans lequel figuraient près de 30 recommandations.
Le ministère de la Justice apparaît régulièrement dans les appels à l’action parvenus depuis l’an dernier aux oreilles du gouvernement. Début février, le ministre Simon Jolin-Barrette annonçait la mise sur pied d’un groupe de travail censé analyser dans les prochains mois le potentiel d’un tribunal spécialisé en matière d’agressions sexuelles et de violences conjugales au Québec.
Sa collègue à la Condition féminine a elle aussi du pain sur la planche. Les promesses de son Plan d’action spécifique pour prévenir les situations de violence conjugale à haut risque de dangerosité doivent prendre forme dans les cinq prochaines années.