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Top 5 des dirigeants qui ont le plus mal géré la Covid-19

Donald trump masque covid-19
Donald Trump enlève son masque à la Maison Blanche à son retour du centre médical militaire national Walter Reed, le 5 octobre 2020, à Washington, DC. Photo: Win McNamee/Getty Images
Sumit Ganguly, Indiana University; Dorothy Chin, University of California, Los Angeles; Elizabeth J King, University of Michigan; Elize Massard da Fonseca, Fundação Getulio Vargas; Salvador Vázquez del Mercado, Centro de Investigación y Docencia Económicas et Scott L. Greer, University of Michigan - La Conversation

Le Québec se prépare pour son déconfinement, et ce sera bientôt l’heure des bilans, mais à l’international, il est déjà possible de tirer des conclusions sur la gestion de la pandémie de COVID-19 par certaines administrations. Des professeurs en science politique et en santé publique donnent leur avis sur les dirigeants qui ont le plus mal géré la crise.

Par Sumit Ganguly, Indiana University; Dorothy Chin, University of California, Los Angeles; Elizabeth J King, University of Michigan; Elize Massard da Fonseca, Fundação Getulio Vargas; Salvador Vázquez del Mercado, Centro de Investigación y Docencia Económicas et Scott L. Greer, University of Michigan

La Covid-19 est extrêmement difficile à contrôler, et les dirigeants politiques ne représentent qu’une partie de l’équation lorsqu’il s’agit de gérer cette pandémie.

Mais certains dirigeants mondiaux, actuels ou sortants, ont fait peu d’efforts pour combattre les flambées de coronavirus dans leur pays, que ce soit en minimisant la gravité de la pandémie, en faisant fi de la science ou en ignorant les gestes sanitaires essentiels comme la distanciation sociale et le port du masque. Tous les hommes figurant sur cette liste ont commis au moins une de ces erreurs, et certains les ont toutes commises — avec des conséquences funestes.

Narendra Modi, de l’Inde

Sumit Ganguly, Université de l’Indiana

L’Inde est le nouvel épicentre de la pandémie mondiale, enregistrant au mois de mai quelque 400 000 nouveaux cas par jour. Cette statistique, aussi terrible soit-elle, ne rend pas compte de l’horreur qui se déroule dans le pays. Les patients atteints du virus de la Covid-19 meurent dans les hôpitaux parce que les médecins n’ont pas d’oxygène ni de médicaments comme le remdesivir à leur offrir. Les malades sont refoulés dans les cliniques, faute de lits disponibles.

De nombreux Indiens accusent un homme d’être responsable de la tragédie du pays : le Premier ministre Narendra Modi. En janvier 2021, Modi a déclaré lors d’un forum mondial que l’Inde avait « sauvé l’humanité… en contenant efficacement le coronavirus ». En mars, son ministre de la santé a proclamé que la pandémie tirait à sa fin. Dans les faits, la Covid-19 gagnait en intensité en Inde et dans le monde entier — mais son gouvernement n’a rien fait pour parer à d’éventuelles résurgences des cas, comme l’émergence d’un variant plus mortel et plus contagieux.

Alors même que d’importantes zones du pays n’avaient pas totalement supprimé le virus, Modi et d’autres membres de son parti ont organisé des meetings de campagne en plein air avant les élections d’avril. Peu de participants portaient des masques. Modi a également autorisé la tenue, de janvier à mars, d’un festival religieux qui attire des millions de personnes. Les responsables de la santé publique pensent aujourd’hui que le festival a pu être un événement super-propagateur et qu’il s’agit d’une « énorme erreur ».

Alors que Modi vantait ses succès l’année dernière, l’Inde — le plus grand fabricant de vaccins au monde — a envoyé plus de 10 millions de doses de vaccins à des pays voisins. Pourtant, seulement 1,9 % des 1,3 milliard d’habitants de l’Inde avaient été entièrement vaccinés contre la Covid-19 au début du mois de mai.

Jair Bolsonaro du Brésil

Elize Massard da Fonseca, Fundação Getulio Vargas et Scott L. Greer, Université du Michigan

Le président brésilien Jair Bolsonaro ne s’est pas contenté de ne pas réagir à la Covid-19 — qu’il qualifie de « petite grippe » — il a activement aggravé la crise au Brésil.

Bolsonaro a usé de ses pouvoirs constitutionnels pour s’immiscer dans les affaires administratives du ministère de la Santé, telles que les protocoles cliniques, la divulgation des données et l’achat de vaccins. Il a opposé son veto à des textes de loi qui auraient, par exemple, rendu obligatoire le port du masque dans les sites religieux et indemnisé les professionnels de la santé ayant subi un préjudice permanent du fait de la pandémie. Il a également sapé les efforts du gouvernement de l’État pour promouvoir la distanciation sociale et a signé un décret pour permettre à de nombreux commerces de rester ouverts en tant ‘qu’essentiels’, notamment les spas et les salles de sport. Bolsonaro a également fait la promotion agressive de médicaments non éprouvés, notamment l’hydroxychloroquine, pour traiter les patients atteints de la Covid-19.

Bolsonaro a utilisé son poste de président pour influencer le débat autour de la crise du coronavirus, créant un faux dilemme entre la catastrophe économique et la distanciation sociale et en déformant la science. Il a rendu les gouvernements des États brésiliens, la Chine et l’Organisation mondiale de la santé responsables de la crise de la Covid-19 et n’a jamais assumé la responsabilité de la gestion de l’épidémie dans son propre pays.

En décembre, Bolsonaro a déclaré qu’il ne recevrait pas le vaccin en raison de ses effets secondaires. « Si vous vous transformez en crocodile, c’est votre problème », a-t-il déclaré.

La mauvaise gestion de la pandémie par Bolsonaro a créé des conflits au sein de son gouvernement. Le Brésil a vu défiler quatre ministres de la Santé en moins d’un an. Les flambées épidémiques incontrôlées au Brésil ont donné naissance à plusieurs nouveaux variants du coronavirus, dont le variant P.1, qui semble plus contagieux. Le taux de transmission de la Covid-19 au Brésil commence enfin à baisser, mais la situation reste préoccupante.

Alexandre Loukachenko de la Biélorussie

Elizabeth J. King et Scott L. Greer, Université du Michigan

De nombreux pays dans le monde ont affronté la Covid-19 avec des politiques tragiquement défaillantes. Cependant, selon nous, les pires dirigeants face à cette pandémie sont ceux qui ont choisi le déni total plutôt que l’action inefficace.

Alexandre Loukachenko, dirigeant autoritaire de longue date de la Biélorussie, n’a jamais reconnu la menace de la Covid-19. Au début de la pandémie, alors que d’autres pays imposaient des mesures de confinement, Loukachenko n’a mis en œuvre aucune mesure sanitaire pour empêcher la propagation du virus.

Au lieu de cela, il a affirmé que le virus pouvait être évité en buvant de la vodka, en allant au sauna et en travaillant dans les champs. Ce négationnisme a pratiquement laissé le fardeau des mesures préventives et l’aide à la pandémie aux individus et aux campagnes de financement participatif.

Au cours de l’été 2020, Loukachenko a déclaré qu’il avait reçu un diagnostic de Covid-19 mais qu’il était asymptomatique, ce qui lui a permis de continuer à prétexter que le virus n’était pas une menace sérieuse. Le fait d’avoir prétendument déjoué la maladie et d’avoir visité des hôpitaux dédiés à la Covid-19 sans masque a également renforcé l’image d’homme fort qu’il souhaitait donner.

La Biélorussie vient de commencer sa campagne de vaccination, mais M. Loukachenko affirme qu’il ne se fera pas vacciner. Actuellement, moins de 3 % des Biélorusses sont vaccinés contre la Covid-19.

Donald Trump des États-Unis

Dorothy Chin, Université de Californie, Los Angeles

Trump n’est plus en fonction, mais sa mauvaise gestion de la pandémie continuera d’avoir des conséquences dévastatrices à long terme sur les États-Unis — en particulier sur la santé et le bien-être des minorités.

Le déni précoce de la pandémie par Trump, la désinformation continue sur le port du masque et les traitements, ainsi que son leadership incohérent ont nui au pays dans son ensemble — mais le résultat a été bien pire pour certains groupes que pour d’autres. Les communautés de couleur ont souffert d’un nombre disproportionné de contaminations et de décès. Bien que les Afro-Américains et les Latinos ne représentent que 31 % de la population américaine, par exemple, ils comptent pour plus de 55 % des cas de Covid-19. Les membres des communautés amérindiennes ont été hospitalisés 3,5 fois plus et ont souffert d’un taux de mortalité 2,4 fois supérieur à celui des Blancs.

Les taux de chômage sont également disproportionnés. Au plus fort de la pandémie aux États-Unis, ils ont grimpé à 17,6 % pour les Latino-Américains, 16,8 % pour les Afro-Américains et 15 % pour les Américains d’origine asiatique, contre 12,4 % pour les Américains blancs.

Ces écarts considérables ont amplifié les inégalités existantes telles que la pauvreté, la précarité du logement et la qualité de l’enseignement — et continueront probablement à le faire pendant encore un certain temps. Par exemple, alors que l’économie américaine dans son ensemble montre des signes de reprise, les groupes minoritaires n’ont pas fait de progrès équivalents.

Enfin, le blâme de Trump à l’égard de la Chine pour la Covid-19 — qui comprenait des épithètes raciales telles que le fait de qualifier le virus de « kung flu » — a immédiatement précédé une multiplication par près de deux des attaques contre les Américains d’origine asiatique et les insulaires du Pacifique au cours de l’année écoulée. Cette tendance inquiétante ne montre aucun signe d’atténuation.

L’administration Trump a encouragé dès le début le développement du vaccin par les États-Unis, une réalisation dont peu de dirigeants mondiaux peuvent se prévaloir. Mais la désinformation et la rhétorique anti-scientifique qu’il a diffusées continuent de compromettre le chemin vers la sortie de la pandémie aux États-Unis. Les derniers sondages indiquent que 24 % de tous les Américains et 41 % des républicains disent qu’ils ne se feront pas vacciner.

Andrés Manuel López Obrador du Mexique

Salvador Vázquez del Mercado, Centro de Investigación y Docencia Económicas (Centre de recherche et de documentation économique)

Avec 9,2 % de patients atteints de la Covid-19 qui succombent à la maladie, le Mexique détient le taux de mortalité le plus élevé au monde. Des estimations récentes montrent que la pandémie y a fait près de 617 000 morts, soit autant que les États-Unis et l’Inde, deux pays dont la population est pourtant beaucoup plus importante.

Une combinaison de facteurs a contribué aux flambées épidémiques galopantes et prolongées de Covid-19 au Mexique. L’un d’eux est le manque de leadership national.

Tout au long de la pandémie, le président mexicain Andrés Manuel López Obrador a cherché à minimiser la gravité de la situation au Mexique. Au tout début, il a résisté aux appels à décréter un confinement national t a continué à organiser des rassemblements dans tout le pays avant de finir, le 23 mars 2020, par fermer le Mexique pendant deux mois. Il a fréquemment refusé de porter un masque.

Ayant hérité d’une multitude de services de santé sous-financés lors de son arrivée au pouvoir en 2018, Lopez Obrador n’a que très peu augmenté les dépenses liées à la santé pendant la pandémie. Selon les experts, les budgets des hôpitaux sont insuffisants par rapport à l’énormité de la tâche qui leur incombe.

Avant même que la pandémie n’éclate, la politique d’austérité budgétaire extrême de Lopez Obrador — en place depuis 2018 — avait rendu la lutte contre la crise sanitaire beaucoup plus difficile en limitant considérablement l’aide financière liée à la Covid-19 disponible pour les citoyens et les entreprises. Cela a, dans la foulée, aggravé la grave crise économique causée par la pandémie, alimentant la nécessité de maintenir l’économie ouverte toute l’année dernière, en bonne partie pendant la féroce deuxième vague hivernale, dont le Mexique commence à peine à se relever.

Avec, comme résultat, une autre fermeture devenue inévitable : celle de décembre 2020.

Aujourd’hui, le port du masque a gagné en popularité et le Mexique a entièrement vacciné 10 % de sa population, contre 1 % au Guatemala voisin. La situation s’améliore, mais le chemin de la guérison sera long pour le Mexique.

Sumit Ganguly, Professeur émérite de science politique et à la Chaire Tagore sur les cultures et civilisations indiennes, Indiana University; Dorothy Chin, Psychologue de recherche associé, University of California, Los Angeles; Elizabeth J King, Professeur associé en comportement sanitaire et éducation à la santé à l’École de santé publique, University of Michigan; Elize Massard da Fonseca, Professeur adjoint, École brésilienne d’administration publique, Fundação Getulio Vargas; Salvador Vázquez del Mercado, Professeur de recherche, Laboratoire national des politiques publiques, Centro de Investigación y Docencia Económicas et Scott L. Greer, Professeur, Gestion et politique de la santé mondiale et science politique, University of Michigan

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.

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