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Être nazi

Photo du chroniqueur Frédéric Bérard avec titre de sa chronique, In libro veritas
Photo: Métro

CHRONIQUE – Assurer le commentaire politique, par sa définition même, entraîne son lot de commentaires désobligeants, d’attaques persos, de menaces de voie de faits ou de mort. Merci, encore une fois, à la décomplexion offerte par les médias sociaux, lesquels permettent aux losers de tout acabit une nouvelle vocation : celle d’intimider et de harceler à temps plein ou intermittence, à même le doux confort de leur douillet foyer, i.e. le sous-sol de leur maman. Pensée particulière pour toutes mes amies et collègues chroniqueuses qui, en plus de vivre également ce qui précède, se tapent en prime une violence misogyne inouïe, photos de zouizouis non sollicitées à titre de déchéance ultime.

Mais bon. Si Jacques Parizeau disait que «la politique est un mal nécessaire, mais tant qu’à en faire, mieux vaut bien la faire», son commentaire pourrait aisément s’appliquer, sans trop de nuances, au commentaire public. Parce qu’il en va, en quelque sorte, de la richesse et vitalité de notre vie démocratique, de la circulation d’un maelstrom d’opinions pluralistes. En bref, raide, mais névralgique. Je pense. Ou j’espère, plutôt.

Après une dizaine d’années assis dans le wagon du manège médiatique, pas de doute qu’un chroniqueur en a vu de toutes les couleurs. Perso, on m’a d’innombrables fois traiter de gros, de woke, de cheveux sales, de cheveux longs, de reptilien, d’illuminati, de multiculturalisse, de fédérace, de péquisse, de Québec solitaire, d’islamo-gauchisse, de racialiste et autres sympathiques variations sur les mêmes thèmes*. Mention d’ailleurs au fin renard qui, une fois sur la page de TVA, avait rédigé la perle suivante : «Lui, ce p’tit christ-là, on va l’envoyer dans l’État islamique se faire couper la tête, histoire qu’il commence à réfléchir un peu.» J’ai voulu lui rétorquer que son commentaire constituait un oxymore, avant de me raviser. Remarquons que le Québec n’est pas, malheureusement, la seule terre promise côté bêtise. Pour avoir chroniqué quelques temps en France, dans les pages du magazine Le Point, je confirme que la violence du propos est en tous points, justement, similaire à ce qui se vit ici, fautes d’orthographe et syntaxiques en moins.

C’est ainsi qu’après avoir pensé avoir tout lu, vu et entendu, la vie devait me réserver une belle surprise. À la suite de ma chronique qui en appelait à la reconstruction des ponts avec les anti-vaccins, v’là tu pas le feu qui, non sans ironie, repend dans la grange. Sur la page Facebook du Métro, après plusieurs commentaires d’une désobligeance assez spectaculaire, un dénommé Stéphane Bolduc allait sortir la balle du parc. Il écrit, en parlant de moi : «Un autre SS qui aurait volontier [sic] gazer les juifs supposément porteurs d’un virus. La même propagande médiatique en plus.»

Être un nazi. J’étais, et suis encore, un brin sous le choc. Parce que si, comme je l’expliquais plus haut, la carapace est indubitablement nécessaire à l’activité médiatique, celle-ci, du moins la mienne, n’est pas sans failles. Un nazi, moi, sérieux? Certains des collègues de combat de Bolduc semblaient d’accord avec lui : en tant que traître, Nuremberg m’attend, question de temps, dans le détour.

Nazi, assetie. Parce que je défends l’idée de la vaccination. Celle défendue par l’ensemble de la science. Celle éprouvée. Celle faisant figure de clef de voûte. Wow. Juste wow.

Sur le cul, l’effort permettant de comprendre leur adéquation m’appert trop exigeant. Des victimes de la Shoah du fait qu’on leur refusera, incessamment, l’accès aux restos, cinémas et autres trucs ludiques? Comment un cerveau humain, même crissement limité, puisse-t-il en arriver à une telle bêtise sans nom? Ont-ils idée de la méchanceté, pure et simple, que revêt leur assertion pour la communauté juive ou quelconque humaniste?

Avec ma fille, je devais visiter Auschwitz, pour un reportage, en 2018. Encore ébranlés. Vu, de nos yeux, et senti, de nos trippes, la monstruosité de l’enfer humain.

Un nazi, moi. Re-assetie.

Quelques jours plus tard, une association du Parti conservateur de Duhaime confirmait ma crainte : celle que l’idée d’une Shoah sanitaire fasse son chemin. On y voit Legault, en führer. Le sang me tourne.

La publication a été retirée depuis, merci au droit à la diffamation applicable, sinon au sens commun. Reste toutefois le pathétique constat suivant: à force de réconforter ses militants-bozos dans leurs bêtises, le chef a créé, à l’instar de populistes avant lui, un monstre. Hideux. Inhumain. Insensible.

Pendant longtemps, plusieurs traitaient Éric Duhaime de clown. Pas faux. Sauf qu’à la suite de recherches, il en existe trois types : des drôles, des tristes, et des épeurants. Le politicien en est aujourd’hui rendu à personnifier, manifestement, le troisième type.

* Je ne suis pas gros.

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