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Pénurie de professeurs: «on ne devient pas enseignant du jour au lendemain»

Photo: iStock, Ridofranz

«Me fier à l’expertise d’un professeur, je n’ai aucun problème. Du moment qu’il l’ait», lâche Sylvain Martel, porte-parole du Regroupement des comités de parents autonomes du Québec (RCPAQ). Celui-ci se dit insatisfait du nombre de classes qui seront dirigées par un enseignant non qualifié.

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, assurait la semaine dernière qu’il y aurait un enseignant pour chaque classe. À quelques jours de la rentrée scolaire, il restait encore 700 postes à pourvoir, selon le ministère. Sans parler du fait que, parmi les postes officiellement pourvus, le gouvernement fait appel à un nombre croissant de professeurs «non légalement qualifiés». Cette situation suscite l’inquiétude grandissante de parents et du personnel éducatif quant à la qualité de l’éducation donnée.

«Il n’y aura pas un enseignant par classe», déplore Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissements d’enseignement (FQDE).

«Il va y avoir un adulte. Dans une majorité de cas, ce sera un enseignant, mais ce sera parfois une technicienne, un surveillant», souligne-t-il.

Il manquait près de 4000 enseignants qualifiés lors de la rentrée 2021. Ce chiffre comprend les postes non pourvus et ceux pourvus par des enseignants non qualifiés. Et la situation ne sera pas meilleure cette année, prévient la FQDE. Les directeurs d’écoles s’attendent plutôt à ce qu’elle empire. Certaines personnes recrutées pour donner les cours dans les écoles du Québec ne disposent que d’un simple baccalauréat.

Oui, c’est un motif d’inquiétude pour nous. On ne devient pas enseignant du jour au lendemain, ce serait malvenu que de dire que le service est optimal.

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissements d’enseignement (FQDE)

Plus de ressources pour les élèves, demandent des parents

Depuis le mois de juin, le ministère de l’Éducation aurait reçu plus de 6000 candidatures dans le cadre d’une vaste campagne de recrutement. Cela n’a cependant pas suffi à pourvoir les postes vacants, juge M. Prévost. Cela ajoutera par ailleurs une pression supplémentaire sur les professeurs qualifiés, qui «devront prendre sous [leur] aile» les nouveaux venus. Conséquence: certains services et ressources seront sacrifiés pour que le personnel puisse se concentrer sur l’enseignement en classe.

«Très souvent, ces [enseignants non qualifiés] sont laissés à eux-mêmes. On aimerait avoir plus de tuteurs et de mentors, mais il faut privilégier le service de base. Il y a beaucoup de chemin à faire», estime M. Prévost.

Le RCPAQ s’inquiète de la raréfaction de ces ressources, notamment pour les élèves en difficulté. D’après le regroupement, il faudrait offrir une évaluation individuelle à chaque élève, pour s’assurer que la pandémie n’en a pas laissé certains derrière.

On parle de normalité sanitaire, on apprend à vivre avec le virus. Mais la normalité pédagogique, on n’y est pas.

Sylvain Martel, porte-parole du Regroupement des comités de parents autonomes du Québec (RCPAQ)

«Il y a des élèves qui ne sont pas capables d’atteindre leur plein potentiel, car ils n’ont pas eu les outils», estime Sylvain Martel. «Ajoutez à ça le fait qu’un prof avec certaines expériences ou expertises devrait être capable d’identifier ce dont on a besoin. Mais là, on nous dit qu’une partie du corps enseignant n’est pas qualifiée, même si ce n’est pas beaucoup. Tout le monde doit recevoir un enseignement de qualité», insiste le porte-parole du RCPAQ.

M. Martel croit par ailleurs que les impacts sur l’éducation des jeunes Québécois pourraient s’accumuler sur le long terme. Il estime en outre que le ministère de l’Éducation, par son inaction, ferait ainsi baisser la barre des exigences.

Un métier trop peu attractif

Dans un courriel envoyé à Métro, le cabinet du ministre de l’Éducation précise que «les centres de service scolaires sont à pied d’œuvre pour placer leurs ressources humaines jusqu’à la rentrée des élèves».

«En aucun temps la qualité de l’enseignement aux élèves ne sera négligée. L’éducation est une priorité pour notre gouvernement, c’est d’ailleurs pourquoi de nombreuses actions sont mises en place pour soutenir les enseignants en voie de compléter leur formation», répond M. Roberge. Ce dernier rappelle la création de trois nouveaux programmes de maîtrise qualifiante pour les futurs professeurs, ce que salue par ailleurs Nicolas Prévost.

Le gouvernement de la CAQ a également mis en place un programme de mentorat de 5 M$ et bonifié l’encadrement des stagiaires en formation à l’enseignement avec une enveloppe de 3,6 M$.

Xavier Watso, professeur de théâtre au secondaire, croit que c’est loin d’être suffisant. Selon lui, le gouvernement devrait rendre la profession plus attractive. Une requête également formulée par la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) ce lundi. Les conditions de travail, particulièrement le salaire, seraient insuffisantes pour favoriser la rétention du personnel. Le professeur de théâtre appelle aussi à la diminution du nombre d’élèves dans les classes.

«Il faudrait aussi augmenter les services périscolaires et d’autres corps de métiers pour aider à délester les enseignants. L’éducation est tellement malmenée que ce qu’il faudrait, ce n’est pas de faire un 180 avec le bateau, c’est d’en acheter un nouveau», illustre Xavier Watso.

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