Demande d’asile: un imbroglio administratif
Plus de 95 252 personnes ont pris le chemin Roxham en provenance des États-Unis pour se rendre au Canada entre 2017 à 2022 en vue d’y demander l’asile pour des raisons politiques, d’orientation sexuelle, menace à la vie et autres motifs prévus dans la Convention de Genève.
Mais une fois à ce point de passage irrégulier de la longue frontière entre les deux pays, comment cela se passe pour quelqu’un qui cherche la protection et une vie meilleure? Une fois interceptée par un policier de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), la personne se voit remettre trois formulaires (un générique sur son identité, un sur ses antécédents judiciaires et un dernier sur son parcours migratoire).
Actuellement, le demandeur doit lui-même remplir les documents sur Internet. «Dans de rares cas, s’il n’y a pas d’affluence ce jour-là et à la discrétion de l’agent d’immigration, ce dernier peut aider le client à remplir les formulaires», nous explique le directeur de Vision max services, une firme de consultants en immigration, François Jean-Denis.
Sinon, après vérification, l’agent laisse entrer le demandeur en lui fixant automatiquement un rendez-vous dans un an avec un fonctionnaire d’immigration qui prendra en charge son dossier à un bureau interne d’Immigration Canada. Cependant, afin de réduire ce temps, le demandeur doit, le plus tôt possible, assurer un suivi sur le Portail du site d’Immigration Canada afin de pouvoir raccourcir ce délai.
Malgré que ce soit relativement simple, certains y font des erreurs banales, et prolongent du même souffle les délais.
François Jean-Denis, consultant en immigration
Si tout fonctionne sur le Portail, le demandeur aura à ce moment-là un rendez-vous plus rapidement avec l’agent d’immigration qui sera responsable de son dossier. Notons que s’il les remplit mal, les formulaires lui seront retournés, d’où des prolongations de délais.
L’aide financière
- Le demandeur d’asile peut produire, dès son arrivée par le chemin Roxham, une requête d’aide financière de dernier recours auprès du gouvernement du Québec, qui se fait rembourser par Ottawa.
- Toutefois, il peut s’écouler environ deux mois avant qu’il reçoive l’argent, mais les demandeurs sont logés en attendant (souvent à l’hôtel) et sont pris en charge par le gouvernement fédéral. Ils ont aussi accès au Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI).
- Le montant pour une personne seule est de 775 $, et de 1122 $ pour un couple sans enfants. Un couple avec deux enfants peut recevoir jusqu’à 1400 $.
- Parce que les demandeurs d’asile n’ont pas d’histoire de crédit au Canada, souvent, les propriétaires des maisons leur réclament le paiement de deux mois de loyer au moins.
Travailler, c’est trop long
C’est lors de cet entretien que la recevabilité de sa demande sera étudiée et qu’il se fera remettre le «Document du demandeur», qu’on appelle aussi le «papier brun». Ces étapes sont préalables à l’obtention d’un permis de travail, même si la demande se fait automatiquement lors de son entrée au Canada. «La plupart des demandeurs doivent attendre parfois jusqu’à six mois avant de le recevoir», fait remarquer M. Jean-Denis, consultant en immigration, depuis 18 ans. Et tant que sa demande n’aura pas été jugée recevable, la personne ne recevra pas le permis, note le consultant.
Or, les délais sont occasionnés par toute sorte de facteurs. Souvent, le demandeur qui n’arrive pas à trouver un avocat ou un consultant et qui remplit les formulaires se les fait retourner. Et en raison du nombre très élevé de demandes, le temps de traitement s’allonge de jour en jour.
Malgré la mise sur pied par Ottawa à la demande de Québec, en novembre 2022, d’une «politique d’intérêt public temporaire» en vue d’accélérer le processus, dans les faits, les demandeurs d’asile attendent encore des mois avant de pouvoir travailler. Or, l’aide financière de dernier recours ne leur permet pas de s’en sortir.
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