Sanctions contre des personnalités haïtiennes: le Canada fait cavalier seul
Pour aider à dénouer la crise sécuritaire et politique en Haïti, le Canada opte pour des sanctions contre les élites économiques et politiques du pays. Mais la communauté internationale, notamment les Américains, n’adhère pas à l’approche d’Ottawa sur la question.
Près d’une vingtaine de politiciens et hommes d’affaires sont actuellement sous le régime des sanctions canadien en raison de leur lien avec des bandes criminelles. Du côté américain, le département du Trésor a pris des mesures conservatoires contre seulement cinq personnes jusqu’à présent. Une situation qui a fait l’objet d’une rencontre récemment entre le premier ministre Justin Trudeau et le conseiller spécial pour les Amériques du président Joe Biden, le sénateur Chris Dodd.
L’une des choses que nous demandons aux Américains pour l’instant, c’est de nous suivre dans la mise en oeuvre de ces sanctions.
Emmanuel Dubourg, député libéral de Bourassa, d’origine haïtienne, en entrevue avec Métro
Au total, 18 personnes sont sous sanctions canadiennes, dont deux anciens présidents haïtiens, Joseph Michel Martelly et Jocelerme Privert.
«Nous n’emboîtons le pas de personne»
«Les Américains nous disent qu’ils regardent en fonction de leur loi et de leurs stratégies à eux», a ajouté le député Dubourg, lorsque nous lui avons demandé si Washington avait répondu à la demande d’Ottawa. Les Européens ont adopté une attitude semblable à l’approche canadienne.
Questionné au sujet des sanctions canadiennes au micro de Radio France Internationale (RFI), l’ambassadeur de Paris à Port-au-Prince, Fabrice Mauriès, a dit: «Nous n’emboîtons pas le pas de personne. Nous avons nos propres analyses, nos propres bases de renseignements.» Le diplomate prône la mise en application de sanctions à travers la résolution 2653 de l’ONU, adoptée le 21 octobre 2022.
Si les sanctions restent canadiennes, elles échoueront.
Fabrice Mauriès, ambassadeur de France en Haïti
Le diplomate français appelle également à une implication soutenue de la justice haïtienne dans le processus. «Il faut que les sanctions soient appropriées par le système judiciaire haïtien, a-t-il plaidé. Il ne faut pas qu’elles restent le résultat d’une action étrangère à Haïti.»
«Les sanctions canadiennes nous aident»
En entretien avec la radio Voix de l’Amérique, le premier ministre haïtien, Ariel Henry, a vanté les bienfaits des sanctions canadiennes. Il a indiqué que ces mesures ont eu pour effet de calmer un peu la situation. «Les sanctions nous aident. Elles font que la situation change un petit peu sur le terrain. Une sanction qui permet une meilleure atmosphère de sécurité et de dialogue entre nous est une bonne chose», a-t-il dit.
Par cette approche, Ottawa croit qu’il réussira à faire pression sur la classe politique afin de trouver un large accord politique qui pourrait conduire le pays vers des élections. Il n’existe, à l’heure actuelle, plus aucun élu au pays et le mandat de l’actuel premier ministre est contesté.
Le 21 décembre 2022, ce dernier a signé un accord politique avec certains groupes de la société civile et des formations politiques. Or, celui-ci est loin d’être suffisant, selon Justin Trudeau. «Lors de sa rencontre avec le premier ministre haïtien Ariel Henry, en marge du 44e Sommet de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), le premier ministre Trudeau le lui a dit clairement qu’il aimerait voir un groupe beaucoup plus large», a révélé le député de Bourassa, Emmanuel Dubourg.
Par ailleurs, une délégation de la CARICOM doit incessamment visiter Haïti dans le but d’aider les acteurs à élargir cet accord.