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Bienvenue dans mon boy’s club

La chicane a pogné en fin de semaine entre Marie-Christine Lemieux-Couture et le rédacteur en chef du Voir Simon Jodoin. Après avoir donné sa démission au Voir, la blogueuse a publié une lettre sur le site Jesuisféministe.com dans laquelle elle explique la raison de son départ par un certain nombre de malaises, lettre à laquelle Simon Jodoin a répondu ici.

Entretemps, Tania Longpré s’en était mêlé en prenant le débat sous l’angle des quotas. Cette réponse de Tania Longpré est typique d’un féminisme de privilégiées selon lequel «je suis une femme, j’ai réussi, donc il n’y a pas de problèmes». Le fait que les femmes soient sous-représentées dans les médias ne serait que le fruit de leur manque d’intérêt. Personnellement, je suis capable de reconnaître que j’ai un immense privilège de pouvoir m’exprimer dans cette chronique sans pour autant nier le fait qu’hommes et femmes ne partent pas de la même ligne de départ dans plusieurs domaines encore. Les barrières systémiques à l’accès de positions de pouvoirs par les femmes sont bien documentées. Par exemple, les critiques à leur endroit sont souvent plus sévères et les attentes, plus élevées.

Ça ne fait pas de moi non plus une fervente des quotas. Pour info, on peut être féministe sans revendiquer de faire une place «forcée» aux femmes, et je mets «forcée» entre guillemets parce que je respecte aussi celles qui croient qu’on devrait favoriser l’embauche de femmes à compétences égales pour pallier une iniquité systémique. Mais selon moi, la discrimination envers les femmes, plus souvent inconsciente en 2014, trouve ses racines dans des facteurs plus profonds, comme la socialisation genrée des enfants. Pour résumer, dès leur plus jeune âge, les jeunes garçons sont encouragés à s’extérioriser alors qu’on attend des jeunes filles qu’elles soient sages. Et que pour contrer ça, il faut travailler en amont et non une fois que la femme a franchi toutes les barrières qui auraient pu lui enlever le goût de devenir ingénieure ou politicienne, mettons.

Ce qui me ramène au boy’s club. Je ne crois pas qu’isolément, le Voir, le Festival d’Internet à Alma (FIA), trouble.voir et les individus qui le composent soient coupables de quoi que ce soit. Ces espaces publics, qui font partie du malaise de Marie-Christine Lemieux-Couture, ne sont que symptomatiques de ce qui est décrié de manière générale, à savoir qu’ils constituent des boy’s club. La blogueuse l’exprime d’ailleurs assez bien (et assez respectueusement) dans son texte: «Comprenez-moi bien, je ne suis pas en train de dire que qui que ce soit est macho ou misogyne ici», écrit-elle.

Dans sa réponse, Simon Jodoin explique que Voir donne la place aux filles et que le projet trouble.voir n’est pas «exclusif aux garçons» et que «les filles y sont évidemment bienvenues». Par souci de transparence, je dois dire que je fais partie des filles qui ont été invitées à collaborer à trouble.voir dans le cadre d’une capsule sur le féminisme, justement, et que ça s’est bien passé. J’aurais envie de dire que moi c’est pas pareil, parce que je suis habituée d’endurer les commentaires hostiles, mais c’est pareil, au fond. Mais donner la place aux filles, ce n’est pas prouver qu’on n’est pas un boy’s club. C’est juste être admissible à un minimum de respectabilité.

Un boy’s club, c’est évidemment plus subtil. C’est un lieu qui, bien qu’il dise faire de la place aux femmes, rend les conditions d’accès hostiles à ces dernières. Par exemple, en balayant du revers de la main toute critique féministe, en ridiculisant les préoccupations des femmes d’un coup de «roulez jeunesse» ou en banalisant les gestes sexistes.

Vous pourrez dire que ces conditions d’accès n’ont pas empêché Marie-Christine Lemieux-Couture d’écrire au Voir, mais elles l’ont empêchée de s’y sentir suffisamment confortable pour y rester.

Par contre, il ne faudrait pas faire du Voir le seul vecteur de ce boy’s club de l’internet. L’internet dans son ensemble est, plus souvent qu’autrement, hostile aux femmes. Le Voir ne fait que s’inscrire, comme d’autres médias qui s’adaptent au web et en particulier aux médias sociaux, dans cette culture.

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