Celui qui le dit c’est lui qui l’est
La semaine dernière, Pierre Karl Péladeau – avec ou sans excuses – a mis le doigt sur quelque chose : en effet, l’immigration met en péril le projet d’indépendance du Québec. Cela étant dit, avant que la chicane ne pogne d’aplomb sur cette page, permettez-moi de retourner la pierre à celui qui l’a lancée en premier…
C’est un participant à la tribune nocturne que j’anime à la radio qui a fait le focus sur un fait qu’on ne souligne jamais. Venu du Cameroun il y a trois ans et constatant que la question constitutionnelle pose problème ici depuis longtemps, il se demandait pourquoi les leaders du PQ ne faisaient jamais la promotion de la souveraineté en exposant les avantages qu’apporterait une éventuelle séparation. «Je veux savoir de quoi il en retourne pour me faire une tête, mais personne n’explique rien au sein de cette formation!» Je suis tellement d’accord avec lui. E-x-p-l-i-q-u-e-r. Comme dans «décortiquer», «élaborer» et, surtout, «convaincre». À quand remonte la dernière fois où vous avez entendu un pédagogue de la souveraineté prendre le temps d’articuler l’idée de l’indépendance afin de convertir les sceptiques? Mis à part quelques rares leçons données par Jacques Parizeau, on doit presque remonter au temps des Lévesque, Bourgault… Du coup, ça laisse aussi entendre que quiconque âgé de moins de 35 ans – né ici ou ailleurs – ne s’est jamais fait servir un exposé solide sur la question de son vivant. Après, on s’étonnera de voir toujours tant de cheveux gris qui se font aller dans les congrès de l’aile jeunesse du parti…
Il est là, le problème avec les leaders souverainistes. Ils ont l’air de tenir pour acquis que tout le monde a été vacciné avec une dose de souveraineté à la pouponnière et que le travail est fait. Pas de prospection à faire, pas d’explications à donner, rien – crois ou crève, pis vote.
Remarquez que les fédéralistes n’ont aucune leçon à donner à qui que ce soit sur cet aspect. Assis sur le statu quo, leur meilleur argument pour pousser l’union canadienne semble éternellement se résumer à:
«Ça marche de même, pis pourquoi ça changerait!» Brillant et profond. Profond comme dans le plus creux…
Donc, pour en revenir au questionnement du départ, est-ce que l’arrivée de néo-Québécois peut menacer le projet souverainiste? La réponse est oui, tout à fait. Tant que les souverainistes ne feront rien pour aller les chercher et pour les convaincre du bien-fondé de leur ambition, cette situation sera invariable. Et la faute n’aura pas été celle des immigrants, mais bien de ceux et celles qui les ont perçus uniquement comme étant d’office des adversaires plutôt que des adhérents potentiels.
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Un souvenir récurrent du procès de l’ex-juge Jacques Delisle: l’image d’un homme qui s’approche jusqu’à ça de la lentille d’une caméra sans dire le moindre mot avec un regard on ne peut plus menaçant. À chaque fois qu’on repasse cet extrait, je me demande toujours: «Mais qu’est-ce qui lui passe par la tête, celui-là?» Après avoir vu son entrevue à l’émission Enquête à Radio-Canada, je me pose toujours la même question…