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Relation tendue entre manifestants et journalistes

Photo: Yves Provencher/Métro

Alors que les manifestations se succèdent, plusieurs manifestants se montrent méfiants envers les journalistes, et la couverture médiatique de ces événements devient parfois difficile.

«Je pense que la conjoncture fait en sorte qu’on a l’impression d’être victimes d’une campagne de salissage. On a souvent vu depuis 2012 de la désinformation dans les médias, avait dit Fannie Poirier, la militante du comité Printemps 2015 au cours d’une conférence de presse le 1er avril. Il y a une méfiance grandissante de la part de la base militante quant à la couverture réelle qu’on voit de nous dans les médias.»

Mme Poirier répondait alors à une question concernant les journalistes qui avaient été bousculés par des manifestants lors d’une marche le soir du 24 mars. Elle avait alors affirmé qu’il était «déplorable» que les journalistes soient victimes de harcèlement. Elle avait par contre reconnu l’existence d’une frustration des manifestants envers les médias.

«C’est difficile de voir [dans les médias] une vraie analyse politique de fond des questions qu’on martèle, des raisons politiques pour lesquelles on se retrouve dans la rue.» – Fannie Poirier, militante du comité Printemps 2015

Une frustration que ressent Sophie Labelle, étudiante et activiste trans impliquée dans le mouvement étudiant actuel.

«De manière générale, il y a un biais en faveur des forces policières et de la répression. Par exemple, dans la couverture qu’il y a eue de l’occupation [du pavillon J.-A. DeSève de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) mercredi soir], il n’y a que le vandalisme qui a été couvert, sans qu’on parle des causes de l’occupation, juge-t-elle. C’est ce qu’on vit au jour le jour, et c’est normal qu’il y ait une certaine amertume qui se soit développée par rapport aux journalistes.»

Selon Pascale Dufour, directrice du Centre de recherche sur les politiques et le développement social à l’Université de Montréal, le message anti-austérité pourtant «très simple» des manifestants ne trouve pas d’échos dans la couverture médiatique.

«C’est un message qui ne passe pas, qui n’est pas accepté, qui n’est pas considéré comme légitime. Il n’a pas de résonance dans les médias. Je pense que c’est un vrai problème de couverture médiatique», a-t-elle dit à Métro.

Mme Dufour a ajouté que les médias n’accordent pas la même couverture aux étudiants qu’ils offrent aux syndicats, par exemple. «Quand ce sont des syndicats, ça passe. Mais parce que ce sont des étudiants, et qu’il n’y a pas des mesures directes qui ont été annoncées – il y a des mesures en éducation, évidemment, mais qui ne concernent pas directement les étudiants – on ne leur donne pas la légitimité de protester contre des mesures d’austérité qui touchent tout le monde», a-t-elle tranché.

Résultat : sur le terrain, le travail des journalistes devient parfois ardu. Des manifestants refusent de parler aux médias, des photographes se font bousculer et des journalistes se font expulser du lieu d’un événement de protestation par des manifestants, une situation que déplore la présidente de la Fédération des journalistes du Québec (FPJQ), Lise Millette.

« Il faut rappeler aux manifestants que la liberté de la presse découle de la liberté d’expression. Si tout le monde se disait Charlie au début de l’année… se dire Je suis Charlie, ça ne veut pas dire au mois d’avril de taper sur des journalistes.» -Lise Millette, présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec

«On peut être en désaccord avec une couverture journalistique, mais ça ne justifie en rien d’agresser ou d’intimider des journalistes, a-t-elle martelé, ajoutant que certains manifestants semblent ne pas comprendre le travail de journaliste. Les journalistes sont pris entre l’arbre et l’écorce, [entre] les policiers et les manifestants. Selon ce qui est rapporté, à ce moment là, on devient des antagonistes ou bien des sympathisants. Le journaliste n’a pas, par définition, à prendre de position dans un conflit.»

Selon Mme Millette, on voit souvent ce genre de réaction envers la couverture médiatique lorsque les enjeux sont polarisants.

«Ce qui vient brouiller les choses, c’est quand les gens sont vraiment campés. À ce moment-là, si le journal n’est pas le reflet direct de ce qu’on revendique, nécessairement le travail est mauvais. On voit la même chose en politique. Souvent les politiciens disent que les journalistes couvrent tout croche le budget parce qu’on n’est pas la courroie de transmission directe du gouvernement. Les journalistes ne sont pas une courroie de transmission», conclut-elle.

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