Sur tous les fronts
Avoir du front tout le tour de la tête, voilà ce qui est à la mode ces temps-ci. Tu veux posséder telle affaire, tu la prends. Tu as envie de faire quelque chose, pourquoi donc t’en empêcher? Peu importe que ça soit décent et, surtout, peu importe si ça va à l’encontre du consensus social. Bienvenue à l’ère du «Pourquoi se priver?», rien qu’à piger allègrement dans le buffet pendant qu’il en reste. Vas-y, fonce, ne te retourne pas pour savoir si tu as froissé quelqu’un et ne te soucie pas davantage des regrets qui pourraient un jour surgir. Ici, c’est archi-connu, personne ne tient rigueur à qui que ce soit et notre bonasserie dépasse tout entendement.
Pensons aux dirigeants des commissions scolaires ainsi qu’aux cadres dans le réseau des CPE. Rien ne semble les retenir quand vient le temps d’organiser des colloques dans les meilleurs hôtels situés dans les plus coquettes villes avec des ateliers de rigologie ou autres activités relaxantes du genre au programme. Pas même cette période d’austérité à laquelle tout le monde est supposé être soumis présentement. Imaginez le portrait s’il fallait qu’un jour, ces fonctionnaires en mal de contacts soient pris pour organiser une rencontre dans une simple salle de réunion à Drummondville avec une chaleureuse poignée de main en guise d’exercice du matin.
Avoir du front tout le tour de la tête, c’est quand Monique Jérôme-Forget, qui se promène depuis un mois en tournée de promo pour son autobiographie, répète sur chaque tribune qu’elle s’est présentée aux élections de décembre 2008 en sachant fort bien qu’elle allait démissionner quelques mois plus tard. En omettant bien sûr d’ajouter qu’elle avait ainsi entraîné une dépense parfaitement honteuse de plus d’un demi-million de dollars pour l’organisation d’une élection complémentaire afin de combler son siège laissé vacant quelque 180 jours après le scrutin général.
Et que dire de ceux qui ont du front tout le tour de la Tour. Comme les dirigeants de l’information de la grande tour de Radio-Canada qui, au moment où des coupes sauvages entraînent la suppression de plusieurs postes au sein de la société d’État, persistent à déplacer des équipes complètes sur les lieux de divers événements. Comme si c’était obligatoire de livrer des bulletins de nouvelles en direct, alors que des duplex avec des correspondants fort efficaces et déjà sur place seraient amplement suffisants.
Vous avez d’autres exemples à soumettre? Allez-y, ce n’est pas la place qui manque. De mon côté, c’est seulement l’envie de me mettre un peu plus en maudit qui commence à faire défaut…
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À lire: Une histoire du RIN de Claude Cardinal chez VLB éditeur. On y relate la genèse du mouvement indépendantiste québécois, de 1959 à 1968. Une lecture que l’on recommande fortement aux militants du PQ qui sont à la veille de choisir leur nouveau chef. Rien de tel que de savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on s’en va.
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Entendu: All from hello, le nouveau disque du Montréalais d’adoption Ben Wilkins. Disponible depuis quelques semaines, sachez que la chose est une magistrale leçon de pop. Faute de l’entendre tourner nulle part, faites le tourner vous-même dans vos têtes, c’est trop bon.