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Je me souviens de 1995: la jeunesse au cœur des débats

Le premier ministre Jacques Parizeau à vélo avec des jeunes péquistes. À droite, le président de l’aile jeunesse, Éric Bédard. Photo: Collection personnelle d’Éric Bédard

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La lutte qui a opposé les camps du Oui et du Non en octobre 1995, lors du deuxième référendum sur l’indépendance, a laissé une trace indélébile dans la mémoire collective des Québécois. Vingt ans plus tard, Métro a parlé à des témoins importants de la campagne afin de revivre la fièvre référendaire dans une série d’articles qui sont publiés tout au long du mois. Aujourd’hui, retour en arrière avec les anciens présidents des ailes jeunesse péquiste et libérale.

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Les jeunes souverainistes étaient partie prenante de la stratégie référendaire du camp du Oui. Pour l’ancien premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, l’adhésion des jeunes à la cause indépendantiste était «une obsession», se rappelle l’historien Éric Bédard, qui a assuré la présidence du Comité national des jeunes (CNJ) du Parti québécois (PQ) en 1995. Il a colligé ses souvenirs dans un livre qui a été lancé le mois dernier, Années de ferveur 1987-1995.

«[La mobilisation des jeunes], c’est une des choses qui a rendu [M. Parizeau] le plus fier, mentionne M. Bédard. Quand il rentrait dans une salle remplie de jeunes, il disait à ses gardes du corps de rester en retrait. Il voulait sentir l’énergie.»

Devant cette ouverture du premier ministre, le CNJ a pu acquérir un peu de pouvoir en devenant «le véritable représentant des jeunes auprès du parti». Son président a siégé à l’exécutif national, et les jeunes péquistes – plutôt que l’ensemble des péquistes – ont pu choisir les membres du CNJ.

Les jeunes libéraux n’étaient pas en reste. La Commission-Jeunesse du Parti libéral, coalisée aux jeunes libéraux fédéraux et aux jeunes progressistes-conservateurs, disposait d’un siège au comité du camp du Non. «On avait notre place à la table des grands et une énorme liberté d’action», précise le président des jeunes libéraux de l’époque, Claude Éric Gagné.

Quand les jeunes péquistes se lancent dans la campagne, ils ont un certain rattrapage à faire puisque leurs collègues libéraux avaient été très actifs pendant les discussions constitutionnelles entourant l’accord du Lac-Meech. C’est ainsi qu’au cours de l’été 1995, une tournée à vélo a été organisée par le CNJ.

Ironiquement, Claude Éric Gagné se souvient très bien de cette tournée à vélo. «Nous, on avait fait notre tournée en voiture. On essayait donc d’arriver dans les villes avant eux. Quand on savait qu’ils arriveraient quelque part le mercredi, épuisés de leur trajet à vélo, on essayait d’y être dès le mardi, frais et dispos», raconte-t-il. Une rivalité naît ainsi entre les deux ailes jeunesse qui se croisent constamment sur le terrain.

Les jeunes péquistes ont aussi proposé une question référendaire, ce qui a soulevé l’ire de la directrice du PQ de l’époque, Monique Simard.

«Je sentais que j’étais au diapason de ma génération. C’était très grisant.» –Éric Bédard, ancien président du Comité national des jeunes du PQ

«Je savais que si j’en parlais [à la permanence], je serais muselé, a dit Éric Bédard. J’en étais sûr et certain. J’avais un mandat de l’exécutif. M. Parizeau a aimé ça, [mais] la permanence n’était pas contente.»

En plus, l’aile jeunesse du PQ a élaboré un projet de Constitution du Québec. Elle recommandait notamment de former une Chambre des régions – M. Parizeau a apprécié l’idée en disant que les députés péquistes pourraient y siéger –, d’instaurer un mode de scrutin proportionnel et d’adopter une Charte des droits et libertés. Même si le premier ministre a beaucoup apprécié cette initiative, ses conseillers et la permanence du parti ont interdit au CNJ de la rendre publique, à quelques semaines du référendum.

«C’était une décision stratégique, explique M. Bédard. J’étais déçu, mais je me suis rangé en bon soldat. M. Parizeau a sans doute été de bonne foi, mais ses conseillers lui ont dit qu’il y avait des dangers et que le timing n’était pas bon. J’étais fier du texte.»

Si une majorité des jeunes de 18 à 34 ans étaient à l’époque en faveur de la souveraineté du Québec (51% Oui contre 38% Non, selon un sondage CROP publié le 26 octobre), c’est que les arguments identitaires, plutôt que ceux touchant le portefeuille, les ont convaincus de voter en faveur de la souveraineté, croit Éric Bédard. Malgré tout, beaucoup d’étudiants des universités anglophones s’étaient mobilisés pour le Non, se souvient Claude Éric Gagné.

Durant la campagne référendaire, une trentaine de débats opposent MM. Bédard et Gagné dans les cégeps. «C’était intense. Il fallait une bonne dose de courage pour rentrer au Cégep du Vieux Montréal avec nos pancartes du Non, mais on le faisait, relate M. Gagné. C’était difficile, mais il n’y a jamais eu d’incidents malheureux.»

Vingt ans plus tard

Métro a demandé à des jeunes à l’aube de la vingtaine ce que signifie pour eux, aujourd’hui, le référendum de 1995.

ACTU - Jeunes - Jean-Michel Laliberté«C’est une occasion manquée pour le Québec de revoir le fonctionnement du Canada et de prendre le contrôle de ses institutions. Le projet d’indépendance est encore pertinent, mais il doit s’accompagner d’un projet de société porteur.» – Jean-Michel Laliberté, étudiant en génie logiciel à l’Université Concordia, 20 ans

 

ACTU - Jeunes - Marie Michel Thermil«Le référendum a soulevé beaucoup de tensions entre le Québec et le reste du Canada, mais j’ai l’impression que les gens se sont calmés depuis. Comparé à plusieurs autres nations dans le monde, nous sommes vraiment bien au sein du Canada et nous sommes capables d’avoir des rapports civilisés.» – Marie Michel Thermil, étudiante en sociologie à l’Université McGill, 21 ans

 

ACTU - Jeunes - Sophie Béland«Le référendum de 1995 représente d’abord la déception et la colère des Québécois-es face à l’échec de l’accord du Lac Meech de 1992. Il représente également un deuxième échec pour la souveraineté. Je crois que le projet est toujours réalisable. Le Québec a le potentiel nécessaire pour être un pays viable et pour rayonner sur la scène internationale.» – Sophie Béland, étudiante, 20 ans

ACTU - Jeunes - Axel Fournier«C’est un événement historique important, fondateur pour la dynamique politique qui a suivi, mais qui n’est plus d’actualité. Le clivage gauche-droite a pris le rôle d’enjeu qui divise aujourd’hui et la souveraineté est davantage un outil qu’une fin en soi.» – Axel Fournier, étudiant au Barreau, 22 ans

 

 

Archives référendaires: semaine 3

Musulmans pour le Oui

«Vous êtes la preuve vivante qu’il n’est pas nécessaire […] d’avoir eu des ancêtres qui ont cultivé des terres à l’île d’Orléans pour être profondément Québécois.» – Bernard Landry, vice-premier ministre du Québec, le 15 octobre à Montréal, devant 400 représentants de la communauté musulmane en faveur de la souveraineté

Les Yvettes, prise 2?
Comme en 1980 avec l’affaire des Yvettes, un débat entourant la condition féminine a été déclenché pendant la campagne référendaire.
• À deux semaines du vote, le chef du Bloc québécois, Lucien Bouchard, s’est interrogé sur le taux de natalité au Québec.
• «Pensez-vous que ça a du bon sens qu’on ait si peu d’enfants au Québec? a-t-il demandé. On est une des races blanches qui a le moins d’enfants. Ça n’a pas de bon sens […]. Ça veut dire qu’on n’a pas réglé les problèmes familiaux.»
• Le camp du Non a vite répliqué. «Si on est séparatistes, on est des bons Québécois, a ironisé le premier ministre canadien Jean Chrétien à la Chambre des communes. Si on est des fédéralistes, on ne l’est pas. Si on est une femme, peut-être qu’on devrait avoir plus d’enfants.»
• Suzanne Marcil, l’épouse du chef du camp du Non Daniel Johnson, a même demandé à la Fédération des femmes du Québec de se dissocier des propos de M. Bouchard. La fédération a refusé, jugeant «la campagne de dénigrement tout à fait disproportionnée en rapport avec les propos tenus par M. Bouchard.»

 

ACTU - RenaudListe électorale: Renaud votera-t-il?
Dans un article paru le 17 octobre 1995, La Presse révèle que le chanteur français Renaud figure sur la liste électorale. On sait qu’il a une maison au Québec. Est-il devenu citoyen canadien? Votera-t-il Oui ou Non? Après enquête, le quotidien découvre qu’il s’agit… d’un canular. Des étudiants admirateurs de l’artiste ont inscrit Renaud sur la liste électorale pour blaguer, soulignant du même coup les failles dans la vérification de l’identité des électeurs.

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