Début des travaux sur l'aide médicale à mourir
OTTAWA – Avant même que ne débutent les travaux du comité spécial sur l’aide médicale à mourir, un des membres de ce comité, le conservateur Gérard Deltell, a remis en question la faisabilité de l’exercice.
Le comité mixte de cinq sénateurs et 11 députés s’est réuni pour la toute première fois lundi afin de se pencher sur ce dossier complexe, alors qu’il doit faire rapport au Parlement le 26 février.
Les membres ont pu poser des questions à des haut-fonctionnaires du ministère de la Justice sur les façons d’aborder la question.
À l’entrée de cette première rencontre, M. Deltell a laissé entendre qu’il sera difficile de respecter l’échéancier imposé par la Cour suprême du Canada (CSC). Il a rappelé qu’il a participé au débat ayant accouché de la loi québécoise sur les soins de fin de vie, à l’époque où il siégeait à l’Assemblée nationale.
«On est des gens qui respectent les institutions. La Cour suprême nous dit de le faire en dedans de quatre mois. On va le faire. Mais je vous rappelle qu’au Québec, ça a été un débat de six ans», a signalé M. Deltell.
En février 2015, la CSC a invalidé les articles du Code criminel qui empêchent un médecin d’aider un patient qui souffre de façon intolérable à mettre fin à ses jours. Les juges avaient alors suspendu l’application de leur décision jusqu’en février 2016, pour laisser le temps aux législateurs d’agir. Vendredi, ils leur ont accordé quatre mois supplémentaires.
M. Deltell ne croit pas que le gouvernement conservateur se soit traîné les pieds entre la décision de la CSC, en février, et le déclenchement des élections, en août.
«Rappelons la réalité, là. (Les juges) avaient fait ça en sachant très bien qu’il y avait une élection fédérale qui avait lieu dans cet agenda-là, a-t-il insisté. À partir du moment où on accepte le principe du fait que c’est un enjeu qui est non partisan, bien c’est clair que les mois de campagne électorale avant, pendant et après sont comme un peu exclus de ce processus-là.»
Le coprésident du comité, le député libéral Robert Oliphant, est de son côté optimiste quant à l’échéancier, compte tenu de l’esprit collaboratif qu’il a perçu au cours de cette première rencontre.
«Je pense que ce n’est pas très partisan», s’est-il félicité à la sortie de la rencontre. Les travaux seront-ils assez rapides pour que le comité puisse faire rapport à la fin de février, comme prévu? «J’espère. Inch’Allah!», a-t-il lancé en riant.
Le comité ne se réunira de nouveau seulement que la semaine prochaine, puisque le caucus du Nouveau Parti démocratique a lieu à Montebello cette semaine.
Membres pro-vie
Si M. Deltell s’est présenté aux travaux de ce comité avec une dose de scepticisme, ses deux collègues conservateurs, Michael Cooper et Mark Warawa, y arrivent avec un certain bagage pro-vie.
M. Cooper a assuré toutefois qu’il y participe en gardant «l’esprit ouvert». Lorsque des journalistes lui ont rappelé que la Campaign Life Coalition l’avait identifié comme un candidat conservateur opposé à l’avortement, M. Cooper a rapidement mis fin au point de presse impromptu.
«Je ne pense pas que l’enjeu (de l’avortement) ait quoi que ce soit à voir avec cet enjeu-ci (soit l’aide à mourir)», a-t-il tranché, en s’éloignant.
Ce groupe pro-vie dénonce pourtant également l’aide médicale à mourir, le qualifiant sur son site Internet de «pente glissante».
Quant à M. Warawa, il avait présenté en 2012 une motion contre les avortements sexo-sélectifs, une démarche perçue par plusieurs comme une façon détournée de ramener le débat sur l’avortement aux Communes. Sa motion n’avait finalement pas été soumise à un vote.
M. Warawa n’a pas voulu partager son opinion sur la décision de la CSC dans le dossier de l’aide médicale à mourir. «Ce n’est pas pertinent. La décision a été prise», a-t-il expliqué.
«La Cour suprême a pris cette décision pour permettre cela au Canada, et alors, notre responsabilité comme parlementaires est de nous assurer qu’il y ait des mesures de précautions dans la législation», a-t-il noté.
Comité externe
Les membres du comité mixte ont par ailleurs reçu une copie du rapport d’un groupe externe. Le document, commandé en juillet par le gouvernement de Stephen Harper, a été rédigé par trois personnes bénévoles — dont le constitutionaliste Benoît Pelletier. Le groupe a remis son rapport en décembre au gouvernement libéral, qui l’a rendu public lundi.
Il a mené des consultations tant au pays qu’à l’étranger et compilé les points de vue de 14 949 individus ayant rempli un questionnaire en ligne.
Dans son volumineux rapport, le groupe ne fait pas de recommandation formelle, mais note malgré tout que la «recherche d’un consensus doit constituer un but important de l’établissement d’un cadre d’aide médicale à mourir au Canada».