Premier don d’organe par une personne séropositive
Les personnes séropositives du Québec subissent une discrimination de moins: elles peuvent désormais faire un don d’organes.
Denis Cormier est le premier patient séropositif d’Amérique du Nord à avoir bénéficié d’une greffe d’un organe donné par une autre personne atteinte du VIH/sida, il y a quelques mois, au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Les autorités du CHUM ont attendu que M. Cormier soit rétabli pour annoncer mercredi le succès de l’opération.
C’est depuis 2012 que les patients porteurs du VIH/sida peuvent recevoir une greffe, puisque les médecins n’ont plus peur que les médicaments anti-rejets réactivent le virus. Mais les dons ne pouvaient provenir que des personnes séronégatives. «Jusqu’à tout récemment, les personnes séropositives était automatiquement disqualifiées pour faire un don d’organe, a expliqué le Dr Michel Pâquet, néphrologue au CHUM. Une étude démontrant que des chirurgies entre deux personnes séropositives avaient été pratiquées, notamment en Afrique du Sud, nous a rassuré sur le fait que c’était sécuritaire.»
Les circonstances parfaites étaient réunies pour que la greffe ait lieu. M. Cormier, en dialyse, attendait un don de rein depuis plus de deux ans. Une personne séropositive est alors tombée en état de mort cérébrale à l’hôpital Notre-Dame. Après avoir vérifié qu’ils étaient compatibles, qu’ils étaient porteurs d’une souche semblable du virus et qu’ils prenaient les mêmes médicaments, la chirurgie a eu lieu.
Selon le Dr Pâquet, au moins une dizaine de personnes séropositives se trouvent sur la liste d’attente de Transplant Québec ou sont sur le point d’y être inscrits. «On va maintenant pouvoir faire plus de greffes, a-t-il affirmé. En attribuant ce rein à M. Cormier, on libère le rein d’une personne séronégative pour quelqu’un d’autre.»
«Tout ce que les personnes séropositives ne peuvent pas faire, ça a un impact sur comment elles sont considérées dans la société. Le message qu’on envoie, c’est qu’elles sont au même niveau que n’importe quel donneur.» – Danielle Rouleau, codirectrice de l’Unité d’hospitalisation, de recherche et d’enseignement sur le sida du CHUM
Cette greffe a eu un impact majeur sur la qualité de vie de M. Cormier, les symptômes de son insuffisance rénale ayant disparu. «Avant, j’étais 15 heures par semaine à l’hôpital, a-t-il témoigné. Je me sens comme à trente ans!»
M. Cormier se réjoui également de l’impact social d’une telle avancée. «C’est un facteur de moins de discrimination. Certaines personnes séropositives auraient aimé donner leurs organes à leurs morts», a-t-il commenté, soulignant avoir signé sa carte de don d’organes.
Dr Pâquet estime que ce don a aussi une grande signification pour la famille du donneur, puisque la mort de leur proche a pu aider quelqu’un.