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Mesures d’urgence: «Qu’avez-vous fait avant?», demande l’opposition

Photo: Josie Desmarais/Métro

Alors que le gouvernement du Canada souhaite recourir à la Loi sur les mesures d’urgence pour mettre fin à la manifestation contre les mesures sanitaires qui paralyse le centre-ville d’Ottawa depuis près de trois semaines, deux des principaux partis d’opposition lui reprochent de déclencher cette mesure historique sans démontrer que d’autres actions ont été tentées avant.

Depuis jeudi matin, le Parlement canadien débat sur le bien-fondé du recours à la Loi sur les mesures d’urgence. Si la motion du gouvernement est adoptée, ce serait une première depuis l’adoption de la loi en 1988.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) appuie le gouvernement de Justin Trudeau dans l’application des mesures d’urgence bien qu’il soit «réticent», a indiqué son chef, Jagmeet Singh. Le Bloc québécois et les conservateurs s’y opposent toutefois.

Quelles étapes avant le «dernier recours»?

À plusieurs reprises jeudi après-midi, des députés conservateurs et bloquistes ont demandé aux libéraux ce qu’ils avaient tenté de faire avant d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence. Cette loi doit servir de «dernier recours», soulignent tous les élus fédéraux. 

«Pourquoi, dès le départ, n’avez-vous pas mis en place des mesures, tant politiques que de sécurité publique, au lieu de laisser s’installer le blocus qu’on connaît maintenant devant la colline parlementaire?», a notamment demandé la députée du Bloc québécois Louise Chabot.

Les conservateurs ont aussi questionné à plusieurs reprises le gouvernement du Canada au sujet des actions qu’il avait entreprises auparavant pour calmer le jeu. 

«Le premier ministre lui-même a dit que cette loi ne devrait pas être la première, la deuxième ni la troisième réponse. Mais il n’a pas pu nous dire quelles étaient ses première, deuxième et troisième réponses qu’il a évoquées. Après n’avoir rien fait, le premier ministre passe aux mesures les plus exceptionnelles et les plus extrêmes», a affirmé le député conservateur Eric Melillo.

Selon lui, l’invocation de la loi par le gouvernement est le résultat de son échec. «Le parlement doit renverser cette décision», a-t-il ajouté.

Son collègue Frank Caputo soutient même que la cheffe par intérim du Parti conservateur, Candice Bergen, a demandé il y a dix jours au premier ministre Trudeau de rencontrer tous les chefs de parti pour mettre fin au problème. La demande serait restée lettre morte. 

«À maintes reprises, les députés ont posé la question suivante: quelle a été la première étape? quelle a été la deuxième étape? Silence radio à chaque fois. On a eu quelques blablas, mais aucun contenu», a déclaré M. Caputo. 

Un recours «justifié», selon les libéraux

De leur côté, les libéraux soutiennent que le recours à la Loi sur les mesures d’urgence est «justifié» et «proportionné» aux impacts vécus par les Canadiens.

Leurs principaux arguments pour l’invoquer sont la protection des citoyens d’Ottawa et de limiter les impacts des blocages sur l’économie du Canada. 

«Les blocages ont causé des dommages importants à notre économie et à nos institutions démocratiques. Des emplois et la prospérité du Canada sont en jeu. À cause des gestes illégaux qui ont été posés, la confiance internationale envers le Canada comme endroit propice aux investissements est aujourd’hui ébranlée», a soutenu la députée libérale d’Outremont, Rachel Bendayan. 

Rappelons que la Loi sur les mesures d’urgence permet de doter les forces de l’ordre de plus de pouvoirs, mais aussi de bloquer le financement du mouvement de contestation.

Un seuil non respecté, selon les conservateurs

Or, les conservateurs estiment qu’il y a déjà des dispositions qui permettent aux autorités d’intervenir pour mettre fin aux barricades illégales sans invoquer cette loi d’exception. 

«Même sans l’application de la Loi sur les mesures d’urgence, les protestataires peuvent être arrêtés et peuvent être accusés d’avoir participé à toutes sortes d’activités illégales. C’est prévu dans le Code criminel», a dit Frank Caputo.

Il cite en exemple les interventions policières qui ont déjà été réalisées, notamment à Coutts et à Windsor. «Que reste-t-il? Qu’est-ce qui a été réalisé sans le recours à la Loi sur les mesures d’urgence?», a-t-il répété.

Les conditions nécessaires sont remplies, dit le gouvernement

Pour déclencher la Loi sur les mesures d’urgence, le gouvernement doit remplir trois conditions. 

Premièrement, le pays doit être dans une situation qui soit met gravement en danger la vie, la santé ou sécurité des Canadiens et dépasse la capacité ou l’autorité d’une province pour y faire face, soit menace sérieusement la capacité du gouvernement de Canada à préserver la souveraineté, la sécurité et l’intégrité territoriale du Canada.

Deuxièmement, la capacité des provinces à gérer la situation doit être estimée comme insuffisante ou présenter des lacunes.

Et troisièmement, le gouvernement doit conclure que la situation ne peut être traitée adéquatement en vertu de toute autre loi canadienne, y compris les lois provinciales et territoriales. 

«Notre gouvernement estime que ces conditions ont été remplies et nous avons déposé hier une explication des raisons de l’émission de la déclaration comme l’exige la loi», a indiqué le ministre de la Justice et procureur général du Canada, David Lametti.

Amnistie internationale sera vigilante

Amnistie internationale compte suivre de près le recours à la Loi sur les mesures d’urgence invoquée par le premier ministre Justin Trudeau pour mettre fin à une situation devenue hors de contrôle. 

Si la violence et la haine manifestées par plusieurs des participants aux convois sont préoccupantes, l’organisme estime néanmoins que l’annonce du recours aux mesures d’urgence et les changements apportés au règlement municipal de la Ville de Québec soulèvent des inquiétudes et des questionnements relatifs au respect des droits humains.

«Nous serons vigilant·e·s dans la mise en œuvre de ces mesures exceptionnelles afin qu’elles respectent les droits humains», a-t-on affirmé par voie de communiqué.

Si le premier ministre du Québec, François Legault, s’est opposé à l’application des mesures d’urgence dans la province, 72% des Québécois appuient la Loi sur les mesures d’urgence, révèle un sondage Maru publié jeudi matin. Au pays, ce sont 66% des répondants qui sont favorables à ce recours.

La police d’Ottawa prépare une action «imminente» pour déloger les manifestants et camionneurs à Ottawa, a annoncé le chef de police par intérim, Steve Bell, jeudi. «À ceux qui manifestent, si vous voulez partir de votre propre chef, c’est le temps de le faire», a-t-il déclaré.

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