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L'humour, c'est du sérieux

Inventer une école pour laquelle il n’existait aucun modèle. C’est le défi qu’a relevé un groupe d’intervenants de la sphère culturelle en créant l’École nationale de l’humour (ENH) en 1988.

Malgré des débuts difficiles, l’institution fait figure de référence 20 ans plus tard, et ses diplômés rayonnent, se réjouit Louise Richer, directrice générale et pédagogique depuis les tout débuts. «Notre bureau de placement est devenu hyperactif, et les demandes affluent, précise-t-elle. Cela prouve heureusement que l’école est bel et bien installée, qu’elle est crédible et que sa pertinence n’est plus mise en doute. La qualité, la rigueur et la vigueur de sa formation, tout ça est assumé aujourd’hui.»

Apprendre à être drôle
Mais qu’apprennent donc les élèves? «Au départ, l’objectif de la formation est d’acquérir la plus grande efficacité comique possible, explique la directrice. Je me plais à définir l’humoriste comme un chroniqueur de son temps, mais encore faut-il s’outiller pour mieux comprendre le monde environnant.»

Ainsi, les élèves ont droit non seulement à des cours d’interprétation ou d’écriture, selon le profil choisi (Création humoristique ou Écriture humoristique), mais aussi à des cours d’histoire, d’éthique, de politique et de français, notamment.

Benoît Pelletier est auteur et il a travaillé avec des artistes comme Claudine Mercier, Mario Jean et Martin Matte, pour ne nommer que ceux-là. Depuis le début des années 2000, il enseigne aussi la créativité à l’ENH et est à même de constater les effets de la formation dans le milieu.

«Certainement qu’il y a un impact au niveau du professionnalisme, parce qu’à partir du moment où une institution donne de la formation sur l’éthique, la politique ou le français, on apporte un certain sérieux à la démarche», croit-il.

La démarche introspective est également très importante dans le processus de formation, estime Louise Richer. «On invite les étudiants à faire une démarche personnelle pour savoir qui ils sont, parce que la meilleure façon d’être singulier, c’est de partir de ce qu’on est», dit-elle.

«Une fois par semaine, je me baigne pendant huit heures avec des jeunes
affamés extrêmement intéressants qui cherchent à se trouver, comme dans n’importe quelle discipline artistique, continue M. Pel­letier. On les voit chercher à tâtons et on les aide un peu à se diriger pour ne pas être des copies de ce qui existe et de ce qui marche, mais pour être uniques et originaux.»

En contact avec le milieu
Relations. Si 78 % des diplômés de l’École nationale de l’humour travaillent à temps plein dans un domaine con­nexe, selon des statistiques internes, les belles rencontres qui surviennent chaque année comptent sans doute pour beaucoup.
«Nos professeurs sont des praticiens et il est possible de rencontrer des gens actifs dans le milieu», fait valoir Louise Richer. Il arrive même que des diplômés embauchent leurs anciens professeurs, comme c’est le cas par exemple avec Louis-José Houde, qui a travaillé avec François Avard.

«Personnellement, j’aurais sauvé plusieurs années en allant à l’École, avoue Benoît Pelletier. J’ai vraiment appris sur le tas. J’étais tout seul dans le fond de mon sous-sol, et le travail a été un peu plus long avant que je devienne un bon auteur. En tant qu’enseignant, j’explique comment je fonctionne, comment c’est d’être en relation avec des artistes, comment l’industrie fonctionne… C’est peut-être informel, mais c’est enrichissant pour les jeunes.»

Le contact avec la réalité du milieu est d’autant plus important que la formation a évolué au gré des emplois que les finissants trouvent. «Ils sont en quelque sorte devenus des éclaireurs», explique Mme Richer. Elle a ainsi développé un segment sur l’écriture jeunesse, «un débouché [qu’elle] n’avait pas identifié dans un premier temps».

Mais attention, avertit Louise Richer, l’école n’est pas obligatoire pour percer. «Je n’affirmerais jamais que hors de l’école, point de salut, déclare-t-elle. Je pense néanmoins que ça accélère l’apprentissage.»

La parole à… Cathy Gauthier

Pourquoi avez-vous choisi d’étudier à l’ENH?
J’avais tout simplement envie de devenir humoriste, et comme je ne connaissais rien au milieu, c’est le moyen que j’ai trouvé pour parvenir à mes fins. L’École, c’est un tremplin qui permet de rencontrer des gens du milieu, et c’est vraiment pour ça que j’y suis allée. Il y a d’autres cheminements, mais je n’avais pas les moyens d’être autodidacte.

Qu’est-ce que ça vous a apporté?
J’arrivais d’Abitibi et je ne connaissais rien à rien! Ça m’a permis de m’installer, de me faire des amis et des contacts. L’École donne aussi une bonne base de responsabilités. Par exemple, il fallait écrire chaque semaine et rendre les textes à temps. Comme je faisais un retour à l’école, ça a quand même été difficile pour moi.

Un conseil?
Écouter son cÅ“ur. C’est peut-être téteux, mais il faut écouter la petite voix qui nous parle.

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