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Ellen Allien affirme son rythme

Photo: Lisa Wassmann/collaboration spéciale

Cumulant déjà 25 ans de métier, la DJ et productrice berlinoise Ellen Allien affiche toujours fièrement ses allégeances.

Historiquement, la house de Chicago et la techno de Detroit ont été pour plusieurs synonymes d’affirmation de soi et d’affranchissement d’une discrimination d’ordre racial et sexuel, voire socioéconomique. Pour la musicienne, DJ et designer de mode Ellen Allien, la techno qu’elle a découverte à l’adolescence – la variante hypnotique qu’elle affectionne depuis ses débuts et qu’elle déballe avec dextérité pour des mélomanes conquis de Montréal à Marrakech – est surtout indissociable de la capitale allemande.

Lorsque je la joins à Ibiza, cette idyllique petite île baléare où elle passe tous ses étés, question de rompre avec la routine et de recharger ses batteries, cette artiste née en 1969 me raconte comment des Allemands des quatre coins du pays ont convergé vers Berlin après la chute du mur pour ouvrir des boîtes de nuit et, surtout, pour imaginer un nouveau monde. «J’ai vu de mes propres yeux l’Est et l’Ouest ne faire plus qu’un», se souvient-elle, évoquant le potentiel offert par la réunion de ce qui était alors deux solitudes et par la rencontre de gens d’horizons divers autour d’une même philosophie. On pouvait enfin remettre les compteurs à zéro et bâtir une véritable communauté nocturne.

«Tout était à construire, m’explique celle qui se produira ce week-end au Piknic Électronik. Nous créions des studios de design graphique, des revues, des labels, des styles musicaux… Dans les années 1990, ce n’était pas dans les salles de spectacle mais bien dans les clubs techno que je me sentais vraiment libre et respectée en tant que femme.»

Allien, qui étudiait la danse à l’époque et habitait dans un squat avec d’autres artistes, jouait de la deep house et de l’électro dans un bar appartenant au propriétaire du mythique club Tresor pour payer ses frais de scolarité. Vingt-cinq ans plus tard, elle fait toujours partie des valeurs sûres de la scène électronique, un exploit de taille dans un univers régi par la tendance «saveur du mois».
Ayant fondé en 1999 l’étiquette BPitch Control, qui a servi de tremplin à Modeselektor, à Paul Kalkbrenner et à plusieurs grands noms du firmament électronique, la patronne et productrice attribue sa longévité au fait qu’elle n’a jamais éprouvé le besoin de gagner de l’argent. À ses yeux, la liberté et le bonheur ont toujours eu préséance sur les considérations financières. «Depuis que je suis toute petite, la musique a toujours été le moyen de me faire rêver, de vivre chaque jour plus intensément. Aujourd’hui, je bosse avec des gens que j’estime, et nous partageons cette expérience commune, affirme-t-elle. Chez BPitch, nous sommes six et je les considère tous comme des amis: je connais la plupart d’entre eux depuis très longtemps.»

Ich bin ein Berliner

Allien, qui profite de ses intermèdes estivaux pour produire son émission de radio, offrir des prestations dans des clubs jet set, éplucher soigneusement les bacs des disquaires de l’île et déguster le poisson et le rythme de vie méditerranéens, entend poursuivre son cheminement aussi longtemps qu’on le lui permettra. «Je faisais jouer des vinyles à la maison pour ma mère et ma sœur quand j’étais petite et on dansait ensemble. Je n’ai pas vraiment la parole facile, je ne suis pas actrice non plus, mais la musique a toujours été et restera toujours mon terrain de jeu!»

Aux yeux d’Ellen Allien, il ne fait aucun doute que son succès est grandement attribuable au dynamisme et à l’ouverture d’esprit de sa ville natale. Elle souligne au passage quelques noms et adresses qui témoignent de cette effervescence.

Musicienne: Nina Hagen.
«Sa voix est remarquable. Dans ses albums, Hagen raconte l’histoire de Berlin, de l’Est et de l’Ouest. Ce qu’elle évoque a été marquant pour moi : ç’a influencé à la fois mon mode de vie et mon travail.»

Artistes visuels: Pfadfinderei.
«Ils font des visuels pour BPitch Control depuis 2015 et ont aussi pris en charge plusieurs œuvres d’art et vidéoclips pour nous. J’adore leur travail :
ça cadre tout à fait avec l’esprit BPitch.»

Personnalité publique: Dimitri Hegemann.
«C’est le fondateur et propriétaire du club de techno Tresor et du festival Berlin Atonal. Il m’a énormément inspirée quand j’étais jeune. C’est lui, le visionnaire qui gérait le bar Fischlabor, où j’ai fait mes premières armes comme DJ.»

Un club: IPSE.
«Un joli petit entrepôt avec un jardin magnifique sur le bord de l’eau. C’est notre lieu de prédilection pour les soirées BPitch, où nous avons déjà partagé plusieurs moments inoubliables.»

Un café: la Fernsehturm.
«La tour de télévision de Berlin à Alexanderplatz. Il y a un café et un restaurant au sommet avec la vue la plus imprenable sur Berlin!»

 

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