Patrice Michaud, le poète des temps modernes
Almanach, comme dans L’Almanach du peuple, ce recueil d’informations éparses sur tout et rien, publié au Québec depuis les années 1800. Almanach, comme dans un calendrier d’éphémérides, de renseignements essentiels et d’anecdotes en tous genres. Almanach, comme le troisième album de Patrice Michaud.
«J’ai l’impression que c’est ça que je fais en chansons», explique l’artiste, qui lançait son troisième album cette semaine. Un album qui, malgré l’immense succès de son deuxième opus, Le feu de chaque jour, ne lui ressemble pas, ou très peu. «Je n’ai pas plus voulu m’éloigner de ça que j’ai voulu m’en rapprocher. J’ai oublié ce qui s’était passé sur le deuxième album, ce qui est une bonne chose», affirme-t-il. Cependant, vous reconnaîtrez certainement la fougue de Patrice Michaud, celle qui vous avait tant plu sur ses succès Mécaniques générales et Je cours après Marie. Mais surtout, vous
reconnaîtrez sa poésie bien à lui.
«Je dirais que je suis un poète moderne», déclare Patrice Michaud, qui ne se gêne pas pour utiliser le lexique poétique et qui aimerait que vous fassiez de même. «Faut arrêter d’avoir peur du terme “poésie’’. On n’en parle plus, c’est comme si c’était réservé à une caste. Ce n’est pas la première fois qu’elle est boudée.» Lui, en tout cas, ne la boude pas. Son album est rempli de textes imagés, d’anecdotes chantées, de petits poèmes rimés.
D’ailleurs, ne faites pas le saut lorsque la pièce Tout le monde le saura retentira dans vos oreilles. Ce poème, qui n’est pas chanté, ne devait pas se trouver sur l’album. Mais lorsque Patrice Michaud a eu l’idée de le faire lire par son fils Loïc, tout a pris son sens. «C’est un texte qui reflète ce qu’on vit présentement, les incertitudes, les incompréhensions. Les événements de Québec, ça m’a touché.» Au lendemain de l’attentat, il s’est demandé s’il devait s’exprimer publiquement à ce sujet. Il s’est vite rendu compte qu’il n’avait pas besoin de le faire. «J’avais déjà écrit ce que j’avais à dire là-dessus. C’est sur mon disque, c’est ce texte-là, c’est mon fils qui parle», a-t-il conclu. Ce texte, un peu comme tout l’album, «ça souhaite mieux, ça souhaite autre chose». Et c’est précisément pour ce genre de deuil collectif «que la poésie est encore une avenue envisageable, possible et je dirais même nécessaire».
Depuis le tout début, il savait qu’il voulait faire participer son fils à l’album. Parce que même s’il est un chanteur accompli et s’il vit de sa musique, la famille est sa priorité. «S’il y a un truc que je veux réussir dans la vie, c’est mon rôle de père. Le reste va s’attacher à ça», explique-t-il très sérieusement. «Les artistes, ça ne fait pas toujours des bons parents. C’est une drôle de vie. Je mets beaucoup d’efforts pour que ça soit possible», ajoute-t-il.
Un brin nostalgique
Pour la sortie d’Almanach, Patrice Michaud a offert à ses fans son album sous forme d’une jolie cassette jaune. Ce qui n’était censé être qu’une carte de visite rigolote est devenu un réel succès. Ses fans se sont arraché ladite cassette, qui a été plus populaire qu’espéré. À l’achat de la cassette, les fans recevaient en plus une carte de téléchargement. Une façon ludique de vendre un album, «en ces temps de marché pas facile pour les ventes de musique».
Justement, a-t-il peur pour l’avenir de l’album physique? Peut-être un peu. «Je suis conscient que ça s’en vient. On parle en terme d’années, on ne parle plus en terme de décennies.» Patrice Michaud a bon espoir que l’album comme on le connaît ne disparaîtra pas totalement, puisqu’il y aura toujours des gens pour consommer la musique sous forme physique; le vinyle en est un bon exemple. Cependant, il dit être présentement en mode «constat» et s’affaire à trouver une solution pour toujours mieux vivre de la musique.
Et la cassette jaune semble une bien bonne idée pour débuter.