Harcèlement sexuel: après les accusations, le géant Rozon s’effondre
Le président de Juste pour rire Gilbert Rozon a quitté toutes ses fonctions officielles mercredi, dans la foulée des allégations d’inconduite sexuelle qui ont aussi ciblé l’animateur Éric Salvail.
Dans une déclaration officielle, le magnat de l’humour a annoncé qu’il quittait «immédiatement» la direction de Juste pour rire, en plus de ses postes de commissaire des célébrations du 375e anniversaire de Montréal et de vice-président de la chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Mercredi, sur Facebook et Twitter, une femme a déclaré avoir été harcelée par M. Rozon en 2016, alors qu’elle travaillait en marge du festival Juste pour rire. Marlène Bolduc, alors employée de Vélopousse-Maisonneuve, une compagnie qui offre des tours de vélos pouvant transporter jusqu’à trois personnes, a affirmé que lorsque M. Rozon a pris place à bord du vélo qu’elle conduisait, il lui a fait des commentaires sur son apparence physique et l’a fouettée avec son foulard comme si elle était «un animal de calèche».
«Ça doit être ferme ces cuisses-là», lui aurait dit Gilbert Rozon, avant de se féliciter de son choix d’avoir engagé la compagnie de transport en vélo pour le festival, puisqu’il avait une vue sur le «beau dos cambré» de Mme Bolduc.
En entrevue avec Métro, Marlène Bolduc a dit que les actes de M. Rozon étaient déplacés. Elle a qualifié ses agissements de «harcèlement». Selon son témoignage, les réactions des deux autres passagers ont aussi été blessantes. «Juste la manière dont ses collègues ont réagi, ça paraissait que c’était juste un jour normal avec Gilbert Rozon, c’était drôle, parce que c’était le boss», ajoute-t-elle.
«C’est [le mot-clic] «moi aussi» qui m’a motivée. J’ai décidé, après avoir su qu’il y avait plein de femmes pour qui les choses avaient été plus hardcore, pour qui ça avait été des agressions sexuelles, que peut-être que [mon témoignage] pourrait aider à ce que ça sorte.» – Marlène Bolduc, victime présumée
Vélopousse est dirigé par un candidat d’Équipe Coderre au poste de conseiller de ville de l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Jean-François Beaupré. Après les faits allégués, Marlène Bolduc a dénoncé les agissements de Gilbert Rozon à son ex-patron, lors d’une réunion d’équipe. «Il a dit qu’il allait voir ce qu’il pouvait faire, qu’il était bien désolé, mais que [Juste pour rire] était le plus gros contrat de la saison», a-t-elle dit, en insinuant que M. Beaupré ne voulait pas perdre le contrat.
À la suite des allégations à l’endroit d’Éric Salvail, l’humoriste Guillaume Wagner a publié un texte pour dénoncer les agissements de Gilbert Rozon. Dans une publication Facebook partagée plus de 3200 fois, l’humoriste l’a qualifié «d’agresseur». Quelques heures avant la démission de Gilbert Rozon, la chef de Projet Montréal, Valérie Plante, a incité la Ville à «prendre ses distances» par rapport à l’homme. Le maire sortant Denis Coderre est resté prudent dans ses commentaires, demandant au public de respecter «la présomption d’innocence».
«J’ai entendu des histoires. Et puis d’autres. Et des récentes. Ça commence à sortir. Ça va continuer de sortir.» – Guillaume Wagner, humoriste, à propos des allégations de harcèlement sexuel à l’endroit de Gilbert Rozon
Contacté par Métro, le groupe Juste pour rire a refusé de commenter les allégations. Au moment de publier, le responsable du cabinet de Réal Ménard, qui s’occupe des demandes d’entrevues pour Jean-François Beaupré, n’avait pas répondu aux demandes d’entrevues.
Selon le réseau de nouvelles LCN, le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) aurait ouvert une enquête pour agression sexuelle visant M. Rozon. Le SPVM a refusé de confirmer l’information.
En 1998, Gilbert Rozon a été condamné pour agression sexuelle, avant d’obtenir l’absolution inconditionnelle en 1999.
Neuf femmes dénoncent
Un peu plus tard en soirée, huit autres femmes, en plus de Marlène Bolduc, ont raconté au quotidien Le Devoir avoir été victimes d’harcèlement et d’agressions sexuelles de la part de Gilbert Rozon. Il s’agit de l’animatrice Pénélope McQuade, de la comédienne Salomé Corbo, des recherchistes Sophie Moreau et Anne-Marie Charrette, de la réalisatrice Lyne Charlebois, de l’entrepreneure Geneviève Allard Lorange et de deux autres femmes qui ont aussi contacté Le Devoir avec des témoignages similaires.