«Modifié»: Notre pain quotidien
Que mange-t-on vraiment? La réalisatrice Aube Giroux milite pour qu’on le sache enfin dans son documentaire Modifié.
Pendant 10 ans, celle que l’on connaît surtout pour son populaire blogue culinaire Kitchen Vignettes a parcouru l’Amérique du Nord et l’Europe afin de savoir pourquoi il n’y a pas l’information sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) sur les emballages des produits alimentaires au Canada et aux États-Unis.
Telle Agnès Varda dans Les glaneurs et la glaneuse, elle est allée rencontrer différentes personnes touchées directement par ces politiques, levant le voile sur le poids de l’industrie agroalimentaire face au processus démocratique. Un désir de transparence dans un milieu sombre, mais non exempt de lumière.
«Chaque jour, on fait des choix sur ce qu’on mange, ce qui se retrouve dans notre assiette, rappelle la cinéaste de la Nouvelle-Écosse. On a beaucoup de pouvoir en tant qu’individu pour transformer le type d’agriculture qu’on veut soutenir. Ma mère croyait qu’à chaque repas qu’on mange, on a un choix pour transformer le monde dans lequel on vit. En plus, c’est quelque chose qu’on peut faire avec plaisir, car manger procure beaucoup de bonheur.»
La mère d’Aube illumine d’ailleurs le récit. Elle est au cœur de ce premier long métrage documentaire éminemment personnel, qui émeut par ses archives intimes. «C’est vraiment dans le jardin de ma mère que j’ai appris à utiliser ma caméra vidéo, se remémore l’agricultrice amatrice. C’était une façon d’être avec elle.»
«Si les OGM sont étiquetés dans 64 pays, pourquoi nous, au Canada, on n’a pas le droit à cette information-là?» -Aube Giroux
Les valeurs qu’elle lui a transmises forment des racines durables au sein de cet essai utile et important, gagnant du Meilleur film franco-canadien aux derniers Rendez-vous Québec Cinéma. Un legs qui a façonné son regard et son art.
«Ce qui m’intéresse beaucoup, c’est d’utiliser le cinéma pour aider à créer un lien entre les aliments qu’il y a dans nos assiettes et la terre où sont produits ces aliments-là, révèle Aube Giroux. Je pense qu’on vit dans une société où on est assez déconnectés de la provenance de ce qu’on mange.»
Modifié fait parler de lui partout où il est présenté et sa créatrice Aube Giroux croit que c’est au Québec que le documentaire risque de provoquer le plus de discussions. «Le Canada est le seul pays au monde qui a permis la consommation d’un animal transgénique, explique-t-elle. L’année dernière, 4,5 tonnes de saumons transgéniques ont été envoyées du Panama au Québec. Comme Ottawa a voté contre un projet de loi pour étiqueter les OGM, les Québécois ont mangé un animal transgénique sans le savoir, sans décider si c’est ce qu’ils voulaient.»