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Safia Nolin: Plongée en eau profonde

Photo: Josie Desmarais

Monstre, ombre, froid, cœur, mort, sang, larmes, corps et noir sont quelques-uns des termes récurrents sur le nouvel album de Safia Nolin, bien à propos nommé Dans le noir. On ne peut qu’être d’accord avec elle lorsqu’elle décrit sa musique comme étant «purement déprimante». Plongée en eau très sombre avec une artiste néanmoins lumineuse.

«Pour vrai, je vais bien», précise Safia Nolin lorsqu’on aborde la dureté des textes de son album. À mille lieues de ceux-ci, la chanteuse est souriante et plutôt blagueuse en entrevue. «Quand on faisait les promos pour mon premier album, presque tout le monde me demandait si j’allais bien. À nouveau, on dirait que les gens sont inquiets. Un moment donné, il faut bien que je le dise parce que ça devient trop fucked up: je vais bien.»

Deux ans après un projet de reprises, Safia Nolin offre 13 nouvelles chansons de son cru, dans la continuité du «folk triste» de Limoilou, son premier album qui l’a révélée en 2015.

Pour la composition, l’artiste a procédé de la même façon que pour Limoilou. «Ce sont des trucs que je vis, que j’ai envie d’extérioriser, et ça finit par devenir des tounes», résume-t-elle.

Safia Nolin a réussi à se libérer des fameuses attentes qui viennent après la popularité d’un premier album. «Il y a des questionnements qui arrivent avec un deuxième album, surtout – entre gros guillemets – après un “succès”. Dans mon cas, ce n’est pas arrivé pendant que je composais, mais après. Là, je me sens super détachée depuis comme, deux semaines!» lance-t-elle dans un éclat de rire devant un bol de café.

Sur Dans le noir, on retrouve la voix émouvante et enveloppante ainsi que les sonorités intimistes qui font la signature sonore de Safia Nolin. L’instrumentation est exclusivement composée de guitares et de basse. «Il n’y a pas de drum, c’est quasiment juste moi et Joseph [Marchand] qui jouons», dit-elle au sujet de cet album coréalisé par ce dernier, Philippe Brault et elle-même. 

Nouveauté: Safia Nolin a intégré «du noise», tiré d’expérimentations qu’elle a effectuées sur cassette. «Bizarrement, j’ai eu l’idée de faire un film en VHS pour mon album, explique-t-elle, amusée. Un moment donné, je filmais en studio. Je venais de numériser des trucs que ma mère m’avait donnés, pis on a finalement intégré ça à l’album.»

Le film, qui comprend des images de paysages, de ses amis et des archives de sa jeunesse, aux dires se sa conceptrice, a été présenté au cinéma Beaubien mercredi. «De plus en plus d’artistes offrent un support visuel à leur album, indique-t-elle, citant en exemple Pandaléon et Beyoncé. Je trouve ça vraiment cool. La musique rentre mieux ainsi. C’est pas comme si on virait aveugle le temps d’écouter un album; les yeux cherchent à être stimulés pendant ce temps.»

Parmi ses archives familiales, on entend sur la pièce Sans titre un enregistrement de la jeune Safia qui parle à son père, disparu de sa vie après le divorce de ses parents lorsqu’elle était adolescente. «C’est une chanson sur mon père, c’est tout», dit-elle simplement.

«Je n’aime pas les trucs trop clairs, et c’est ma chanson la plus claire. J’aime mieux ne pas trop en parler parce que je trouve que ça pète un peu le but de la toune.»

Sur Lesbian Breakup Song, Ariel Engle (qui a récemment fait paraître son premier projet solo sous le pseudonyme La Force) harmonise merveilleusement sa douce voix à celle de Safia.

Le titre de la pièce renvoie au fait que pratiquement toutes les chansons populaires traitant de rupture amoureuse parlent de relations hétérosexuelles. «C’était vraiment juste pour ça. Il n’y en a pas [pour lesbiennes]? Je vais en écrire une! Ça m’a fait super du bien à composer.»

Lorsqu’on lui demande ce serait laquelle, sa «breakup song» préférée, Safia Nolin réfléchit longuement puis arrête son choix. «Humm… Il y a cette pièce d’une chanteuse norvégienne, Susanne Sundfør, qui s’appelle Undercover. C’est une full de belle chanson, je l’aime tellement.»

En forêt
Dans le noir nous transporte également au cœur d’une nature sans pitié, où volcans, montagnes, vent, tempête et arbres se côtoient.

L’artiste a notamment été inspirée par les paysages de Banff, en Alberta, où elle a effectué une résidence de création de quelques semaines en 2016. «C’est super cliché à dire, “Je vais écrire des chansons en forêt”», dit-elle d’un ton moqueur.

Il reste que l’expérience a été mémorable. «C’était malade», répète-t-elle à plusieurs reprises au sujet de cette résidence, où elle a côtoyé une vingtaine d’artistes de tous horizons dans un décor enchanteur.

Ce séjour hors du Québec tombait à point pour Safia Nalin, puisqu’il est survenu juste après la controverse sur son habillement au Gala de l’Adisq. Faut-il le rappeler, la chanteuse (qui y avait remporté le prix de Révélation de l’année) a longuement été critiquée pour s’être présentée sur scène en t-shirt de Gerry Boulet et en jean.

«J’étais au bout du rouleau, se souvient-elle. J’en avais vraiment besoin. Ça m’a fait du bien d’être loin après ça.»

Lorsqu’on l’entend entonner «Je m’excuse de mon corps» sur la pièce Miroir, on pense d’emblée à cet événement. Pourtant, cette chanson a été écrite bien avant. «C’est trop bizarre, parce que tout le monde fait l’association. Mais clairement, l’Adisq lui a donné un deuxième sens.»

En parallèle à la haine qui a déferlé, Safia Nolin a reçu une immense vague d’amour. «Je ne me sens pas affectée day to day par les gens qui m’ont dit que j’étais laide, mais ça arrive des fois. Dans ce temps-là, quand du monde m’envoie beaucoup de love, ça fait du bien. Une chance qu’il y a eu ces bons mots!» dit-elle, réalisant que l’inverse aurait été «terrible».

Encore à ce jour, Safia Nolin reçoit son lot de critiques sur les réseaux sociaux, où elle n’hésite pas pour autant à partager ses coups de cœur et de gueule. «Ce serait tellement niaiseux que je ne m’exprime pas! J’ai un reach que je n’avais pas il y a cinq ans.»

Dans le noir est disponible dès aujourd’hui.

Safia Nolin sera en spectacle le 18 octobre au Théâtre Outremont.

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