Soutenez

L’amour malgré tout dans De rouille et d’os

Dans De rouille et d’os, Stéphanie (Marion Cotillard) est une dresseuse d’orque qui perd ses jambes dans un accident de travail et qui rencontre Ali (Matthias Schoenaerts), un jeune marginal avec qui elle nouera une relation particulière. Photo: Jean-Baptiste Modino/Sony pictures

Le cinéaste français Jacques Audiard revient sur les écrans avec De rouille et d’os, en compétition pour la Palme d’Or au dernier festival de Cannes. Une romance brutale et sexy avec le couple Matthias Schoenaerts et Marion Cotillard. Métro s’est entretenu avec lui.

Le scénario de De rouille et d’os puise dans le recueil de nouvelles de Craig Davidson, Un goût de rouille et d’os. Mais ce n’est pas une adaptation littérale. Quelle est votre philosophie en la matière?
Je n’ai pas de philosophie à proprement parler. La plupart du temps, avec mon scénariste, avec les gens avec qui je travaille, on parle de nos envies. De ce qu’on a fait, de là où ça a achoppé précédemment. De la pertinence de telle ou telle idée de fiction. Les nouvelles de Craig Davidson sont tombées là-dedans à un moment donné. Ça me fait penser un peu à Tetris!

À quelles envies ont-elles correspondu chez vous?
Avec Thomas, nous voulions parler du discours amoureux aujourd’hui, à l’époque de la parité homme-femme, où la différence entre les sexes n’existe presque plus. On se rencontre, on baise, et après on fait quoi? Dans le film, on voulait décrire la rencontre entre ces deux personnes, et le «contrat» qu’elles vont passer. C’est quand tu veux, on s’appelle. T’es «opé»? On voulait voir jusqu’où ça tient.

Le scénario ne cesse de surprendre, de casser les attentes du spectateur pour l’emmener dans une direction inattendue…
On voulait être imprévisibles. Avec un sujet apparent au départ, et un sujet sous-jacent qui ne se dévoile qu’à la fin. Le premier, c’est s’en sortir après une expérience difficile. Le second : l’amour. Et tout ça mâtiné d’un grand suspense : qui va craquer le premier! (Rires)

Mathias Schoenaerts et Marion Cotillard ont-ils bouleversé ce que vous aviez prévu à l’écriture?
Sur le papier, Ali était plus rustre, plus bestial. En travaillant avec Matthias, on l’a allégé, on l’a rendu plus séduisant. Plus enfantin aussi. Le personnage de Stéphanie est beaucoup plus fidèle au scénario. Même si, de l’écrit à l’écran, il y a l’incroyable talent de Marion.

Durant le tournage elle a joué avec des bas verts, effacées par ordinateur pour donner l’illusion de l’amputation. Peut-on dire que la réussite des effets spéciaux conditionnait la réussite du film?
Si la technique n’avait pas été aussi légère, je n’aurais pas fait le film. Je n’aurais pas supporté. C’est déjà un film lourd… Il est clair que c’était impossible il y a 10 ans. On avait fait des essais avant, mais sur le tournage, ça a pris tout son sens. On y a gagné une forme de nudité, un sentiment de vrai. C’était bandant! Quand je vois la scène de plage où Matthias porte Marion sur son dos, ça me fait quelque chose. Pas vous?

L’après-Prophète

Le précédent film de Jacques Audiard, Un prophète, avait obtenu le Grand prix du jury au Festival de Cannes en 2009. Comment ce film a-t-il nourri De rouille et d’os? «Sur Un prophète, j’avais tourné pendant six mois dans un vraie fausse prison, dans des espaces réduits, avec des corps souvent cachés, explique le cinéaste. Et sans femme. Là, j’ai fait l’inverse. D’un point de vue formel, j’avais hésité à tourner Un Prophète en numérique avant d’opter pour le 35 mm. Cette fois, j’ai travaillé en numérique et en scope. Avec l’envie de filmer la lumière, les corps, les femmes…» Audiard nous en parle plus en détail.

Quel était votre état d’esprit après le succès d’Un prophète en 2010?
Il y a eu l’après-Cannes, l’après-sortie en salles, l’après ventes à l’étranger… C’est une aventure qui n’a jamais cessé de finir. On pourrait me dire que c’est la rançon du succès. Je ne me plains de rien, mais ça m’a empêché de travailler à autre chose pendant longtemps. Avant que je trouve la solution : voyager avec mon scénariste, Thomas Bidegain! Dès qu’on se posait quelque part, on faisait des séances de travail et ça a donné naissance, peu à peu, à De rouille et d’os.

Chaque nouveau film est-il une réaction au précédent?
Oui, même si les choses ne se font pas toujours de manière très consciente. Chaque film produit des anticorps qui vous apprennent des choses et vous emmènent ailleurs pour la suite. Par exemple, Sur mes lèvres m’indiquaient des choses sur la direction d’acteurs que j’ai essayé de mettre en pratique sur De battre mon cœur s’est arrêté. Lequel me dévoilait des limites que j’ai ensuite essayé de repousser sur Un Prophète. Chaque film nourrit le suivant, de façon inconsciente. Et parfois très consciente.

De rouille et d’os
En salle dès le 14 décembre

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.