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Passe-Partout: pour les enfants ou les parents?

Fugueuse

Je m’aventure ici volontairement sur un terrain miné: je vais vous parler du retour en ondes de Passe-Partout.

Ben oui, c’est sur toutes les lèvres depuis la première diffusion, lundi soir. Les parents d’aujourd’hui, de 30 à 45 ans, sont emballés à l’idée de s’asseoir devant leur téléviseur avec leurs enfants à 18h pour leur faire découvrir cet univers particulier qu’est celui de Passe-Partout. (On parle ici des mêmes parents qui, autrement, sont en guerre active contre les écrans – mais ça, c’est un autre dossier).

Mais une question me titille depuis l’annonce de ce retour en ondes: à qui s’adresse cette production?

Passe-Partout (2019)
Passe-Partout (2019)

Vous me direz qu’évidemment, c’est pour les enfants. On parle ici de Passe-Partout, une émission à vocation éducative. Mais, ce que j’ai vu dans mon écran cette semaine, est-ce que c’était vraiment pour les enfants malgré les couleurs vives, les chansons et les marionnettes?

Je m’explique.

On parle ici d’une reprise essentiellement calquée d’une émission vieille d’environ quarante ans qui, très rapidement, tape dans la nostalgie des plus vieux qui, au final, ont le contrôle sur ce qu’il y a à l’écran à la maison. Cette même nostalgie écarte toute rationalité quand on parle de Passe-Partout, et gare à celui qui osera critiquer le tout.

C’est comme dire qu’un chaton, c’est banal sur l’internet – ça ne se fait pas.

Mais évacuons la nostalgie deux secondes et observons ce Passe-Partout pour ce qu’il est. C’est une émission pour enfants parmi tant d’autres avec ses forces et ses faiblesses. Ça devient une question de préférence devant une abondance de choix à la télé, sur le web ou ailleurs.

Alors cette semaine, vous lirez que les nouveaux personnages, «comme avant», font bien ça et que l’esprit est intègre tout comme la magie que la série transporte. Ce que vous ne lirez pas, par contre, c’est que les parents enlèvent, d’une certaine façon, l’option à leurs enfants de se créer leurs propres souvenirs qui seront, dans trente ans, leur nostalgie à eux.

À l’époque, l’enfant que j’étais n’était pas intéressé par l’âge d’or des séries pour enfants de Radio-Canada en rediffusion pendant que j’avais le choix de visionner les G.I. Joe et les Ninja Turtles du début des années 1990. Sol et Gobelet, c’était la jeunesse de mes parents, et le bambin que j’étais trouvais ça «ben plate». Passe-Partout, c’est notre jeunesse qui est de retour pour s’inviter dans le présent de nos enfants. C’est beau dire qu’ils seront les seuls juges qui comptent (belle façon de couper l’herbe sous le pied des critiques), ce n’est pas très difficile d’imaginer un monde où leur choix sera orienté fortement vers cette émission au lieu d’une autre parce que «papa et maman trouvent ça important».

Sans être un problème, j’ai quand même un petit malaise devant cette idée de ne pas laisser place au libre arbitre infantile.

Cette reprise de Passe-Partout, même si agréable et bien faite, n’est pas de son temps. C’est un pas en arrière afin de rallier un auditoire vieillissant à son poste de télévision tout en l’incitant à convaincre ses enfants que c’était «dont mieux avant». J’ai beau trouver l’effort des trois nouveaux comédiens louable, j’ai beaucoup de difficulté ici à voir autre chose qu’une tentative désespérée d’attirer l’attention des déserteurs de l’écran de la part d’un diffuseur en perte de vitesse.

Ne montez pas aux barricades, je n’ai rien contre Passe-Partout. J’en ai plutôt contre les reprises, les remakes, les relectures, les adaptations et les suites qui freinent, d’une certaine façon, la créativité d’une nouvelle génération.

Les segments et les comptines de Passe-Partout ne sont pas intemporels – même si votre nostalgie vous chantera le contraire cette semaine. Si ça avait été le cas, de simples rediffusions des émissions originales auraient suffit à raviver la flamme, et ce n’était pas le cas lors du lancement très médiatisé des DVD il y a quelques années.

Il faut apprendre à laisser le temps suivre son cours et accepter que les choses changent, tout simplement.

Vous le savez sans doute, mais les épisodes sont disponibles sur le site de Télé-Québec.

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