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La douce musique de Yves Jarvis teintée de bleu

Photo: Chantal Lévesque

«Je veux qu’il y ait une chaleur attendrissante dans ma musique.» C’est mission accomplie pour Yves Jarvis, jeune artiste montréalais qui a fait paraître au début du mois son deuxième album, The Same but by Different Means, pour lequel il s’est inspiré de la couleur bleue.

The Same (la même chose), parce que le musicien poursuit son exploration unique en son genre – ou devrait-on dire «en ses genres», tellement il en mélange. Sur les 22 titres de cet album, les influences folk, blues, jazz, R&B, gospel et pop, pour ne nommer que celles-là, se fondent dans une harmonie et une douceur exceptionnelles.

By Different Means (par différents moyens), c’est notamment sous un nouveau nom d’artiste. Ayant entamé sa carrière sous le pseudonyme Un Blonde il y a quelques années, Jean-Sébastien Audet de son vrai nom a choisi de signer ce nouvel album Yves Jarvis; Yves étant le prénom de son grand-père ainsi que son deuxième prénom, Jarvis étant le nom de famille de sa mère.

«Je ne voulais plus utiliser Un Blonde, parce que je ne voulais pas qu’il y ait une frontière entre ma personne et ma musique, explique-t-il de sa voix posée. J’aime les artistes qui ont des personnages, mais dans mon cas, j’ai voulu être honnête.»

Pourquoi ne pas avoir tout simplement conservé son véritable nom? «Tout le monde épelle mal mon nom en écrivant Sébastien avec un “a”, et Audet est difficile à prononcer en anglais.»

Si les identités d’Yves Jarvis, Un Blonde ou Jean-Sébastien Audet sont encore peu connues au Québec, le jeune artiste se démarque dans les milieux indépendants anglophones depuis quelques années déjà. En 2016, son album Good Will Come to You s’est notamment retrouvé sur la liste longue du prix Polaris.

Plus récemment, la radio américaine NPR l’a classé parmi les 100 artistes à surveiller au prestigieux festival South by Southwest, où il se produit par ailleurs aujourd’hui même.

«Je pense que c’est parce que j’écris tous mes textes en anglais», répond-il lorsqu’on s’étonne de ne pas avoir entendu parler de lui plus tôt dans les médias francophones.

Ayant grandi entre Montréal et Calgary, Jean-Sébastien Audet a baigné dans la langue de Shakespeare toute sa vie, sauf à la maison. «Mon français se limitait jusqu’à tout récemment au contexte familial, parce que le reste de mon entourage a toujours parlé anglais. Donc, j’étais limité», explique-t-il pourtant dans un très bon français.

Désireux d’enrichir son vocabulaire, le musicien dit avec le sourire aux lèvres avoir amélioré son français notamment en regardant des émissions comme Tout le monde en parle.

Introverti, Yves Jarvis est un homme de peu de mots, tant sur enregistrement qu’en personne. «Quand j’en dis trop, j’ai beaucoup de regrets», avance-t-il.

Ça se reflète en entrevue, où à plusieurs reprises, il cherche les mots justes en tambourinant légèrement sur la table. Et ça s’entend dans ses chansons, où parfois il répète de courtes phrases, comme des mantras.

Pour illustrer sa démarche, il cite en exemple le morceau Talking or Listening. «Sans l’avoir fait consciemment, je réalise que la première partie de l’album est beaucoup dans le talking (parler), comme si j’avais essayé de tout dire dès le début, alors qu’il y a beaucoup plus d’espace, de listening (d’écoute), dans la dernière moitié.»

Sa voix, souvent multipliée, se fond parmi les autres instruments, tous joués par lui par ailleurs, à l’exception de la batterie. «J’accorde quand même une grande importance aux textes, dit-il. Je veux qu’ils s’intègrent complètement dans la musique, que ma voix ne soit ni au-dessus, ni en dessous des instruments.»

Il compare ce travail à celle d’un sculpteur qui polirait sans cesse son œuvre. «Je n’aime pas les résultats nets, je trouve ça tellement plate!»

Le résultat est hyper enveloppant, chaleureux et intime. Des qualificatifs rarement employés pour décrire de la musique expérimentale. Pourtant, en 22 titres variant de 15 secondes à 8 minutes, Yves Jarvis a pondu un album à la fois très atypique et accessible.

«Bien que j’adore la musique difficile, ce n’est pas du tout ce que je veux faire, explique-t-il. Je veux être invitant, tout en étant expérimental.»

 

«Je voulais transmettre la noirceur de façon lumineuse. J’avais en tête la lune et sa lumière éclatante.» – Yves Jarvis

Yves Jarvis ne veut pas perdre ses auditeurs en cours d’écoute. «J’aime écouter un album qui a de longues chansons quand je fais autre chose, par exemple si je cuisine. Et il y a des genres pour lesquels la longueur de la musique n’a aucune incidence sur l’expérience. Mais, dans mon cas, je souhaite que les gens soient attentifs, donc je ne veux pas faire des chansons trop longues. Je pense que je peux déjà en perdre avec 22 morceaux!» dit-il, bien que la totalité de The Same but by Different Means ne dure pas plus de 50 minutes.

Parmi ses nombreuses influences, Yves Jarvis cite notamment Judee Sill, Joni Mitchell, Stevie Wonder, John Coltrane, Brigitte Fontaine et Serge Gainsbourg. «Et encore là, ce que je viens de nommer n’est pas aussi varié que tout ce que j’écoute», précise-t-il.

Pour créer cet album aussi singulier, le Montréalais s’est inspiré de la couleur bleue. «J’associe toujours ma musique à une couleur. Pour moi, c’est une question de pertinence. Dans ce cas, le bleu s’est imposé à moi.»

Alors que la pochette de son premier disque était d’un jaune éclatant, celle-ci, qu’il a lui-même conçue, est d’un bleu foncé profond, symbolisant la tombée de la nuit.

Yves  Jarvis sait déjà que son prochain album sera vert. «Je pense que je vais toujours travailler ainsi, comme Weezer!»

 

The Same but by Different Means 
Album disponible
En première partie de Homeshake les 20 et 21mars au Théâtre Fairmount

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