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Wen Wei Wang: La langue du mouvement

Photo: Collaboration spéciale
Charlotte Mercille - Métro

Cinq danseurs explorent dans la création Dialogue notre besoin viscéral d’échanger avec les autres. Cette soif de communiquer, Wen Wei Wang en sait quelque chose, lui qui est arrivé au Canada il y a 27 ans sans parler un mot d’anglais ou de français. Entretien avec le chorégraphe chinois maintenant bien établi à Vancouver.

N’y a-t-il pas quelque chose d’ironique dans l’acte de nommer une pièce sans paroles Dialogue?
En effet, mais la danse est ma langue, j’utilise le mouvement pour communiquer avec les autres. Quand on parle de cet art, plusieurs diront que cela exige beaucoup de technique, que c’est beau à voir, mais pour moi, c’est bien plus que cela.

Je peux lire la danse, je peux lire les mouvements comme on déchiffre une partition de musique ou la composition d’un tableau. Notre première langue est le mouvement, alors en disant que le dialogue se limite aux mots, on oublie la manière dont le corps et les émotions qui s’en dégagent nous connectent entre êtres humains. C’est ainsi qu’entre danseurs, nous découvrons ce que nous sommes.

Dialogue retrace votre propre expérience en tant qu’immigrant…
C’est directement inspiré de mon arrivée au pays, mais l’état d’esprit de Dialogue se situe plus près de l’âge que j’ai présentement que de celui que j’avais à mes débuts. Je me sens encore comme un étranger.

La pièce n’est pas uniquement à propos de moi, mais elle fait partie de moi. Ce n’est pas une histoire où le temps et l’espace sont parfaitement délimités. Au début, les artistes, timides, attendent de voir qui va ouvrir le bal. On se retrouve la nuit, dans une sorte de discothèque où les différences fondent comme neige au soleil, où tout le monde se dégourdit.

Comme dans un rêve, on revient ensuite en arrière, et l’émotion se bâtit à mesure que les danseurs revivent leurs expériences de migration.

«Dialogue marque le moment où je me suis permis d’être qui je suis. Avant, je me cachais et j’essayais de m’adapter à tout prix à ce que la société attendait de moi. Ça n’a évidemment pas fonctionné, parce que je ne corresponds pas aux normes de celle-ci. Maintenant, je me concentre sur ce qui me semble juste et cette pièce est le produit de cette affirmation de soi.» – Wen Wei Wang, chorégraphe

Les cinq danseurs sont tous issus d’horizons différents. Pourquoi ne pas avoir aussi choisi d’inclure des femmes?
Je pense que j’étais plus à l’aise de travailler avec des hommes en tant qu’homme gay. Je suis plus à l’aise d’exprimer mes sentiments et de créer avec eux. Je traduis mieux la sexualité, l’agressivité et la recherche de soi dans les corps masculins.

Les danseurs font-ils aussi partie intégrante de votre processus créatif?
Absolument. Je n’enseigne pas seulement le mouvement aux danseurs, je découvre en même temps le ton qu’on veut donner à chaque performance, parce que notre corps est comme notre voix. Nous utilisons différentes voix à travers notre corps. J’ai appris leur histoire par leurs mouvements, leurs émotions et la manière dont ils les communiquent.

Par exemple, un des danseurs est une drag queen, mais plus jeune, il a fait ses débuts en danse de salon. Lorsqu’il danse avec des talons hauts, tout le monde le complimente sur ses jambes magnifiques et sur sa facilité à danser. Il est comme il est, c’est comme s’il avait toujours marché avec des talons hauts. Tous les danseurs étaient ébahis. Puis, j’ai décidé de le mettre en duo avec un danseur iranien très grand, qui a lui aussi commencé en faisant de la danse de salon. L’image de ces deux hommes qui sont séparés par tout en train de danser ainsi se révèle très intéressante. C’est ainsi que j’ai tissé chaque tableau : en puisant dans le passé de chaque danseur, en percevant un dénominateur commun, en imaginant comment leurs histoires peuvent s’entrelacer.

Pensez-vous que le fait que la danse contemporaine se montre plus ouverte à la diversité a contribué à la création de cette pièce?
C’est un mouvement qui s’étend plus loin que la danse contemporaine. Tout au long de notre vie, nous cherchons à nous comprendre, nous nous demandons qui nous sommes, pourquoi nous sommes ici, et la diversité nous empêche d’oublier cette énigme universelle.

Qu’est-ce qui vous attend après cette tournée?
Je m’envole pour le Edmonton Ballet, où je vais remplir les fonctions de directeur artistique et préparer trois productions cette année. Cette saison mettra d’ailleurs en vedette des danseurs montréalais.

Infos

Dialogue
À partir d’aujourd’hui et jusqu’à samedi, à l’Agora de la danse

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