Les sept dernières paroles: état de grâce cinématographique
L’été cinématographique n’est pas seulement propice à des divertissements à usage unique. On y trouve aussi des créations hors normes, comme Les sept dernières paroles, qui élèvent l’esprit.
Haydn a composé à la fin du XVIIIe siècle des sonates inspirées des sept dernières phrases que le Christ aurait prononcées du haut de sa croix. Un chef-d’œuvre musical que Kaveh Nabatian a voulu revisiter par l’entremise du septième art. «Ces thèmes d’abandon, de pardon, d’être confronté à la mort sont des expériences humaines universelles, surtout en ce moment où les cultures sont tellement polarisées», évoque le concepteur en entrevue.
L’idée a donné naissance à un film sans dialogue en sept segments, qui mélange fiction, documentaire et expérimentation, et que le Montréalais a réalisé en compagnie d’artistes accomplis tels que Ariane Lorrain, Sophie Goyette, Juan Andrés Arango, Sophie Deraspe, Karl Lemieux et Caroline Monnet. «On cherchait des gens qui avaient de la sensibilité, qui allaient avoir des perspectives différentes, explique celui qui est également membre du groupe Bell Orchestre. Je voulais travailler avec des explorateurs.»
L’important était de choisir des cinéastes qui avaient une affinité pour la musique, car l’interprétation du quatuor à cordes Callino Quartet de Londres converse constamment avec les images.
«C’est un film qui est né d’un esprit d’ouverture. La musique de Haydn vient des paroles de Jésus qui, théoriquement, sont venues de Dieu. Si on suit cette logique, il fallait que le film se fasse de la façon dont il voulait se faire. Et que nous soyons juste un conduit pour que ça se fasse.» Kaveh Nabatian, qui a eu l’inspiration du projet cinématographique Les sept dernières paroles.
«La seule chose que j’ai dite à tous, c’est qu’ils devaient marcher avec la musique avant de décider ce qu’ils voulaient faire», se souvient Kaveh Nabatian.
Le cérébral a tôt fait de laisser la place au ressenti, dont le lyrisme bouleverse et transcende allègrement.
«On travaille à la base avec la musique et l’intuition plutôt qu’avec l’intellectuel, expose celui qui a réalisé l’introduction et la conclusion de cet essai. C’est tellement dans l’humanité que ça touche la spiritualité. On est conscient qu’il y a quelque chose d’autre que nous.»
L’opus ne tarde pas à proposer une expérience poétique, sensorielle et impressionniste des plus singulières.
«Les spectateurs peuvent seulement se baigner dans les images, propose le cinéaste. Ça devient un film très hypnotisant, qui peut vraiment ouvrir le cœur. Ce n’est pas une histoire concoctée selon les règles de la SODEC. On est plus porté par l’âme que par la narrativité.»
Pas surprenant alors que le tout ait été un cauchemar à financer.
«Pour les institutions, c’était trop court pour être un long métrage et trop long pour être un court métrage, se rappelle Kaveh Nabatian. Tout le monde aimait l’idée, mais au Québec, chaque chose a sa bulle particulière et notre film ne marchait dans aucune bulle.»