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World Press Photo: regarder le monde en face

Photo: John Moore/Getty

Le World Press Photo nous invite à jeter un regard franc, direct et parfois douloureux sur notre monde dans son édition 2019, présenté jusqu’à la fin septembre au Marché Bonsecours.

On sort rarement indemne d’une visite de l’exposition du World Press Photo.

L’événement, qui regroupe les lauréats du prestigieux concours annuel de photojournalisme, a le don de mettre côte à côte le plus beau et le plus laid de l’humanité, parfois même dans la même image.

La cuvée 2019 ne fait pas exception. Comme photo de l’année, le jury a choisi le désormais célébré cliché de l’Américain John Moore montrant une fillette hondurienne de deux ans, en pleurs à côté de sa mère en train d’être arrêtée à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

Quelques pas plus loin, une série de photos du Suédois Pieter ten Hoopen, récipiendaire du nouveau prix Histoire de l’année, documente le passage dans des conditions inhumaines d’une caravane de migrants en Amérique centrale.

Puis, des photos plus candides: un flamant rose affublé de chaussons ou des mannequins sénégalaises prenant fièrement la pose.

Le World Press Photo, c’est un panorama étourdissant de la dernière année où se mélangent actualité brulante et recherche artistique poussée.

«C’est une représentation du monde dans lequel on vit, qui devient de plus en plus diversifié, dit Samira Damato, l’une des curatrices de l’exposition. Nous sommes à la recherche de représentations du réel venant de différents continents, de différentes cultures, de différentes races et de différents genres.»

Formé de professionnels du métier, le jury indépendant a fait son choix parmi 78 000 images soumises par 4 700 photographes de 129 pays.

Comment se démarquer dans une telle masse d’images? Aux dires de Samira Damato, l’émotion qu’elle suscite est la première qualité d’une photo. Mais la façon dont elle est prise a aussi un rôle à jouer.

«Nous récompensons l’authenticité, mais également l’ingéniosité du photographe. Nous voulons aussi représenter l’humanité de façon respectueuse, souligne-t-elle. On ne veut rien qui soit trompeur ou fallacieux. Les photos doivent être prises dans le respect des personnes représentées.»

«Ce que vous voyez ici, c’est la réalité sur le terrain» –Samira Damato, l’une des curatrices de l’exposition du World Press Photo

Samira Damato

Un outil de dialogue

Des conditions auxquelles souscrivent Bénédicte Kurzen et Sanne de Wilde. Le binôme franco-belge a obtenu le premier prix dans la catégorie Portait pour sa série sur les jumeaux au Nigeria, l’un des pays affichant l’un des taux de gémellité les plus élevés au monde.

Dans son reportage qui explore les notions de dualité et d’identité, le duo a choisi de représenter les jumeaux sous une forme quasi mythique.

«On cherchait des façons originales de représenter la gémellité, pas seulement en utilisant l’apparence, mais aussi l’aspect psychologique et spirituel, précise Sanne de Wilde. Qu’est-ce que cela veut dire être né avec un lien si fort, d’être deux personnes, mais une seule en même temps? C’est ce que nous voulions explorer en images.»

«C’est aussi un moyen d’explorer ce que les jumeaux peuvent représenter en tant que symbole métaphysique et universel. La fascination pour les jumeaux fait partie de toutes les cultures, sur tous les continents. Nous la partageons tous. Alors, c’est un pont pour amorcer un échange culturel et humain», estime la photographe de 32 ans basée à Amsterdam.

Les deux Européennes étaient aussi bien conscientes du danger de rendre leurs sujets exotiques.

«Ce n’est plus possible de travailler en Afrique sans se poser des questions fondamentales. Et je pense que c’est très bien. C’est un grand progrès», estime Bénédicte Kurzen, qui vit au Nigeria depuis une quinzaine d’années. On est obligés de se poser des questions sur la représentation, sur notre positionnement et notre distance. Il faut lire, se renseigner sur notre sujet et avoir une sensibilité.»

«Ce reportage, c’est notre interprétation d’une mythologie universelle qui nous inspire. C’est dans ces conditions qu’on peut vraiment considérer la photo comme un outil de dialogue interculturel.»

 

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